Des manifestants malgaches escortés par quelques militaires ont marché samedi sur la Place du 13-Mai dans la capitale Antananarivo, pour la première fois depuis le début de la mobilisation.
Des véhicules chargés de soldats armés ont rejoint des milliers de manifestants rassemblés dans la zone du lac Anosy, dans le sud de la capitale, où la police avait tiré des grenades lacrymogènes pour tenter de les disperser, montre une vidéo de l'AFP. Les manifestants ont crié "Merci" aux militaires, dont certains brandissaient des drapeaux malgaches.
La situation à Madagascar en octobre 2025 est marquée par une grave crise politique et sociale, avec des mouvements de protestation massifs et une tension croissante entre le pouvoir, la population et une partie de l’armée.
- Balles en caoutchouc et grenades assourdissantes -
Un contingent militaire basé près de la capitale malgache a appelé, dans une vidéo diffusée samedi, les soldats et les forces de sécurité à "unir leurs forces" et à "refuser les ordres de tirer" sur les manifestants. "Unissons nos forces, militaires, gendarmes et policiers, et refusons d’être payés pour tirer sur nos amis, nos frères et nos sœurs", ont déclaré des soldats d’une importante base militaire du district de Soanierana, en périphérie d’Antananarivo, dans cette vidéo. En 2009, la base militaire de Soanierana a mené une mutinerie lors du soulèvement populaire qui a porté au pouvoir l’actuel président Andry Rajoelina.
La veille à Antananarivo, un homme poursuivi puis roué de coups par les forces de sécurité a été laissé inanimé au sol, avant d’être évacué par la Croix-Rouge, comme le montraient aussi des vidéos virales sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs au moins quatre personnes ont été blessées par des balles en caoutchouc, dont une blessure ayant nécessité des points de suture, et deux par des éclats, vraisemblablement issus de grenades assourdissantes, d’après les bilans des rares organisations médicales faisant état de leurs interventions, SOS Médecin et Medikelly.
- 22 morts depuis le début des manifestations -
Faute d’appel à manifester vendredi, la capitale malgache était de retour au calme mais demeurait bouclée par les forces de l’ordre. La vie suivait son cours, perturbée seulement par les barrages routiers et les bouchons qu’ils pouvaient causer.
L’état-major mixte malgache chargé du maintien de l’ordre a confirmé vendredi des "mesures strictes" qu’il a justifiées par des "velléités" chez les manifestants de "terroriser la population" ainsi que de "provoquer des pillages".
Au moins 22 personnes ont été tuées au début des manifestations commencées le 25 septembre et plus d’une centaine blessées, d’après un bilan de ce même Haut-Commissariat quatre jours plus tard.
- Tournant sécuritaire -
"Parmi les victimes figurent des manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité, mais aussi d’autres tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants", précisait ce même bureau onusien. Le chef de l’État, Andry Rajoelina, a démenti des "chiffres erronés" mercredi, estimant les "pertes de vies" à douze, tous "des pilleurs, des casseurs" selon lui.
Après un ton conciliant et le renvoi du gouvernement, le président a pris un tournant sécuritaire en nommant un militaire comme Premier ministre ainsi que seulement trois nouveaux ministres jusqu’ici : ceux des Armées, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie. Le pays "n’a plus besoin de perturbation" a-t-il souligné.
AFP