Manifestations à Madagascar : au moins 22 personnes tuées, le président Andry Rajoelina ne démissionne pas mais limoge tout le gouvernement

  • Publié le 30 septembre 2025 à 12:05
  • Actualisé le 30 septembre 2025 à 15:51
Madagascar, Emeutes

Au moins 22 personnes ont été tuées et une centaine blessées à Madagascar d’après l’ONU depuis le début, ce jeudi 25 septembre 2025, des manifestations embrasant le pays. Portée par les jeunes du mouvement Gen Z (Génération Z) la population est d'abord descendue dans les rues d’Antananarivo pour protester contre les coupures récurrentes d'eau et d'électricité. La mobilisation s’est rapidement élargie à des revendications politiques. Elle a gagné plusieurs provinces de ce pays comptant parmi les plus pauvres de la planète et rongé par la corruption. Dans un discours télévisé prononcé lundi soir, le chef de l'État n'a pas annoncé sa démission, réclamée par les jeunes, mais le limogeage du Premier ministre Christian Ntsay.

Andry Rajoelina ne partira pas mais il a donc démissionné d'office le chef du Gouvernement et promis la formation d'un nouvel exécutif "d'ici trois jours". Il a même appelé les jeunes qui le désirent à "déposer un CV" pour entrer au gouvernement. 

Il s'est aussi engagé à débloquer des fonds pour "aider les jeunes" qui réclament sa démission. 

Cette annonce est venue après une nouvelle journée de tension ce lundi. À Antananarivo, étudiants, collectifs de jeunes et influenceurs s'étaient rassemblés pancartes en main, avant de manifester dans les rues. Les forces de l’ordre ont dispersé les cortèges à coups de gaz lacrymogène. L’arrestation du député d’Arivonimamo, Antoine Rajerison, a encore encore la colère. Ses partisans ont dénoncé une arrestation "illégale" et réclamé sa libération immédiate.

Un collectif d’étudiants, se présentant comme représentants des 23 régions, a condamné les débordements et appelé à un dialogue direct avec le président. Mais sur le terrain, la dynamique reste bien portée par la jeunesse urbaine.

Depuis le début du mouvement, la contestation a gagné plusieurs villes. À Mahajanga, les étudiants ont manifesté pacifiquement. À Toamasina, ils restent confinés à l’université par les forces de l’ordre. À Toliara, les affrontements se poursuivent et un manifestant a été arrêté.

Dans la capitale, la tension reste maximale. Les forces de sécurité quadrillent Ambohijatovo et Analakely, dissuadant toute nouvelle tentative de ralliement. Malgré ce verrouillage, les jeunes continuent de se rassembler et d’occuper l’espace public.

- Un lourd bilan humain, l’ONU "choquée" -

La contestation a déjà fait des victimes. Selon un bilan du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés, d'après l’AFP. "Parmi les victimes figurent des manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité, mais aussi d'autres tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants", détaille le Haut-Commissariat.

Le Haut-Commissaire Volker Türk s’est dit "choqué" par la réponse des autorités. "J'exhorte les forces de sécurité à s'abstenir de recourir à une force non nécessaire et disproportionnée et à libérer immédiatement tous les manifestants arrêtés arbitrairement", a-t-il déclaré.

- Couvre-feu et communication officielle -

En fin de journée, l’Organe Mixte de Conception (OMC) a annoncé un assouplissement du couvre-feu, désormais en vigueur de 20 heures à 4 heures du matin. Une décision justifiée par "l’évolution positive de la situation" dans la capitale.

Les forces de l’ordre affirment de leur côté utiliser uniquement des armes "non létales" pour repousser les manifestants, et appellent la population à "ne pas réagir de façon excessive". Depuis plusieurs jours, les images d'affrontements sont partagées sur les réseaux sociaux. Regardez.

À Ankatso, des individus porteurs d’objets tranchants auraient été interpellés, parmi eux "de simples citoyens ainsi qu’un élu", selon l’OMC.

Ce lundi, l’association Malagasy in USA a adressé une lettre à l’ambassadrice de Madagascar à Washington pour soutenir la mobilisation. Les jeunes installés aux États-Unis condamnent l’usage de balles réelles et dénoncent "une violation flagrante des droits humains". Ils réclament le respect des libertés fondamentales et l’ouverture d’un dialogue avec la jeunesse, rappelant que "le peuple malgache observe, et le monde est attentif".

Pour rappel : Ancien maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina, 51 ans, s’était installé une première fois au pouvoir de 2009 à 2014 à la faveur d’un coup d’État faisant suite à un soulèvement populaire. Il s’est ensuite fait élire en 2018 puis réélire en 2023 lors d’un scrutin contesté.

Le gouvernement malgache dissous après la répression sanglante de manifestations -

Un des mots d’ordre affichés désormais par la Gen Z via ses canaux est "Rajoelina, dégage" ("Miala Rajoelina") et le mouvement invite les proches du président à en faire de même.

Face à l’ampleur du mouvement, Andry Rajoelina a tenté de calmer le jeu en limogeant son ministre de l’Énergie vendredi.

Il s’est ensuite personnellement déplacé dimanche dans un quartier populaire d’Antananarivo, à son retour de l’assemblée générale de l’ONU à New York, pour promettre aux habitants de "tout corriger, pour être encore plus proche" des Malgaches.

Contesté personnellement, le président Andry Rajoelina a annoncé lors d'une allocution solennelle lundi soir "mettre fin aux fonctions" de son gouvernement, y compris de l'indéboulonnable Christian Ntsay, Premier ministre depuis 2018, quand il avait été nommé par le précédent président.

"En attendant la formation du nouveau gouvernement, ceux qui sont en place assureront l'intérim. Durant les trois prochains jours, nous allons recevoir les propositions de noms de Premier ministre", a ajouté le chef d'Etat, qui avait s'était déjà séparé de son ministre de l'Energie vendredi. 

Le mouvement Gen Z reprend à son compte le drapeau pirate tiré du manga One Piece, signe de ralliement vu en Indonésie ou au Népal de mouvements de contestation. Il s’est baptisé en référence à la génération des personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Outre la capitale, la mobilisation est particulièrement suivie dans le nord, à Antsiranana. Des rassemblements sont signalés à Fianarantsoa (centre du pays), Toliara (sud) et Toamasina (est).

Il s’agit des manifestations les plus importantes depuis la période précédant l’élection présidentielle de 2023. Boycotté par l’opposition, le scrutin avait attiré la participation de moins de la moitié des électeurs inscrits.

En dépit de ses richesses naturelles exceptionnelles, Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres de la planète et est classé 140e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Près de 75 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d’après la Banque mondiale.

- Solidarité à La Réunion Solidarité avec Madagascar -

À La Réunion, un rassemblement était organisé samedi dernier à Saint-Denis en soutien aux manifestants. Citoyens et militants ont pris la parole devant une centaine de personnes, certains drapés du drapeau de la Grande Île, d'autres portant des pancartes où l'on pouvait lire divers slogans : "Pourquoi tuer un peuple qui crie à l'aide pacifiquement ?", "On réclame du changement, plus de promesses en l'air !", "Arrêtez de frapper ceux qui réclament leur droit de vivre", "C'est juste une simple demande : de l'eau et de l'électricité".

"La jeunesse s'est levée, cette génération réussit là où nous les aînés avons échoué", dit Sylvie Razafintsalama, citoyenne franco-malgache. "Le pays se dégrade, les Malgaches souffrent au quotidien. On n'a pas d'eau, d'électricité, les enfants ne sont pas à l'école, on ne peut pas se soigner de façon digne. Sauf quand on a de l'argent, quand on est au gouvernement par exemple : ils vont à Maurice, en France", dénonce-t-elle. "Il y a un fossé énorme entre les dirigeants et le peuple, et ils refusent de le voir."

"La dernière grande manifestation à Madagascar a eu lieu en 2009, où il y a eu énormément de personnes qui sont mortes, ce qui a créé un grand traumatisme au sein de la population. Cela a pris une décennie pour qu'on se mobilise de nouveau", rappelle Stene, un jeune de 21 ans né à Madagascar et arrivé à La Réunion il y a dix ans. Le bilan officiel fait état de 135 morts durant cette période (attention, images sensibles).

"Quand on sait qu'il y a toujours un lourd traumatisme, entre la colonisation et les coups d'État successifs, c'est dur de se dire que les populations qui veulent manifester sont réprimées", dit-il. "On ne peut pas rester silencieux face à ça."

Malgré des richesses naturelles exceptionnelles, Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres de la planète. Près de 75 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d’après la Banque mondiale.

www.imazpress.com/redac@ipreunion.com avec AFP

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8 Commentaires
MARIMAR
MARIMAR
3 jours

Ce serait bien que les politiciens de tous bords se préoccupent de ce qui se passe chez eux avant de commenter les émeutes de Madagascar, la France et la Réunion sont ouvertement critiquées par des ressortissants de la grande île, à chacun ses problèmes. Qui se souvient de l'histoire de la Sakay ? Une vieille réunionnaise a pleuré toutes les larmes de son corps lorsqu'elle a été chassée comme une moins que rien, le chagrin a fini par la tuer. C'est dommage mais ce sont des innocents qui paient.

Shakur Panther
Shakur Panther
3 jours

Il aurait du se "limoger" également . Le vrai problème c'est ce Président "français" qui dirige un pays qui n'est pas le sien au détriment de ses habitants. Il veille juste à ses intérêts , aux intérêts de la France, il s'enrichit sur le dos des citoyens sans aucune partage des richesses de ses sous sols. Qu'il s'en aille ou qu'on le chasse c'est tout ce qu'il mérite. ces gens avides de pouvoir sont à vomir.

HULK
HULK
3 jours

Il nous fait du MACRON. Il sont bien tous les mêmes.

Drakar Mada
Drakar Mada
3 jours

"petite" précision historique nécessaire : le putsch militaire de Février 2009 ne faisait pas suite à un mouvement populaire ; plutôt une reprise des "affaires malgaches" par la France impériale (sous #Sarkozy) ne supportant pas qu'un anglophone (Marc Ravalomanana) détienne plus longtemps le pouvoir acquis par une véritable guerre civile POPULAIRE en 2002 !
P.S.1 - La responsabilité de Nicolas Sarkozy est avérée dans le soutien au DJ malgache, ami de fac et de fêtes estudiantines parisienne du fils Sarko...
P.S.2 - La responsabilité d'Emmanuel Macron est également avérée dans le soutien à "Son Excellence", ne serait-ce que par l'obtention en 2015 de la nationalité française sous le nom de Cedric Rajoelina (ainsi que de sa famille proche).

Will
Will
3 jours

Les Russes ont la nostalgie de l'URSS... bientôt Mada aura la nostalgie de la France

Jose
Jose
3 jours

On a le même à la tête de la France...

Pas un president exemplaire
Pas un president exemplaire
3 jours

Le président malgache n'est pas exemplaire. Son peuple souffre. Son fils fait des études en Suisse. Il a la doublé nationalité.

Nous en France c'est pas mieux non plus. Y en a même qui font de la prison en France.

Il faut virer Selly SPL Estival
Il faut virer Selly SPL Estival
3 jours

Que Mada retrouve le calme et ka paix