Payer l'arrachage des plants de coca : le pari de la Colombie contre le narcotrafic

  • PubliĂ© le 4 juin 2025 Ă  13:14
  • ActualisĂ© le 4 juin 2025 Ă  13:19
Nicolas et Alirio Caicedo arrachent des plants de coca dans le cadre du plan d'arrachage lancé par le gouvernement, à Argelia, dans le département du Cauca, en Colombie, le 6 mai 2025

Pour ralentir le trafic de cocaĂŻne dont la Colombie est le premier producteur mondial, le gouvernement tente Ă  nouveau le pari de l'arrachage.

A Argelia, municipalité du canyon du Micay dans le sud-ouest du pays, la famille d'Alirio Caicedo et de son fils Nicolas est l'une des 3.900 convaincues par l'offre gouvernementale.

Chacune recevra 12 versements, le premier anticipé de 300 dollars pour l'arrachage, et les autres pour le nécessaire à la transition vers des cultures légales, comme le café ou le cacao.

Nicolas, 44 ans, et son pÚre Alirio, 77 ans, arrachent à la pelle prÚs de deux hectares de cocaiers, l'ingrédient principal de la cocaïne, plantés sur leur propriété.

"C'est difficile", confessent-ils à l'AFP. "Quand on plante un arbuste (de coca), on a l'espoir" d'"une récolte et de revenus", explique Nicolas. Désormais, "l'arracher signifie (...) qu'il n'y aura pas de récolte dans le futur, autrement dit, pas d'argent", ajoute-t-il.

La cheffe de la Direction de substitution des cultures d'usage illégal, Gloria Miranda, a assuré à l'AFP que le programme visait à éliminer au moins 45.000 hectares dans trois des zones les plus conflictuelles du pays afin de "réduire l'offre" pour les narcotrafiquants.

En 2023, la Colombie comptait 253.000 hectares de cultures illicites de feuilles de coca, selon le dernier rapport de l'ONU.

Le gouvernement a prévu d'allouer 14,4 millions de dollars pour cette initiative, annoncée en mars. Une somme qui peut varier en fonction du nombre de participants.

- "Virage" -

Ce plan est mis en Ɠuvre alors que la Colombie attend que l'administration Trump renouvelle en septembre sa certification de pays alliĂ© dans la lutte contre le narcotrafic.

Le président colombien de gauche Gustavo Petro est arrivé au pouvoir en 2022 avec l'espoir de changer l'approche guerriÚre de la lutte contre le narcotrafic et les groupes armés du pays qui se financent avec celui-ci. Il a depuis lancé des pourparlers de paix tous azimuts.

Mais les nĂ©gociations sont rompues avec la plupart d'entre eux qui ont profitĂ© des pĂ©riodes de cessez-le-feu pour accroĂźtre leur emprise sur les territoires. L'armĂ©e a intensifiĂ© ses offensives. M. Petro, jusqu'alors fervent opposant, dit mĂȘme envisager l'utilisation d'herbicides contre les cultures de coca.

Et ce plan de "paiement pour éradication volontaire" suscite de nombreuses interrogations parmi les experts.

Si le président Petro a pris un "virage trÚs clair" depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, l'ancienne coordinatrice des recherches sur le narcotrafic de la Commission de la vérité - issue de l'accord de paix avec les FARC en 2016 - doute de l'efficacité réelle de ce plan d'arrachage.

Estefania Ciro juge que ce programme "a Ă©tĂ© bĂąti dans les mĂȘmes conditions" que les prĂ©cĂ©dents qui ont Ă©chouĂ© car il repose sur le "principe premier" d'Ă©radication de la coca sans qu'il soit accompagnĂ© de perspective de fin du conflit armĂ© et de dĂ©sarmement des groupes illĂ©gaux.

- "Vérification" -

Sur les hauteurs, les arrachages progressent et Gloria Miranda affirme qu'il y aura une surveillance satellitaire "rigoureuse" car elle concĂšde qu'il sera "difficile" de contrĂŽler in situ.

Au cabinet du maire d'Argelia, on reconnaßt un risque: que certains "essaient de tromper" le gouvernement et ne procÚdent pas aux arrachages aprÚs avoir perçu l'avance de 300 dollars.

Dans la propriété des Caicedo pousse désormais abondamment du café sur la promesse de lendemains meilleurs portés par des prix à la hausse sur le marché international.

Le pÚre et le fils disent également quitter la culture de la coca par souci de "tranquillité". Car à la différence des narcotrafiquants, la coca ne les a pas rendus millionnaires. Selon eux, leur production leur rapportait 2.500 dollars par trimestre.

"Maintenant on est lancĂ©s dans ce nouveau programme, Ă  voir oĂč cela nous mĂšnera", lance le pĂšre, Alirio Caicedo.

Un autre agriculteur, qui préfÚre garder l'anonymat pour des raisons de sécurité, s'est également engagé auprÚs du gouvernement à en finir avec la coca, non sans craintes, car "aucun groupe armé vivant" du narcotrafic "ne voudra qu'un agriculteur cesse de planter", souffle-t-il.

AFP

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