A PĂ«rmet, ville nichĂ©e dans la vallĂ©e de Vjosa, dans le sud de l'Albanie, la culture de la rose est reine, qu'elle serve Ă faire des parfums, de l'eau aromatisĂ©e oĂč des loukoums qui font les dĂ©lices des milliers de touristes.
"Ici tout tourne autour des roses, ces roses qui libÚrent leur parfum, utilisées en cuisine ou pour leurs vertus médicinales... Ici, la vie est en rose", sourit Ariana Nikolla, enseignante en biologie à Përmet.
Depuis toute petite, cette femme de 57 ans taille à la main les buissons épineux et cueille délicatement les pétales de sa rose préférée, "la rose du marié", baptisée ainsi pour son odeur délicate.
A PĂ«rmet, 7.000 habitants, la rose est un rituel : c'est le premier cadeau que l'on doit offrir Ă la personne dont on est Ă©pris - et elle se doit d'ĂȘtre rose, pour symboliser amour et fidĂ©litĂ©.
Cette ville oĂč chaque famille cultive des dizaines de variĂ©tĂ©s de roses dans son jardin, dont la Rosa Damascena et la Rose Ă cent-feuille, est connue dans tous les Balkans pour son eau de rose artisanale.
Impossible pourtant de l'acheter - cela coûterait trop cher, expliquent les habitants, qui n'offrent que quelques gouttes de temps à autre, et veillent jalousement sur leurs réserves.
"L'eau de rose, c'est comme l'amour, il faut en prendre soin", explique Resmie Tuçi, 70 ans.
"Obtenir l'eau de rose de haute qualité est un travail difficile et méticuleux, il faut des récipients particuliers - en cuivre -, il est aussi crucial de reconnaßtre les roses et de choisir celles dont les pétales seront les plus parfumés", explique cette femme en pratiquant les gestes qui ont traversé des générations.
La tradition, transmise de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, est inscrite Ă l'inventaire national du patrimoine culturel immatĂ©riel : d'abord, tendre un tissu sur une Ă©cuelle de cuivre, elle-mĂȘme placĂ©e dans une grande bassine d'eau Ă fond plat.
Disposer les pétales de rose soigneusement cueillis sur le tissu, puis les recouvrir d'une pierre trÚs plate, sur laquelle on place des cendres. Les pétales placés en dessous vont suer, grùce à la condensation.
"Un processus qui prend des heures", explique Resmie. "Mais chaque goutte est précieuse", lance joyeusement Ariana Nikolla, remplissant d'eau de rose une petite bouteille qu'elle conservera ensuite plusieurs semaines dans un endroit ensoleillé. "Aussi précieuse que l'or".
- Délices -
Chaque famille l'utilise pour ses bienfaits supposés. En remÚde pour apaiser les yeux irrités, en crÚme anti-inflammatoire pour aider à calmer les démangeaisons, en cuisine ...
Eftali Qerimi, 63 ans, le jure : les loukoums d'amande Ă l'eau de rose qu'elle cuisine dans son atelier ne ressemblent Ă aucun autre.
Avec uniquement de la poudre d'amande, du sucre et de l'eau de rose, elle confectionne ses gùteaux en forme de ... rose, évidemment, qui marquent les événements importants de toutes les familles de la région.
Considérés comme des porte-bonheurs, ils sont servis pour les anniversaires, les noces, les 'baby shower' ...
Avec les femmes qui travaillent dans son atelier, Eftali Qerimi produit jusqu'Ă dix kilos de loukoums par jour, qu'elle vend Ă 50 euros le kilo.
De temps en temps, elle abandonne les formes de roses pour fabriquer deux petits loukoums en forme de pied de bébé - une façon, selon la tradition, de souhaiter une longue vie aux nouveau-nés.
Entre deux fournĂ©es, ces femmes mitonnent de la confiture de pĂ©tales de rose dont le parfum embaume tout l'atelier. "La rose est tout pour nous, elle symbolise le cĆur, l'amour et le bonheur de vie", philosophe Eftali, pour qui la haute saison commence. "Les touristes affluent dans la ville, et aprĂšs les beautĂ©s naturelles, ils veulent aussi savourer ses dĂ©lices".
AFP





