France

Rapatriement de jihadistes: le gouvernement entre fermeté et "cas par cas"

  • PubliĂ© le 4 janvier 2018 Ă  22:39
  • ActualisĂ© le 5 janvier 2018 Ă  05:56
Nicole Belloubet, le 3 janvier 2018 Ă  Paris

Le gouvernement a jugĂ© jeudi que les Français de la nĂ©buleuse jihadiste capturĂ©s en Irak et en Syrie devaient y ĂȘtre jugĂ©s dĂšs que les conditions le permettent, sans toutefois fermer la porte Ă  des retours en France.


Tout en rappelant la politique de retour au "cas par cas" Ă©dictĂ©e en novembre par Emmanuel Macron, notamment pour les femmes et les enfants, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a soulignĂ© que les personnes arrĂȘtĂ©es en Irak et Syrie devaient autant que possible "ĂȘtre jugĂ©es dans les pays oĂč elles ont Ă©tĂ© interpellĂ©es".

D'aprĂšs une source proche du dossier en France, une trentaine de jihadistes français adultes, hommes et femmes, accompagnĂ©s de plusieurs dizaines d'enfants, ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s dans ces deux pays, dont la grande majoritĂ© par les forces kurdes en Syrie. Parmi eux, des figures connues comme Thomas Barnouin, 36 ans, vĂ©tĂ©ran de la nĂ©buleuse jihadiste du Sud-Ouest de la France -- dans laquelle ont gravitĂ© Mohamed Merah ou les frĂšres Clain -- et Emilie König, 33 ans, propagandiste et recruteuse notoire du groupe Etat islamique (EI).

Face Ă  une opinion publique traumatisĂ©e par les attentats de 2015, perpĂ©trĂ©s en partie par des jihadistes français revenus de Syrie, le gouvernement redouble de prudence. Mme Belloubet a rappelĂ© que "lorsque ces pays ont des institutions judiciaires qui sont reconnues", comme en Irak oĂč ils encourent la peine de mort, les ressortissants français "seront jugĂ©s lĂ ".

Mais le gouvernement Ă©tait jusqu'ici restĂ© plus flou sur la Syrie, oĂč les Kurdes, et non le gouvernement de Damas, contrĂŽlent une partie du nord et du nord-est du pays et disent y avoir capturĂ© depuis un an 1.300 jihadistes locaux et Ă©trangers. Le sujet a rebondi cette semaine lorsque deux Françaises dĂ©tenues en Syrie, dont Emilie König, ont par l'intermĂ©diaire de leurs avocats, Marie DosĂ© et Bruno Vinay, demandĂ© au gouvernement français de pouvoir ĂȘtre jugĂ©es dans l'Hexagone, avec leurs enfants prĂšs d'elles.

"Pour la Syrie (?), nous allons travailler avec l?ensemble des partenaires, notamment la Croix-Rouge, pour nous assurer qu?elles bĂ©nĂ©ficient d?un procĂšs Ă©quitable", a rĂ©pondu jeudi Mme Belloubet, qui s'exprimait lors d'une visite Ă  la maison d'arrĂȘt de Fleury-MĂ©rogis, semblant accrĂ©diter l'idĂ©e que des Français pourraient ĂȘtre jugĂ©s sur place.

- 'Décisions à prendre' -

Dans la matinée, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait n'avait pas dit autre chose en estimant sur BFMTV que si "dans le Kurdistan syrien (...) il y a des institutions judiciaires qui sont en capacité d'assurer un procÚs équitable (...), elles seront jugées là-bas". Ces déclarations ont soulevé un tollé chez les avocats et familles de plusieurs Françaises détenues avec leurs enfants en Syrie, dont beaucoup affirment n'avoir jamais pris les armes.

"Le gouvernement français montre son vrai visage. Il refuse d'avoir une position claire par peur de l'opinion publique", a déclaré à l'AFP Amine Elbahi, dont la s?ur a quitté la France en 2014 pour gagner la Syrie. Pour les femmes notamment, "ni la sécurité ni un procÚs équitables ne sont garantis en Syrie", dit-il.

Me Dosé et Me Vinay réclament également que leurs clientes soient jugées en France avec leurs enfants, notamment parce qu'aucune "autorité identifiée" ne peut le faire en Syrie. Quant au "cas par cas", "c'est la rupture totale de l?égalité devant la loi", estime Me Dosé.

Khaled Issa, reprĂ©sentant de la fĂ©dĂ©ration kurde syrienne (Rojava) Ă  Paris, a dĂ©clarĂ© Ă  l'AFP que les Kurdes syriens Ă©taient prĂȘts Ă  "s'arranger" avec Paris pour que des prisonniers soient transfĂ©rĂ©s en France ou jugĂ©s en territoire kurde syrien. "Nous aurons un certain nombre de dĂ©cisions Ă  prendre en particulier pour les enfants", avait pour sa part notĂ© mardi le ministre de l'IntĂ©rieur GĂ©rard Collomb, laissant la porte ouverte Ă  d'Ă©ventuels retours.

Mais des voix s'y opposent. "Aucun risque ne doit ĂȘtre pris avec la sĂ©curitĂ© des Français", et les jihadistes françaises doivent ĂȘtre "jugĂ©es lĂ  oĂč elles se trouvent", a rĂ©clamĂ© Lydia Guirous, porte-parole des RĂ©publicains (LR). Selon les autoritĂ©s françaises, environ 1.700 Français ont rejoint les zones jihadistes irako-syriennes depuis 2014. Jusqu'Ă  450 seraient morts, et 302 sont revenus en France.

AFP

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