TikTok fait-il la promotion du suicide ? Le parquet de Paris a ouvert une enquĂȘte aprĂšs le signalement d'un dĂ©putĂ© pointant l'influence nĂ©faste sur les jeunes de l'algorithme de la plateforme, qui rejette "fermement" ces accusations.
L'ouverture de cette enquĂȘte intervient aprĂšs la publication, en septembre, des conclusions d'une commission d'enquĂȘte parlementaire.
La plateforme ultrapopulaire chez les jeunes propose un "océan de contenus néfastes", de la violence "sous toutes ses formes", condamnait alors la rapporteure de cette commission Laure Miller (EPR) en conférence de presse.
Son président, le député Arthur Delaporte (PS), avait saisi le 11 septembre la procureure de Paris, estimant que "TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs".
Ce signalement dénonce "notamment" ce qui est "considéré comme une modération insuffisante de TikTok, sa facilité d'accÚs par des mineurs, son algorithme élaboré susceptible de pousser les personnes vulnérables vers le suicide en les enfermant trÚs rapidement dans une boucle de contenu dédié", a synthétisé la procureure dans un communiqué mardi.
Une enquĂȘte prĂ©liminaire a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă la Brigade de lutte contre la cybercriminalitĂ© (BL2C) de la prĂ©fecture de police de Paris, a prĂ©cisĂ© Laure Beccuau.
"Nous rĂ©futons fermement les accusations", a rĂ©pliquĂ© TikTok dans un communiquĂ© transmis Ă l'AFP, en assurant proposer "plus de 50 fonctionnalitĂ©s et paramĂštres prĂ©dĂ©finis spĂ©cialement conçus pour assurer la sĂ©curitĂ© et le bien-ĂȘtre des adolescents".
Pour sa part, Arthur Delaporte a saluĂ© dans un communiquĂ© "l'ouverture de cette enquĂȘte, indispensable pour approfondir et potentiellement sanctionner les multiples dĂ©faillances de la plateforme".
- "Business du sordide" -
Les investigations de la BL2C portent sur plusieurs infractions possibles. Il y a dans le collimateur des enquĂȘteurs la "propagande en faveur de produit, objet ou mĂ©thode prĂ©conisĂ©s comme moyens de se donner la mort", dĂ©lit faisant encourir la peine de 3 ans d'emprisonnement et une amende de 45.000 euros, selon la procureure.
Sont aussi visées la "fourniture de plateforme en ligne pour permettre une transaction illicite en bande organisée" (10 ans d'emprisonnement et une amende de 1 million d'euros encourus) et l'"altération du fonctionnement d'un systÚme de traitement automatisé de données en bande organisée" (10 ans d'emprisonnement et une amende de 300.000 euros encourus).
Les investigations concernent donc notamment "l'édition de contenus consistants notamment à la promotion du suicide", développe Laure Beccuau.
Dans une réaction à l'AFP en septembre, TikTok avait "catégoriquement" rejeté "la présentation trompeuse" de la commission, "qui cherche à faire de notre entreprise un bouc émissaire face à des enjeux qui concernent l'ensemble du secteur et de la société".
- "Contenus dangereux" -
La "modération y demeure largement insuffisante, tout comme le contrÎle de l'ùge des utilisateurs", insiste mardi Arthur Delaporte.
"Chargé, avec Stéphane Vojetta (Renaissance), d'une mission par le gouvernement sur les enjeux émergents du numérique, nous rendrons nos conclusions au début du mois de décembre", ajoute-t-il.
La section de lutte contre la cybercriminalitĂ© du parquet de Paris s'est appuyĂ©e pour lancer l'enquĂȘte sur l'analyse de la commission d'enquĂȘte parlementaire, ainsi que sur diffĂ©rents rapports sur la plateforme. Un rapport du SĂ©nat en 2023 a ainsi "soulignĂ© un risque en matiĂšre de libertĂ© d'expression, de collecte des donnĂ©es, et d'algorithmes offensifs dans la consultation de contenus dangereux", rappelle Mme Beccuau.
Celui d'Amnesty International en 2023 a alertĂ© "sur les dangers de l'algorithme, jugĂ© addictif et faisant courir des risques de passages Ă l'acte auto agressif chez les jeunes", dĂ©roule la procureure de Paris. Le rapport de Viginum (service de l'Ătat luttant contre les ingĂ©rences numĂ©riques Ă©trangĂšres) en fĂ©vrier 2025 a fait Ă©tat "d'un risque critique de manipulation de l'opinion publique notamment dans un contexte Ă©lectoral", pointe encore Mme Beccuau.
Le parquet travaille en coopĂ©ration Ă©troite avec les diffĂ©rents services de l'Ătat impliquĂ©s sur ces sujets, "notamment l'Arcom (rĂ©gulateur de l'audiovisuel et du numĂ©rique) et Viginum".
Laure Miller, rapporteure de la commission d'enquĂȘte parlementaire, prĂ©conisait en septembre d'interdire les rĂ©seaux sociaux aux moins de 15 ans et un "couvre-feu numĂ©rique" pour les 15-18 ans.
"Il est temps que les réseaux sociaux proposent une offre distincte pour les mineurs. Et avec vérification d'ùge", a réagi Justine Atlan, directrice générale de l'association e-Enfance.
AFP
