Le suĂ©dois Spotify, numĂ©ro un mondial de la musique en streaming, fait ses premiers pas en Bourse mardi Ă New York, au moment oĂč --hasard du calendrier-- les valeurs technologiques connaissent une passe difficile sur les marchĂ©s. MalgrĂ© 71 millions d'abonnĂ©s payants et le boom de l'Ă©coute musicale en ligne, le groupe qui a rĂ©volutionnĂ© ce marchĂ© n'a jamais engrangĂ© le moindre bĂ©nĂ©fice. Mais il jouit d'une confortable avance sur ses concurrents, Apple Music, numĂ©ro deux avec moitiĂ© moins d'abonnĂ©s, ou encore Google Music, Tidal, Deezer ou Amazon. Spotify sera cotĂ© sous le symbole "SPOT".
Pour son patron Daniel Ek, l'entrée en Bourse n'est qu'une étape : "bien sûr, je suis fier de ce qu'on nous avons construit en dix ans. Mais, pour moi, ce qui est encore plus important, c'est que demain ne devienne pas le jour le plus important pour Spotify", a-t-il écrit lundi dans un message aux salariés publié sur le site du groupe.
"Spotify ne lĂšve pas de capitaux et nos actionnaires comme nos salariĂ©s peuvent acheter ou vendre nos actions depuis des annĂ©es. Donc mĂȘme si demain (mardi) nous offre plus de visibilitĂ©, cela ne change pas qui nous sommes, ce que nous faisons et la façon dont nous fonctionnons", a-t-il ajoutĂ© dans une prise de parole inattendue, les entreprises Ă©tant habituellement priĂ©es de rester silencieuses Ă l'approche de leur introduction en Bourse.
L'opération se fera sans paillettes : Daniel Ek ne viendra pas se faire interviewer mardi à Wall Street ni sonner la cloche qui ouvre la séance boursiÚre, dérogeant ainsi à la tradition qui veut que les impétrants soient présents le jour de leur premiÚre cotation. "Spotify n'a jamais été une entreprise d'un genre normal", affirme M. Ek. Certaines estimations optimistes valorisent la société à plus de 20 milliards de dollars.
Autre particularitĂ©, plus technique : l'opĂ©ration se fait via une procĂ©dure atypique dite de "cotation directe", simplifiĂ©e et moins coĂ»teuse car sans intermĂ©diaires. Elle est aussi plus imprĂ©visible, le prix des titres n'Ă©tant pas fixĂ© d'avance. Ses premiers pas pourraient ĂȘtre d'autant plus chahutĂ©s que les valeurs technologiques mordent la poussiĂšre ces derniers temps, en particulier avec le scandale Facebook/Cambridge Analytica autour de l'utilisation de donnĂ©es personnelles d'utilisateurs. Lundi, la Bourse Ă©lectronique Nasdaq, qui concentre ses valeurs, a perdu 2,74% portant son repli Ă prĂšs de 10% depuis son dernier record le 12 mars.
"Spotify est une marque +cool+. Les ados en particulier l'adorent", relĂšve l'analyste Paul Verna (eMarketer). Mais le groupe "va ĂȘtre noyĂ© dans la masse des autre valeurs technologiques, plombĂ©es derniĂšrement par le scandale Facebook", dit-il aussi.
- "Licorne" musicale -
En entrant à Wall Street, Spotify rejoint d'autres "licornes" --les sociétés technologiques non cotées valorisées au-delà du milliard de dollars-- qui ont sauté le pas ces derniers mois, comme Snap, maison mÚre de Snapchat, ou la plateforme de stockage en ligne Dropbox. Avec des résultats mitigés : Snap a fini lundi à moins de 15 dollars lundi (contre 24 dollars à son entrée sur les marchés l'an dernier), mais Dropbox, à 30 dollars, reste au-dessus de son prix d'introduction de 21 dollars le 24 mars dernier.
Autre point commun : ces entreprises n'ont jamais engrangé le moindre bénéfice malgré des centaines voire des milliards de dollars de chiffre d'affaires.
Spotify prévoit un revenu en hausse de 20 à 30%, entre 4,9 et 5,3 milliards d'euros en 2018. Encore jamais rentable, la société suédoise prévoit néanmoins de ramener sa perte opérationnelle entre 230 et 330 millions d'euros, contre 378 millions en 2017.
Mais sa priorité à court terme, c'est le nombre d'abonnés, qu'il espÚre porter cette année à au moins 92 millions. Le streaming, qui continue de redessiner le paysage de l'industrie musicale, continue en effet de croßtre et sert de locomotive aux ventes de musique, le succÚs de Spotify y étant pour beaucoup. Mais cette ascension ne s'est pas faite sans contestation, beaucoup d'artistes lui reprochant notamment de reverser trop peu aux artistes.
En vue de cette entrée en Bourse, Spotify a conclu récemment un accord de participations croisées avec le chinois Tencent, ce qui préoccupe certains analystes, qui s'inquiÚtent des liens entre Tencent et l'Etat chinois.
AFP

