AprĂšs des mois de quĂȘte pour trouver comment Ă©viter d'ĂȘtre rachetĂ© par Veolia, Suez a annoncĂ© dimanche avoir obtenu une offre des fonds français Ardian et amĂ©ricain GIP, pour parvenir Ă une "solution amicale" avec son concurrent, qui a immĂ©diatement envoyĂ© une fin de non recevoir. Le conseil d'administration "a reçu une lettre d'intention d'Ardian et de GIP (Global Infrastructure Partners), visant Ă permettre une solution amicale et rapide Ă la situation créée par l'intention d'offre de Veolia", a indiquĂ© le groupe dans un communiquĂ©.
Cette offre vise Ă garantir la pĂ©rennitĂ© des deux gĂ©ants français de l'eau et des dĂ©chets en proposant une porte de sortie Ă Veolia. La lettre d'intention d'Ardian et GIP reçue par Suez "ouvre la voie Ă une solution globale avec diverses modalitĂ©s d'exĂ©cution possibles, d'effet Ă©quivalent, y compris une offre d'achat des actions Suez par les investisseurs, au prix de 18 euros par action, coupon attachĂ©", a dĂ©taillĂ© Suez dans un communiquĂ©. En clair, les deux investisseurs et Suez proposeraient notamment Ă Veolia de lui racheter, au mĂȘme prix, les 29,9% du capital de Suez qu'il a acquis auprĂšs d'Engie dĂ©but octobre.
"Le conseil d'administration m'avait demandĂ© de travailler sur des solutions alternatives et de chercher d'autres investisseurs. C'est chose faite, avec ce consortium qui est prĂȘt Ă accompagner Suez", a dĂ©fendu Bertrand Camus, lors d'un entretien tĂ©lĂ©phonique avec des journalistes. Les modalitĂ©s "resteront Ă nĂ©gocier avec Veolia, si Veolia accepte la main tendue de Suez", a indiquĂ© M. Camus, prĂ©cisant qu'il a prĂ©venu Antoine FrĂ©rot, le PDG de Veolia, peu avant d'annoncer publiquement cette offre. Mais Veolia a immĂ©diatement refusĂ© toute idĂ©e de se dĂ©sengager de Suez: "Veolia rappelle ce soir que les 29,9% qu'il possĂšde au capital de Suez ne sont pas et ne seront pas Ă vendre", a rĂ©torquĂ© le groupe dans un communiquĂ©, dĂ©fendant son projet de construire un "champion mondial de la transformation Ă©cologique".
"Tout projet qui impliquerait directement ou indirectement la cession par Veolia de sa participation au capital de Suez, ou d'autres cessions dĂ©naturant le projet industriel que le groupe porte, est considĂ©rĂ© comme hostile par Veolia", a-t-il ajoutĂ©. Si le nom d'Ardian, fonds d'investissement de premier plan en France, circule depuis plusieurs mois comme possible trouble-fĂȘte aux desseins de Veolia, l'amĂ©ricain GIP est un nouveau venu dans le dossier. Ce fonds, spĂ©cialiste de l'investissement dans les infrastructures, gĂšre plusieurs dizaines de milliards de dollars d'actifs. Ardian et GIP "offrent une base actionnariale stable pour accompagner le dĂ©veloppement de Suez en France et Ă l?Ă©tranger, dans un souci constant du respect de l?intĂ©rĂȘt public", ont dĂ©fendu les deux entreprises dans un communiquĂ© conjoint. Cette offre "n'est pas une contre-OPA" Ă celle de Veolia, a aussi assurĂ© Ă l'AFP Mathias Burghardt, Ă la tĂȘte d'Ardian infrastructures.
- "Main tendue" -
Selon Bertrand Camus, ce plan B "a l'avantage de cocher beaucoup de cases", au-delĂ du maintien de l'autonomie de Suez. Il permettra notamment de fournir "l'assurance d'un capital majoritairement français, avec une augmentation significative de l'actionnariat salariĂ©", selon le communiquĂ©. Cette offre "permet de garder deux leaders français dans les services Ă l'environnement au moment oĂč les marchĂ©s sont extrĂȘmement porteurs (...), d'assurer la prĂ©servation de l'emploi, le maintien d'une concurrence indispensable, notamment en France", a encore insistĂ© M. Camus. Pour rĂ©pondre aux lois anti-trust, Veolia prĂ©voit en effet de cĂ©der Suez Eau France, coeur de son histoire, au fonds Meridiam. Un projet qui inquiĂšte les salariĂ©s de Suez et qui est vivement dĂ©noncĂ© par la direction du groupe, qui tente dĂ©sespĂ©rĂ©ment depuis des semaines de trouver une issue.
- "Enlisement" -
Le dossier s'est d'ailleurs largement déplacé sur le terrain judiciaire, avec plusieurs procédures en cours de la part des deux protagonistes. La justice a notamment suspendu les effets du rachat par Veolia des 29,9% de Suez. Veolia ne peut exercer les droits de vote associés à sa participation, le temps de respecter les obligations légales d'information-consultation du personnel de Suez. Le groupe espÚre bien le déblocage de ses droits d'ici la prochaine assemblée générale de Suez au printemps, pour pouvoir lancer son OPA sur le reste du capital de son concurrent. En tout état de cause, l'opération prendrait encore des mois, le temps que les autorités de la concurrence examinent le dossier.
Pour le PDG de Veolia, la fusion est toutefois "inĂ©luctable", comme il l'avait assurĂ© dĂ©but janvier aprĂšs avoir transmis au conseil d'administration de Suez les dĂ©tails de son projet de rachat. "Le constat est quand mĂȘme qu'il y avait une forme d'enlisement et de blocage (...). Nous pensons qu'il est aussi de notre responsabilitĂ© d'essayer d'en sortir par le haut, et cette offre de ce consortium d'investisseurs est ce qui permet de le faire", a dĂ©fendu dimanche Ă l'inverse Bertrand Camus. La rĂ©ponse d'Antoine FrĂ©rot dimanche soir: "Je demeure ouvert Ă la discussion avec le conseil d'administration de Suez dans le cadre du projet que je leur ai envoyĂ© la semaine derniĂšre".
AFP
