Gaza : tenaillés par la faim, les journalistes de l'AFP témoignent de plus en plus difficilement du massacre de la population

  • Publié le 23 juillet 2025 à 14:11
  • Actualisé le 23 juillet 2025 à 14:12
Gaza : tenaillés par la faim, les journalistes de l'AFP témoignent de plus en plus difficilement du massacre de la population

"On n'a plus de force à cause de la faim". Plusieurs journalistes de l'AFP dans la bande de Gaza racontent avoir de plus en plus de difficultés à couvrir la guerre entre Israël et le Hamas palestinien en raison des graves pénuries alimentaires. Comme toute la population, ces rédacteurs, photographes et vidéastes palestiniens évoquent une faim extrême, un manque d'eau potable et une fatigue physique et mentale croissante. Cela les contraient parfois à réduire leur couverture de la guerre. Malgré l'appel de 25 pays à mettre fin "immédiatement" au conflit et aux dizaines de milliers de mort, Israël continue de bombarder massivemnt et bloque l'aide humanitaire dans l'enclave

En juin, l'ONU avait dénoncé ce qu'elle qualifie d'"utilisation de la nourriture à des fins militaires" par Israël, parlant d'un crime de guerre, après la multiplication des annonces alarmantes d'ONG sur la malnutrition.

Israël, qui assiège le territoire et laisse entrer l'aide au compte-gouttes, accuse le mouvement islamiste Hamas d'exploiter la détresse des civils, notamment en détournant l'aide pour la revendre à prix fort ou en tirant sur ceux qui attendent l'aide.

Des témoins et la Défense civile de Gaza ont toutefois accusé à plusieurs reprises les forces israéliennes d'avoir tiré sur des personnes qui attendaient de l'aide, l'ONU affirmant que l'armée avait tué plus de 1.000 Palestiniens qui tentaient de se procurer de la nourriture depuis la fin du mois de mai.

Lire aussi - Une centaine d'ONG alertent sur le début d'une "famine de masse" à Gaza

- "Complètement abattu" -

Bashar Taleb, 35 ans, l'un des quatre photographes de l'AFP sélectionnés cette année pour le prix Pulitzer, vit dans les ruines de sa maison à Jabalia al-Nazla, dans le nord de Gaza.

"J'ai dû interrompre mon travail plusieurs fois pour chercher de la nourriture pour ma famille", raconte-t-il. "Pour la première fois, je me sens complètement abattu".

Son collègue Omar al-Qattaa, photographe également âgé de 35 ans et lui aussi candidat au Pulitzer, se dit épuisé.

"Je dois porter du matériel lourd, marcher des kilomètres (...) On ne peut plus se rendre sur les lieux de reportage, on n'a plus de force à cause de la faim."

Il dépend d'antalgiques pour soulager des douleurs dorsales, mais affirme que les médicaments de base sont introuvables en pharmacie, tandis que le manque de vitamines et d'aliments nutritifs aggrave encore sa situation.

Khadr Al-Zanoun, 45 ans, à Gaza-ville, affirme avoir perdu 30 kilos depuis le début de la guerre. Le journaliste évoque des évanouissements à cause du manque de nourriture et d'eau, ainsi qu'une "fatigue extrême" et la difficulté à travailler. "Ma famille est aussi à bout."

Le photojournaliste Eyad Baba, 47 ans, déplacé du sud de la bande de Gaza vers Deir el-Balah (centre), où l'armée israélienne a lancé une offensive terrestre cette semaine, a dû quitter un camp surpeuplé et insalubre pour louer un logement à un prix exorbitant, afin d'y abriter sa famille.

"Je n'en peux plus de cette faim, elle touche mes enfants", confie-t-il.

- "Plus fort que les bombardements" -

"Dans le cadre de notre travail, nous avons été confrontés à toutes les formes possibles de mort. La peur et la sensation d'une mort imminente nous accompagnent partout", ajoute-t-il.

Etre journaliste à Gaza, c'est travailler "sous la menace constante des armes", explique Eyad Baba, soulignant toutefois que "la douleur de la faim est plus forte que la peur des bombardements."

"La faim empêche de penser".

A Gaza-ville, le directeur de l'hôpital Al-Chifa, Mohammed Abou Salmiya, a alerté mardi sur des "niveaux alarmants de mortalité" dus au manque de nourriture, affirmant que 21 enfants étaient morts de faim et malnutrition en trois jours.

La journaliste de l'AFP Ahlam Afana, 30 ans, souligne une autre difficulté : une épuisante "crise de liquidités", liée à des frais bancaires exorbitants et à une inflation galopante sur les rares denrées disponibles, vient aggraver la situation.

Les retraits en liquide peuvent être taxés jusqu'à 45%, explique Khadr al-Zanoun, tandis que le prix des carburants explose --là où on en trouve, rendant tout déplacement en voiture impossible.

"Les prix sont exorbitants", déplore Ahlam Afana. "Un kilo de farine se vend entre 100 et 150 shekels israéliens (25 à 38 dollars), ce qui dépasse nos moyens, même pour en acheter un seul kilo par jour.

"Le riz coûte 100 shekels, le sucre dépasse les 300, les pâtes 80, un litre d'huile entre 85 et 100. Les tomates se vendent entre 70 et 100 shekels.  Même les fruits de saison -raisins, figues- atteignent 100 shekels le kilo." "Nous ne pouvons pas nous le permettre. Je ne me souviens même plus de leur goût."

- "La faim nous ronge" -

La journaliste explique qu'elle travaille depuis une tente délabrée, sous une chaleur étouffante. "Je bouge lentement. Ce n'est pas seulement les bombardements qui nous menacent, c'est la faim qui nous ronge." "Je ne me contente plus de couvrir la catastrophe (de la guerre). Je la vis."

Reporters sans frontières (RSF) a indiqué mardi que plus de 200 journalistes avaient été tués à Gaza depuis l'attaque du 7 octobre 2023.
Le vidéaste Youssef Hassouna, 47 ans, confie que la perte de collègues, d'amis et de membres de sa famille l'a éprouvé "de toutes les manières possibles".

Malgré un  "profond vide intérieur", il dit continuer à exercer son métier. "Chaque image que je capture pourrait être la dernière trace d'une vie ensevelie sous les décombres", dit-il.

Zouheir Abou Atileh, 60 ans, ancien collaborateur du bureau de l'AFP à Gaza, partage le vécu de ses confrères et parle d'une situation de "catastrophique". "Je préfère la mort à cette vie", affirme-t-il. "Nous n'avons plus aucune force, nous sommes épuisés, en train de nous effondrer". "Trop c'est trop."

- Sans intervention immédiate, les derniers reporters de Gaza vont mourir" -

La société des journalistes (SDJ) de l’AFP, soutenue par la direction de l'agence, a publié un rare communiqué ce lundi pour alerter sur la situation de ses reporters.

Ces journalistes travaillent et survivent à Gaza.  "Nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim" écrit la SDJ.

Le communiqué de la SDJ de l'AFP est titré "Sans intervention immédiate, les derniers reporters de Gaza vont mourir". Il décrit la situation critique dans laquelle se trouve les journalistes comme le reste de la population à Gaza.

Lire aussi - Israël étend ses opérations à Gaza, 2,4 millions d’habitants menacés de famine

Dans un communiqué publié plus tard ce lundi la Direction de l’AFP a dit "partager l’angoisse exprimée par la SDJ quant à la situation effroyable de ses collaborateurs dans la bande de Gaza".

Elle ajoute "depuis des mois nous assistons, impuissants, à la détérioration dramatique de leurs conditions de vie. Leur situation est aujourd’hui intenable, malgré un courage, un engagement professionnel et une résilience exemplaires".

La Direction de l'agence poursuit : "C'est pourquoi l’AFP, qui était parvenue après plusieurs mois d'efforts à faire évacuer ses huit salariés de Gaza et leurs familles entre janvier et avril 2024, entreprend les mêmes démarches pour ses collaborateurs pigistes, malgré l’extrême difficulté de sortir d’un territoire soumis à un blocus strict".

Lire aussi - Guerre à Gaza : les journalistes de l'AFP refusent de "voir mourir" leurs collègues

- Déjà 59.106 personnes tuées par Israël -

Pour rappel, Israël dit vouloir libérer les otages retenus à Gaza, chasser le Hamas de Gaza et prendre le contrôle du territoire. Le Hamas réclame le retrait israélien de Gaza, l'entrée d'importantes aides et l'arrêt définitif de la guerre.

L'attaque du 7-Octobre a entraîné côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont toujours otages à Gaza, dont 27 ont été déclarées mortes par l'armée.

En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une campagne militaire d'envergure à Gaza qui a coûté la vie à 59.106 personnes, majoritairement des civils, selon des données du ministère de la Santé à Gaza, jugées fiables par l'ONU. L'offensive israélienne a également provoqué des destructions colossales.

www.imazpress.com avec l'AFP / redac@ipreunion.com

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8 Commentaires
isabelle
isabelle
2 mois

et le bardella et sa mamie soutiennent ce massacre ils sont à vomir

HULK
HULK
2 mois

genocide:la france complice elle aurait pu arreter nettanyhau et stoper tt commerce avec israel comme on a fait avec la russie .

ZembroKaf
ZembroKaf
2 mois

Mourir de faim...pour essayer de gagner "leur croûte" !!!....le Peuple Palestinien "bombarder...affamer...sans soin " tous les jours !!!
netanyahu "le génocidaire" se permet de bombarder en toute impunité...La Syrie le sud Liban ...!!!

MARIMAR
MARIMAR
2 mois

Ce qui se passe à Gaza est innommable !
Sans aucun parti pris, les israéliens croient t'ils encore en DIEU?
Certes ils ont été attaqués le 7 octobre et ils ont du riposter mais maintenant c'est devenu de l'acharnement, tous les humains qui ont un peu de bon sens en ont mal au cœur

plouf
plouf
2 mois

"Croient ils encore en dieu?" C'est ça qui est génial avec les religieux (de tous bords). Aucune remise en question, jamais. Pourquoi le monde est dans cet état la depuis que je suis né ? A cause des religieux et des croyants. Vous devriez tous avoir honte d'être aussi déraisonnables et irrationnel. Quand je pense a tous les ânes, aux chiens, aux arbres de Gaza et d'ailleurs... Si tous les religieux pouvaient nous foutre la paix et respecter le vivant...

MARIMAR
MARIMAR
2 mois

Dans la continuité de ma réponse merci de lire toutes les races et toutes les religions.

MARIMAR
MARIMAR
2 mois

Ce serait bien de ne pas mettre tous les croyants dans le même panier, il y a également des non croyants qui font un peu de tout et n'importe quoi !
Partant du principe que dans toutes les et dans toutes les religions il y a de encore de belles personnes, je me suis toujours abstenue de porter quelque jugement que ce soit.
Qui peut se vanter d'être meilleur que l'autre !

Consciencedomoun
Consciencedomoun
2 mois

Oui arrête ek sa, c'est en est trop, où est l'honneur là dedans ? L'humanisme ?