Triple champion olympique de canoë

Tony Estanguet, le patron des JO de Paris qui slalome entre sport et politique

  • PubliĂ© le 23 juillet 2024 Ă  09:19
  • ActualisĂ© le 23 juillet 2024 Ă  09:46
Tony Estanguet, président du Comité d'organisation de Paris-2024, lors de l'ouverture de la 142e session du Comité international olympique, le 22 juillet 2024 à Paris

Triple champion olympique de canoë, Tony Estanguet s'est coulé au fil des années dans les habits de patron des Jeux de Paris, apprenant à naviguer entre le monde du sport dont il vient et celui de la politique dont il se méfie.

"On m'a dit +Toi tu parles anglais et tu connais pas mal d'athlÚtes+", raconte en riant le champion quand on le questionne sur le parcours qui l'a mené jusqu'à la présidence du comité d'organisation de Paris-2024.

Une fois remballées ses pagaies aprÚs sa derniÚre médaille d'or à Londres en 2012, le Palois d'origine a d'abord intégré la commission des athlÚtes du Comité international olympique (CIO).

Une suite logique pour cet athlĂšte biberonnĂ© aux JO qui raconte que lors des Jeux de SĂ©oul, en 1988, Ă  dix ans Ă  peine, il se "levait la nuit pour regarder Carl Lewis" avant d'avoir "le dĂ©clic" aux Jeux de Barcelone en 1992 oĂč l'un de ses frĂšres, Patrice, Ă©tait "ouvreur" du parcours.

Son frÚre, justement, remporte une médaille de bronze à Atlanta en 1996, également en canoë. "Dans notre famille, on ne connaissait personne qui avait fait les Jeux. Là, le frangin il l'a fait, ça veut dire que c'est possible, à partir de ce moment je me dis: +C'est mon objectif, je veux aller aux Jeux+", raconte-t-il à l'AFP.

- Transgression familiale -

Il faut ensuite y ajouter une transgression fondatrice, dans cette famille oĂč l'on pratique le canoĂ© de pĂšre en fils, puisqu'il a battu Patrice pour se qualifier pour les JO de Sydney en 2000. S’ensuit une carriĂšre exceptionnelle: trois fois l'or (2000, 2004 et 2012) et un seul "premier gros Ă©chec", en 2008 Ă  30 ans Ă  PĂ©kin.

AprĂšs le professorat de sport et le marketing Ă  l'Essec, il joue un rĂŽle moteur dans la candidature de Paris, aux cĂŽtĂ©s de l'ancien patron du rugby français Bernard Lapasset, mort en 2023, qui le pousse sur le devant de la scĂšne. Il prendra ensuite naturellement la tĂȘte du comitĂ© d'organisation.

"Il a une faiblesse par rapport aux politiques", rompus aux négociations en coulisse et aux coups de becs publics bien sentis, explique un ancien député. Néanmoins, les JO approchant, "il est entré dans l'habit de président du Cojo", juge un élu qui l'a cÎtoyé réguliÚrement.

Si le président de la République "le protÚge", croient savoir plusieurs élus, ses relations avec les autres crocodiles politiques, comme la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, ne sont "pas toujours faciles" affirme l'un deux.

Son agenda ressemble à celui d'un Premier ministre et il est à la table de Joe Biden quand le président américain dßne sous les ors de la République.

N'empĂȘche. S'il les a apprivoisĂ©s, il s'en mĂ©fie toujours. "Il n'a pas d'Ă©lection lui, il a envie que les Jeux avancent", dit parfois son proche conseiller MichaĂ«l AloĂŻsio. "J'ai compris que je devais rester Ă  ma place", rĂ©pond Tony Estanguet quand on le pousse sur le terrain politique. Il aimerait que les Ă©lus viennent moins jouer sur le sien.

- "Animal Ă  sang froid" -

DerriĂšre son allure de gendre idĂ©al, "c'est un animal Ă  sang froid qui sait oĂč il veut aller et ne cĂšde pas Ă  la pression", explique un ancien Ă©lu en charge des JO. La dĂ©finition lui va-t-elle ? "Il ne faut pas surrĂ©agir, c'est vrai que j'essaie de ne pas monter dans les tours", rĂ©pond le patron de Paris-2024 Ă  l'AFP.

A 46 ans, ce VRP en chef des JO trimballe son enthousiasme et ses "chouette", "fantastique", "magique", "iconique", sur tous les terrains, les baskets de sponsors aux pieds. Il relÚgue les critiques dans la catégorie des "pessimistes et des rùleurs", comme il l'expliquait récemment à l'AFP. "Mon rÎle, c'est de préserver le projet", claque-t-il, au risque parfois de paraßtre vivre dans un univers parallÚle.

Entre le Covid, l'inflation, la perquisition surprise au siĂšge du Cojo et les enquĂȘtes ouvertes par le parquet dont une sur les conditions de sa rĂ©munĂ©ration, il a dĂ» parfois ramer Ă  contre-courant. Absorber ensuite la crise politique ouverte en France par la dissolution de l'AssemblĂ©e nationale.

"S'adapter, cela peut générer beaucoup de stress chez certains. Ne pas contrÎler, ne pas maßtriser, moi j'ai grandi avec, devoir me préparer et le jour J ne pas savoir ce que je vais avoir comme mouvement d'eau", décrypte-t-il.

A trois jours de l'ouverture des JO, il concĂšde "un bon niveau de stress". Et aprĂšs? D'abord des "vacances" puis "revenir Ă  une vie un peu plus normale". "Ce que je vis depuis dix ans, c'est pas une vie normale", lĂąche ce pĂšre de trois enfants.

AFP

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