Lorsqu'elle a reçu les clés de son logement, un poids est tombé des épaules d'Angelika Stibi. Cette retraitée allemande dans le besoin ne paiera plus que 88 cents de loyer par mois, dans le plus vieil habitat social du monde, en BaviÚre.
Un nouveau toit, une nouvelle vie et une nouvelle communauté : la sexagénaire fait partie depuis le printemps des quelque 150 habitants de la "Fuggerei", une résidence d'Augsbourg, dans le sud de l'Allemagne, dont le loyer n'a pas bougé ... depuis le Moyen-Age.
Créés en 1521 par le banquier Jacob Fugger, les plus vieux logements sociaux du monde, selon leurs administrateurs, sont toujours en service et trÚs demandés.
"J'ai eu une vie vraiment formidable jusqu'Ă l'Ăąge de 55 ans", raconte Angelika Stibi, mĂšre de deux grands enfants.
Mais aprÚs le diagnostic de son cancer, "tout est allé de mal en pis" pour cette native d'Augsbourg qui, à bout de ressources, s'est porté candidate pour un logement dans ce complexe composé de petites maisons mitoyennes.
Il faut s'armer de patience pour intégrer la Fuggerei : "Cela prend généralement entre deux et six ou sept ans. Tout dépend de l'appartement qu'on souhaite. Ceux du rez-de-chaussée sont trÚs prisés", explique la travailleuse sociale Doris Herzog.
Elle reçoit les dossiers et mĂšne les entretiens sur des critĂšres trĂšs prĂ©cis : "il faut ĂȘtre citoyen d'Augsbourg, ĂȘtre catholique et dans le besoin".
Dans l'appartement de Martha Jesse, résidente de la Fuggerei depuis 17 ans, les symboles religieux sont nombreux. Mais ce sont des raisons financiÚres qui l'ont conduites dans ce petit lotissement situé non loin du coeur historique de la ville de quelque 300.000 habitants.
"Je touchais une petite retraite, malgré 45 ans de travail. Vivre dehors aurait été presque impossible, car je n'aurais eu que 400 euros à ma disposition", explique cette femme de 77 ans.
Avec ses rangées de maisons aux murs ocres et volets verts, ses jardinets proprets, ses blasons et ses fontaines, l'ensemble médiéval, reconstruit aprÚs la Seconde guerre, a des allures de village de poupée.
- PriĂšre quotidienne -
Pour Andreas Tervooren, résident depuis 2017, "la Fuggerei est comme une ville dans la ville". Ce gardien de nuit de 49 ans compare son lotissement "au village d'Astérix dans les bandes dessinés".
Comme le village gaulois rĂ©sistant Ă l'envahisseur romain, la rĂ©sidence rĂ©siste Ă la hausse des coĂ»ts du logement qui pĂšse sur de nombreux foyers en Allemagne. Augsbourg n'est situĂ© qu'Ă une heure de Munich, la ville oĂč l'immobilier est le plus cher d'Allemagne et l'un des plus chers d'Europe.
A l'origine du projet, le commerçant Jacob Fugger (1459-1525) était l'un des hommes les plus riches de la fin du 15Úme siÚcle, dont la fortune avait fait le "banquier des empereurs" européens.
Bienfaiteur de sa ville natale d'Augsbourg, il y avait créé plusieurs fondations dédiées au logement ou à la santé, au profit des plus nécessiteux.
Le loyer annuel dans la Fuggerei était d'un florin rhénan, soit à l'époque environ le salaire hebdomadaire d'un artisan.
Un montant "qu'on a simplement converti en 88 centimes actuels", explique Daniel Hobohm, administrateur de la fondation qui gĂšre le complexe de logements sociaux.
Si les descendants de la dynastie Fugger participent aux grandes orientations de la Fondation, ils ne lui versent pas d'argent.
"Nous nous finançons principalement grĂące aux revenus de la forĂȘt et de la sylviculture et nous avons aussi une petite activitĂ© touristique" car les visiteurs de la Fuggerei sont nombreux, explique M. Hobohm. S'y ajoutent des revenus locatifs gĂ©nĂ©rĂ©s par d'autres propriĂ©tĂ©s.
Pour respecter les voeux des fondateurs, le loyer ne doit pas augmenter. Une fidélité à la tradition qui prend des tours inattendus : comme il y a 500 ans, les habitants sont tenus de réciter une priÚre chaque jour pour les donateurs et leur famille.
AFP





