Quel est le point commun entre Boris Johnson, les amateurs d'apéros à distance et 90.000 écoles dans le monde? Tous utilisent l'application de visioconférence Zoom, pour travailler ou socialiser pendant la pandémie de coronavirus.
Mais la société californienne se retrouve face à des responsabilités inattendues, aprÚs une semaine noire marquée par des scandales de sécurité. Zoom, cotée en Bourse depuis moins d'un an, a été créée dans la Silicon Valley en 2011 par Eric Yuan, un ingénieur.
Cet immigrant se dit passionnĂ© par les technologies de communication depuis les annĂ©es 1990, quand, alors Ă©tudiant Ă Shandong (Chine), il rĂȘvait de voir sa petite amie sans voyager 10 heures en train.
L'interface était essentiellement utilisée pour des réunions professionnelles... Avant que la moitié de l'humanité ne se retrouve graduellement astreinte à domicile.
Aujourd'hui Zoom sert de salle de classe, de studio de yoga, de table de poker et mĂȘme d'Ă©glise. Des couples s'y marient, des familles y assistent aux funĂ©railles d'un proche.
"C'est trÚs facile à utiliser, il suffit de cliquer sur un lien. Mardi j'y ai retrouvé mes élÚves aprÚs les vacances, on a fait un peu de maths et de lecture", raconte Justin Minkel, un instituteur américain qui enseigne via Zoom.
- Cocotiers -
"Quand il y a trop de bruit chez eux, je peux désactiver tous leurs micros! Ce serait bien pratique à l'école, quand ils bavardent...", s'amuse cet habitant de Springdale, dans l'Arkansas.
Sa femme enchaßne les réunions sur Zoom, et ses deux enfants s'en servent aussi pour leur scolarité et les rendez-vous avec les copains.
Selon M. Yuan, la plateforme a dépassé en mars les 200 millions de participants à des réunions quotidiennes, contre 10 millions en décembre dernier.
Mais pourquoi Zoom, et pas Google Hangouts, Teams (Microsoft), Skype, FaceTime, Webex, Jitsi...? Les volumes d'échanges ont explosé sur toutes les messageries vidéo, mais aucune ne s'est distinguée comme Zoom.
La plateforme permet d'appeler jusqu'à 100 personnes en simultané, pendant 40 minutes, gratuitement. Un abonnement payant donne accÚs à plus de fonctionnalités.
Son design est basique mais on choisit un arriÚre-plan pour cacher sa chambre mal rangée (cocotiers, bibliothÚque...) ou partager son écran avec les autres participants.
Mais surtout, en mars, Zoom a retiré la limite des 40 minutes pour les profs dans une vingtaine de pays.
- Boule de neige -
"Les gens avaient tellement peur d'ĂȘtre dĂ©connectĂ©s. Et lĂ Zoom arrive en disant +voici la solution, c'est gratuit, vous ne serez pas isolĂ©s!+ Tout le monde s'est prĂ©cipitĂ©", constate Stephanie DeMichele, coach en technologie de l'Ă©ducation.
L'adoption a fait boule de neige. Stephanie DeMichele préfÚre pourtant les outils de Google, notamment pour les écoles équipées de toute la suite éducative, parce que "c'est plus simple d'utiliser ce qu'on a déjà ".
"Google fournit tout, y compris des emails attachĂ©s Ă l'Ă©tablissement pour tous les enfants et instituteurs. Cela crĂ©e une bulle agrĂ©able oĂč on se sent en sĂ©curitĂ©", explique-t-elle.
Par contraste, le phénomÚne du "ZoomBombing" l'a consternée: ces derniers jours, sur Zoom, des soutenances de thÚse, des cours ou des cérémonies religieuses ont été perturbés par des images pornographiques ou des propos menaçants.
Le média américain Vice a en outre révélé que l'application fournissait des données personnelles à des tiers, comme Facebook. Des entreprises et organisations, comme la Croix-Rouge, recommandent désormais à leurs employés de ne pas s'en servir.
- Avalanche -
Les procureurs d'au moins trois Etats amĂ©ricains (Connecticut, New York et Floride) enquĂȘtent sur les pratiques de l'entreprise en termes de protection de la vie privĂ©e et de la sĂ©curitĂ©.
"Nous n'avons pas Ă©tĂ© Ă la hauteur des attentes" sur ces deux sujets, a dĂ©clarĂ© Eric Yuan mercredi, dans une lettre ouverte oĂč il annonce des mesures de correction.
"Nous avons désormais une base d'utilisateurs beaucoup plus large (que les clients professionnels). Nous découvrons des cas d'usage inattendus (...) et nous découvrons des problÚmes sous-jacents", a-t-il détaillé.
"Ils ont du boulot pour restaurer la confiance. Mais j'ai été impressionnée, c'est plus que des excuses creuses", dit Gennie Gebhart, chercheuse de l'ONG Electronic Frontier Foundation.
La société américaine est concentrée sur la partie actuelle, mais elle devrait commencer à envisager l'aprÚs-pandémie, estime Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies. "Zoom est un peu mono-tùche. Ses concurrents remplissent plus de fonctions et peuvent le copier facilement".
Le logiciel passera-t-il dans l'histoire comme l'étoile filante du confinement? "Ils ne vont pas disparaßtre", tempÚre l'experte. "Ils vont juste briller moins fort".
 AFP



