Selon une étude publiée par l'institut de veille sanitaire ce mardi 13 décembre, en France, près d'un décès sur 50 est dû au suicide, et 5,5% des 15-85 ans déclarent avoir déjà tenté de mettre fin à leurs jours. A La Réunion, difficile d'avoir des données récentes sur le phénomène. Les derniers chiffres recensés par l'observatoire régional de santé datent de la période 2005-2007, 91 suicides ont été recensés en moyenne chaque année. Le chiffre est inférieur à la moyenne nationale, mais reste préoccupant, le phénomène touchant des adultes et des adolescents livrés à une profonde souffrance et se sentant rejetés par la société. Face à cela, le dialogue reste la meilleure solution pour ne pas sombrer.
"La tentative de suicide est un appel au secours, une façon de tirer la sonnette d'alarme", signale d'entrée de jeu Hélène Daniel, psychologue à Saint-Pierre. "Bien souvent, il n'y a pas la volonté de se donner la mort, mais juste de mettre un terme à ses souffrances", note-t-elle.Mal-être insupportable, solitude, sentiment d'être rejeté, les tentatives de suicide peuvent être dues à de nombreuses raisons. Du chef d'entreprise sous tension à l'ouvrier licencié, en passant par le sans-abri, la mère de famille isolée, la victime de violences, le père de famille qui croule sous les dettes, ou l'enfant mal dans sa peau, personne n'est épargné par le phénomène.
Dans les données de 2005 à 2007, on remarque tout de même que le nombre de décès par suicide à La Réunion est nettement plus élevé chez les hommes. Ils sont en moyenne 71 à s'être donné la mort sur un total de 91. Le bilan sur trois ans indique par ailleurs que 25% des morts par suicide sont des morts violentes, et que les suicides représentent 2% de la mortalité générale. Au total, on comptabilise 13 suicides pour 100 000 Réunionnais, et le taux de mortalité par suicide est plus important chez les 15-44 ans à La Réunion. Toujours selon cette enquête, le premier mode de suicide est la pendaison, suivi du saut dans le vide et de l'auto intoxication par produits médicamenteux. Ce dernier mode de tentative de suicide est notamment choisi par les femmes.
Chez les adolescents, le suicide représente la 2ème cause de mortalité. "Les adolescents sont particulièrement exposés parce qu'ils sont en pleine quête identitaire. Ils sont à un âge où l'on tente de se détourner du cercle familial pour se construire un réseau social. Or, certains ont du mal à s'insérer", explique Hélène Daniel. "Ils ont alors tendance à se refermer sur eux-mêmes puisqu'ils ont le sentiment que personne ne peut comprendre leur mal de vivre", indique la psychologue, regrettant au passage que la société actuelle devienne "de plus en plus individualiste".
Chez l'adulte, les causes du mal-être sont différentes. "C'est le parcours de vie qui va expliquer les tentatives de suicide chez les adultes. Un licenciement, une rupture familiale, la perte d'un proche, sont autant de causes qui peuvent faire tomber une personne dans la dépression, et la conduire à un manque d'envie de vivre", déclare Hélène Daniel.
Au niveau des solutions existantes pour éviter à ces personnes de sombrer, les associations comme SOS Solitude et Prévention suicide restent à l'écoute des gens qui se sentent déprimés et isolés. "Le travail des associations est essentiel parce qu'il permet d'apporter une écoute à des gens en détresse", commente Hélène Daniel.
"Nos bénévoles écoutants, formés par des professionnels de santé, reçoivent en moyenne 350 à 450 appels par mois. Les appelants ont de 25 à 80 ans, et sont de toutes les classes sociales. Ils appellent parce qu'ils ressentent le besoin de confier leur détresse, leurs faiblesses, leur malaise tout simplement", indique Frédérique Jonah, présidente de SOS Solitude à La Réunion.
A l'approche des fêtes de fin d'année, période qui peut être synonyme de plaisir pour certains, et de grande déprime pour d'autres, les associations enregistrent un plus grand nombre d'appels. "La fin d'année est toujours un moment plus délicat, parce que quand on est seul, les idées noires ont tendance à remonter à la surface. L'an dernier, nous avions reçu à peu près 650 appels au mois de décembre", se souvient Frédérique Jonah. Pour elle, "l'écoute et le dialogue restent primordiaux pour aider une personne en crise".
Au bord du suicide, certaines personnes lancent également des appels par le biais des médias. Sur les ondes d'une célèbre radio locale, il n'est pas rare d'entendre des appels au secours de la part d'auditeurs désespérés et esseulés. Sur les réseaux sociaux aussi, certains ont tendance à laisser des messages de détresse en espérant être secourus. Comme le signale Hélène Daniel, "toute oreille attentive est bonne à prendre". "L'essentiel est de ne pas se déshumaniser, de garder des relations humaines pour ne pas se sentir seul", conclut la psychologue.
Frédérique Jonah lance de son côté un appel aux gens susceptibles d'être en crise : "Dès que vous vous sentez seuls, que vous remarquez des signes d'alerte laissant présager une tentative de suicide, n'hésitez pas à joindre les numéros d'urgence, les associations ou les assistantes sociales. Dialoguer avec autrui, même anonymement, permet de se sentir moins seul, et de retrouver le moral".
Pour joindre SOS Solitude, appeler le numéro vert 0 800 100 925, ou joindre l'association à l'adresse mail suivante : [email protected].
Samia Omarjee pour
