Précarité, insalubrité, brimades...

La galère des stagiaires ultramarins de l'Afpa Créteil

  • Publié le 23 septembre 2013 à 05:00
LADOM

Le 10 septembre 2013, le Cégom (Collectif des états généraux de l'Outre-mer) diffusait une longue communication relatant les "difficultés vécues depuis le 2 janvier par une dizaine de Français d'Outre-mer" venus en métropole suivre des formations dispensées par l'Afpa (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) à Créteil, en partenariat avec Ladom (L'agence de l'Outre-mer pour la mobilité). Le Cégom met ainsi directement en cause ces deux organismes, dénonçant des problèmes de financement, des difficultés d'hébergement et un climat de tension ayant conduit à "un risque suicidaire". De son côté, dans un communiqué publié ce mercredi 18 septembre, Ladom accuse le Cégom de lui avoir intenté "un procès à charge dans le seul but de faire parler de lui".

L’affaire concerne 16 stagiaires originaires de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion venus à Paris pour suivre une formation de conseiller en insertion professionnelle, assurée par l’Afpa de Créteil. "On leur a fait la misère pendant huit mois !", affirme David Auerbach Chiffrin, porte-parole du Cégom, l’organisme ayant recueilli une dizaine de témoignages faisant état de problèmes de financement, d’hébergement mais aussi de "harcèlement moral".

"On les a menacés, alors que ce sont des personnes en situation de fragilité, parties à des milliers de kilomètres de chez elles pour une longue durée", confie David Auerbach Chiffrin, rapportant les brimades dont les stagiaires auraient fait l’objet : "On leur a dit que les stagiaires d’Outre-mer n’avaient pas le niveau, que seulement 60 % auraient leur titre, qu’on allait les virer sans billet retour... On pourrait continuer comme ça longtemps !"

Dans sa communication transmise à la presse, le Cégom fait ainsi état "d’un environnement psychologique préjudiciable aux stagiaires, qui témoignent de propos stigmatisants voire humiliants ou insultants", le collectif ayant même "identifié un risque suicidaire" chez ces stagiaires.

Tout est parti de la question de l’hébergement, "le problème majeur", selon le Cégom. D’après lui, l’Afpa aurait "réclamé un loyer qui n’avait pas été indiqué au départ et que les stagiaires n’avaient en outre pas les moyens de payer". Ceux-ci ont donc refusé de payer ce loyer, indu à leurs yeux.

Le loyer, la question qui fâche

De son côté, Ladom répond qu’ "avant leur départ, les stagiaires ont été reçus individuellement et ont été informés des conditions de leur formation à savoir notamment qu’ils avaient un loyer de 200 euros par mois à payer et que la restauration était à leur charge, conformément à la charte de la mobilité".  Un argument qui ne semble pas convaincre David Auerbach Chiffrin. "Sur la fiche logistique signée par les stagiaires, une page mentionnait un loyer de zéro euro, une autre un loyer de  400 euros... Et dans la charte de mobilité, la case indiquant loyer à payer n’était pas cochée", mentionne-t-il.

Ladom reconnaît en effet que "la fiche logistique distribuée comportait une erreur et qu’elle pouvait susciter une ambiguïté". C’est pourquoi Ladom et l’Afpa "ont décidé, à titre exceptionnel, d’exonérer de loyer les stagiaires et de rembourser les loyers perçus à ceux qui les avaient payés". Pour le porte-parole du Cégom, "c’est le grand flou, c’est pour ça qu’ils ont remboursé, contraints et forcés !"

Mais les problèmes financiers ne se sont pas limités à cette question du loyer. Dans son communiqué, Ladom indique qu’ "une rémunération ou un complément de ressources leur garantissant un revenu de 700 euros par mois (...) leur a été attribué afin de subvenir à leurs dépenses de loyer, de restauration et de transport, ainsi qu’une aide à l’installation d’un montant variant de 400 euros à 800 euros à leur arrivée".

Des sucreries pour se nourrir

Là aussi, le Cégom conteste ces chiffres. "En réalité, le revenu moyen octroyé aux stagiaires était de 644 euros par mois et quand on calcule le reste à charge pour les stagiaires, on arrive à la somme de 1650 euros par mois, en comptant les transports, les frais internet et surtout la restauration", détaille David Auerbach Chiffrin. Il poursuit : "Par exemple, ils n’avaient pas accès à la cantine tout le temps puisque celle-ci se trouve sur le centre d’hébergement, à au moins une heure de transports du centre de formation. Certains ont dû se nourrir de sucreries ! Du côté de Ladom et de l’Afpa, on leur a même conseillé de travailler au noir, d’aller aux Restos du Coeur ou de demander une aide sociale !", s’indigne-t-il.

Pour le porte-parole du Cégom, c’est donc l’ensemble des conditions de vie de ces stagiaires, parmi lesquels se trouvaient des pères et des mères de famille, qui étaient totalement précaires. "Il y aussi l’état de salubrité des locaux. Nous nous sommes rendus dans un centre d’hébergement, et nous avons constaté des moisissures, de la peinture qui s’écaille, ou encore un évier qui menace de s’effondrer...", relève-t-il.

Pour appuyer ses dires, le Cégom a publié les témoignages de certains stagiaires, notamment ceux de deux Réunionnais. "À La Réunion, tout le monde est au courant que ça se passe comme ça. Personne ne l’a jamais dénoncé car seule l’Afpa peut répondre aux appels d’offre de Ladom... Heureusement, on était un groupe, sinon je serais retournée. Mes amis à La Réunion m’on dit que je devenais folle", raconte ainsi une stagiaire. "Nous vivons dans une insalubrité aberrante, avec un sentiment d’insécurité", témoigne un autre, s’interrogeant : "Pourquoi ai-je le sentiment de ne pas être totalement Français de par mes origines ?"

"En mars 2013, certains stagiaires se sont plaints des conditions de l’hébergement. Ladom a  pris en compte les doléances des stagiaires en intervenant auprès de l’Afpa qui a relogé d’urgence certains", répond l’agence de l’Outre-mer pour la mobilité.

Des diplômes, mais pas d’emplois

Au final, tous les stagiaires ont obtenu leur diplôme, ce qui ne signifie pas la fin des problèmes pour autant, selon le Cégom. "Dans ses missions, Ladom s’engage à accompagner le candidat tout au long de son parcours jusqu’à son inclusion dans l’emploi. Mais là, ils sont inclus à la rue !", dénonce David Auerbach Chiffrin.

Ladom précise elle que "certains ont demandé et obtenu leur billet de retour dans leur région d’origine et d’autres hébergés en famille sont accompagnés par Ladom dans leurs démarches en vue de l’accès à l’emploi". L’agence ajoute que "des indemnités de recherche d’emploi (IRE de 305 euros) ont été versées aux stagiaires qui en ont fait la demande dans le cadre de leurs recherches d’emploi".

En conclusion, "Ladom a le sentiment que le Cégom a cherché à créer un incident et une polémique à l’occasion d’une situation qui aurait pu être traitée dans le calme et le respect des engagements contractuels de chacun", note le communiqué de l’agence. De son côté, le porte-parole du Cégom souligne que "nous avons saisi la presse tardivement, signe que nous n’avons pas la volonté polémique que Ladom nous prête".

"La politique de l'autruche" du côté des politiques

"Maintenant, ce qui compte, ce sont les 7000 stagiaires qui se rendent chaque année dans l’Hexagone. Il y a beaucoup de dysfonctionnements structurels à revoir, mais la responsabilité est avant tout politique. Nous avons été entendus par le ministre du Travail Michel Sapin et par le ministre des Outre-mers Victorin Lurel, mais nous n’avons aucun retour pour l’instant", regrette David Auerbach Chiffrin.

Nombre d’élus ont également été alertés sur ces problèmes, "mais c'est la politique de l'autruche", déplore le Cégom. Pour l’instant, le sénateur martiniquais Serge Larcher et le député européen Jean-Jacob Bicep ont signé une pétition de soutien saisissant le président de la République. A La Réunion, la députée-maire de Saint-Paul Huguette Bello a de son côté saisi Ladom sur cette question.

www.ipreunion.com

guest
1 Commentaires
Iba\'s
Iba\'s
12 ans

Bonne intervention je trouve de la part de "Cégom", mais trouvez un arrangement à l'amiable pourévité des dégâts qui risquerait une difficulté de l'accès à la formation pour ceux qui viennent de l'Outre-mer.