Jours fériés partagés à La Réunion

Le débat ne fait que commencer

  • Publié le 16 février 2015 à 17:56

L'assemblée nationale a adopté ce week-end l'amendement porté par Ericka Bareigts sur les jours fériés partagés dans les département d'outre-mer. Ce lundi 16 février 2015, la députée de la 1ère circonscription a présenté le texte à la presse et aux représentants religieux de l'île. L'occasion pour la parlementaire de défendre sa vision de la laïcité et pour monseigneur Gilbert Aubry d'affirmer que l'église catholique ne sera pas lésée. Avec cette étape législative franchie, le débat autour de ce sujet délicat n'en est qu'à son début.

Débattu tout au long du week-end à l'Assemblée nationale, l'amendement d'Ericka Bareigts sur le partage des jours fériés a également fait beaucoup parler de lui à La Réunion. De retour à Saint-Denis, la députée a voulu clarifier la situation sur le texte adopté par le Palais Bourbon.

"Cette idée du calendrier n'est pas mon idée. C'est une idée des Réunionnais pour les Réunionnais. Nous sommes dans une possibilité, il n'y aura pas d'obligation de changer de calendrier. Cela dépendra de la volonté de chaque territoire ultramarin. Rien ne sera imposé de Paris ou de nulle part, tout sera discuté dans le dialogue au niveau de chaque territoire. Cela sera fait sous l'autorité du préfet", explique la députée.

Le texte prévoit la possibilité de pouvoir modifier les jours fériés de sept dates : le jour de l'an, le lundi de Pâques, le jeudi de l'Ascension, le lundi de Pentecôte, l'Assomption, la Toussaint et Noël. Quatre jours républicains seront intouchables : le 1er mai, le 8 mai, le 11 novembre et le 14 juillet.

"C'est une décision portée depuis une quarantaine d'années. C'est légitime pour nous. Depuis 1974, il y a eu une demande faite à l'Etat français. Les navettes ont été incessantes depuis une quarantaine d'années. La réponse était la suivante : mettez-vous d'accord. Il faut une harmonie et un consensus avec le groupe de dialogue inter-religieux et l'église réunionnaise", souligne Daniel Minienpoullé. Pour le président de la fédération tamoule de La Réunion, "la mise en musique de cette mesure sera difficile."

Monseigneur Aubry : "Nous ne donnons rien"

Sur les sept dates qui peuvent être modifiées, six sont des fêtes catholiques. Et monseigneur Gilbert Aubry compte bien défendre sa part du gâteau : "sur le principe, nous sommes bien d'accord. Nous ne discutons pas là dessus, et nous devons avancer. Mais je me fais le porte-parole de beaucoup de chrétiens : il ne faudrait pas avoir l'impression de faire supporter uniquement par la religion catholique cette révision du calendrier." "Je suis toujours un homme de dialogue et parfois le dialogue est rude. Nous ne donnons rien, et nous sommes ouverts pour de vraies discussions", ajoute l'évêque de La Réunion pour qui la Toussaint et l'Assomption "ne sont pas négociables".

En effet, si l'étape législative semble en bonne voie, le plus difficile reste à faire : définir les changements à adopter dans chaque département d'outre-mer qui souhaite modifier son calendrier. A La Réunion, un premier accord a été trouvé au sein du groupe inter-religieux pour que les lundis de Pâques et de Pentecôte, des fêtes qui ne sont "pas spécifiquement religieuses" pour le diocèse de La Réunion, puissent être partagés. Cela pourrait permettre d'inscrire les fêtes de l'Aïd el-Kebir et de Divali dans le calendrier réunionnais.

Président du groupe de dialogue inter-religieux, Idriss Issop-Banian a tenu à féliciter Ericka Bareigts d'avoir "présenté cet amendement dans le contexte que nous connaissons." "Nous avons voulu trouver des solutions consensuelles entre les différentes autorités. Nous voulons aller vers une solution réfléchie apaisée, dans le sens de la sagesse que nous sommes censés porter", précise-t-il.

A La Réunion le débat reste ouvert entre les différentes communautés religieuses, les syndicats, les associations et la société civile. Au final, les modifications locales devront être validées par le préfet. Un processus qui pourrait prendre des longues années selon Ericka Bareigts. "Rien ne m'empêchera d'aboutir cette affaire car c'est un sujet extrêmement positif. On doit être fiers. Je ne laisserai pas tomber. Je savoure cette victoire. L'exception dans la république est un combat", estime la députée. "C'est une grande réforme. Dans 15 ans on en reparlera peut-être, les choses vont rentrer dans l'évidence. Nous sommes en train de porter une belle réforme au même titre du 20 décembre", assure-t-elle.

L'UDI et le FN n'en veulent pas

L'amendement doit encore passer devant le Sénat, mais il devrait être logiquement adopté en dernière lecture par l'assemblée nationale dans le cadre de la loi Macron. Si le processus législatif ne semble pas poser de souci, Monseigneur Gilbert Aubry craint en revanche qu'il cause des "répercussions sur l'hexagone". "La république avait déjà supprimé certaines fêtes religieuses et cela avait entraîné quelques bouleversements", se souvient l'évêque de La Réunion.

Si pour le moment le sujet ne fait pas encore la une des médias nationaux, il intéresse déjà des représentants politiques de premier plan. Lors de sa venue à La Réunion, Jean-Christophe Lagarde a parlé d'un amendement "inacceptable" et "inconstitutionnel". "Ce n'est pas à la république de s'adapter aux religions", a commenté le président de l'UDI.

Dans un communiqué publié le 15 février, Florian Philippot a déclaré que le Front national condamne fermement l'adoption de l'amendement : "cette disposition est une atteinte manifeste au principe d’unité et d’indivisibilité de notre République." "Avec cet amendement, on fait reculer la laïcité en distinguant les Français selon leur religion. Les communautaristes de tous bords profiteront bien sûr de cette grave dérive outre-mer pour réclamer son extension à l’ensemble du territoire national", estime le vice-président du FN.

"La récupération est quelque chose de dangereux. Je suis persuadée que la population a besoin de connaître la connaître la vérité. Après, chacun a son avis, je comprends que des gens soient contre. Mais j'ai eu beaucoup de messages me félicitant. Le combat continue", souligne Ericka Bareigts, réfutant le côté religieux du texte. "Il faut arrêter de se focaliser sur le religion, sinon nous collons à un débat national qui n'est pas le nôtre. Le nouvel an chinois et la fin de l'engagisme pourraient être des jours fériés modifiés", précise la députée.

www.ipreunion.com

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7 Commentaires
squaw
squaw
10 ans

Encore une politique qui ne sait pas quoi faire pour justifier ses indemnités et faire parler d'elle; alors elle fout la merde, là où il n'y en a pas!

yableo
yableo
10 ans

Trois questions pour éclairer le débat:
Remplacer des jours fériés chrétiens issus de notre histoire, par des fêtes d'autres religions pour les seuls régions d''outremer aboutira à acter dans la loi une coloration religieuse de ces mêmes régions. Cela est-il compatible avec la République une et indivisible ?
La très grande majorité des réunionnais découvre cette loi votée en première lecture par l'Assemblée Nationale, n'aurait-il pas été plus démocratique d'en débattre avant ?
Cette mesure était-elle annoncée explicitement dans le programme de Madame la député lors de son élection de 2012 ?

LAIC
LAIC
10 ans

Ok pour les 4 jours intouchables! Pour les 7 autres, étant donné que nous vivons dans un état laïc, il reste 7 jours de congé à poser librement auprès de son employeur ( dans les délais de rigueur ) selon sa religion ou son absence de religion! Tout le monde y trouve son compte, personne ne se voit imposer des jours qui ne correspondent pas à ses convictions....

jaures
jaures
10 ans

IL FAUT AU CONTRAIRE UN AMENDEMENT POUR EN FINIR AVEC LE CHOMAGE..

lechinois3000
lechinois3000
10 ans

Remuer la poussière en ces temps de trouble, ne me semble pas une bonne idée sauf pour la députée qui se propulse au devant des caméras et micros. Le trouble social viendra à la suite de cette initiative.

R I P O S T E
R I P O S T E
10 ans

Ericka Bareigts , vite un amendement pour un jour férié le vendredi 13 ...

Piff50
Piff50
10 ans

Comme l'affirme l'évêque de la Réunion, il ne faudrait pas que l'Eglise catholique porte le poids de cette réforme. Si les deux lundi concernés n'ont pas de relation avec la fête religieuse de la veille, il n'en est pas de même pour l'Ascension, l'Assomption et la Toussaint, qui sont des évènements importants pour la communauté chrétienne. Une fois de plus, d'un "trait de plume" le politique défait l'histoire, renie ses racines et annonce une grande réforme !!! Chère madame la députée, regardez les réunionnais dans les yeux, sans la forfaiture habituelle des élus, vous verrez qu'il y avait bien autre chose à faire : créer des emplois pour tous ces jeunes, cadrer "l'assistanat" destructeur, travailler sur la filière canne qui bat de l'aile, mettre en valeur les terres des hauts, abandonnées dès la naissance du RMI "'Rhum Minimum Indemnisé"). Mon île natale a besoin d'autre chose que votre projet qui va monter des communautés les unes contre les autres. Relisez votre histoire, c'est elle qui fait l'harmonie des habitants de la Réunion, alors, ne faites pas n'importe quoi.