L'actuel système d'octroi de mer qui bénéficie depuis 10 ans d'une tolérance communautaire, risque d'être remis en cause dès le 30 juin 2014 par l'Union européenne, avec pour conséquence de priver les régions ultramarines d'une part prépondérante de leurs ressources en terme de fiscalité locale. Si le ministre des outre-mer et la Délégation parlementaire aux Outre-mer prônent une reconduction du dispositif, en éludant ses effets pervers, l'Union syndicale Solidaires de La Réunion, se fait critique, dénonce le mauvais sort fait aux consommateurs qui se substituent malgré eux aux dotations d'Etat, et suggère quelques améliorations, dont la déductibilité de l'octroi du prix de revient des marchandises importées. Selon les syndicalistes réunionnais, il apparaît que le consommateur local "finance une bonne partie des dotations des l'Etat aux collectivités, aux entreprises et aux familles, mais au détriment d'un niveau de vie convenable..."
L'anachronique et atypique "octroi de mer" est dans l'air du temps, on disserte sur le sujet au parlement, le ministre des outre-mer et Victorin Lurel, qui sera de retour à La Réunion la semaine prochaine, se dit préoccupé par son devenir… De fait, ce dispositif hérité de l'ancien régime et qui participe largement au financement des collectivités territoriales ultramarines, bénéficie depuis 1992 d'une cascades de dérogations et d'adaptations successives, visant à conformer tant que faire se peut cette taxe, perçue par l'Europe comme un droit de douane à l'importation, au principe de libre échange liant les pays membres de l'Union… La tolérance charitablement accordée à la France par le Conseil des Communautés européennes arrive à son terme le 30 juin 2014. Victorin Lurel, comme l'essentiel des élus ultramarins, prône la reconduction d'un Octroi de mer réformé, sans éluder le fait que Bruxelles y serait philosophiquement hostile, cette taxe étant toujours perçue comme une entrave à la libre circulation des biens, protectionniste et donc discriminatoire.
En début d'année, les députés Jean-Jacques Vlody et Mathieu Hanotin, ont communiqué, à l'Assemblée puis au sénat, pour le compte de la Délégation aux Outre-mer - composée d'une soixantaine de parlementaires, dont Jean-Claude Fruteau, président, Huguette Bello, Ericka Bareigts et Patrick Lebreton pour les élus réunionnais - un rapport d'information parlementaire, synonyme de plaidoyer pour l'octroi de mer, paré de toutes les vertus fiscales, dans la perspective de sa perpétuation dans le contexte européen. Les rapporteurs expliquent qu'il pourrait être "judicieux de saisir l’opportunité du réexamen européen des modalités de l’octroi de mer pour apporter à cet impôt un certain nombre de modifications" dans le sens de "plus de clarté dans les informations apportées aux décideurs (…) plus de souplesse dans la gestion de l’impôt et permettre de lutter contre la vie chère…" ; tout en évitant de "se prononcer sur la question de l’élargissement de l’assiette de l’impôt aux services, en l’absence d’étude d’impact…"
Dans le contexte de contrainte financière qui étreint les collectivités territoriales, tant en métropole qu'en outre-mer, le gel des dotations de l'Etat initié il y a trois ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy ayant été reconduit pour 2013 et jusqu'en 2015 par le gouvernement Ayrault, il est particulièrement mauvais genre d'évoquer toute remise en cause d'un système de fiscalité locale qui rapporterait tous les ans plus d'un milliard d'euros directement aux collectivités, tout en permettant, selon le ministre Lurel, le maintien d’activités de production et la création d’emplois pérennes. Une vision idéalisée du système selon l'Union syndicale Solidaires de La Réunion.
Pour Jocelyn Cavillot, délégué régional, s'il n'est pas question de nier l'importance du dispositif dans le financement des collectivités, 40% des recettes pour les communes et 27% de celles de la Région Réunion, il convient néanmoins d'en expliquer les aspects les plus critiquables pour une bonne information des citoyens et consommateurs : le dispositif d'octroi de mer "taxe les consommateurs sur 94% des produits importés" pour supposément "protéger une production locale représentant 6% de la consommation des ménages". Et de préciser que l'Etat et les collectivités font donc payer fort cher leur politique sociale aux Réunionnais, qui en seraient partiellement bénéficiaires. D'autant que ce dispositif serait quelque part inutilement inflationniste dans la formation des prix des produits importés.
En effet, expliquent les syndicalistes de Solidaires, "l'octroi de mer s'applique sur la valeur CAF (achat + transport + assurance), des produits importés", telle que déclarée en douane et s'impose comme un élément de coût de revient, répercuté avec les marges de chaque intermédiaire, à chaque étape du circuit économique ; un prix de revient auquel est appliqué la TVA. Donc sous prétexte de développement et de protection des productions locales, on fait supporter aux Réunionnais un régime fiscal plus contraignant que celui de la TVA appliqué en métropole.
L'une des propositions constructives de Solidaires, vise donc à limiter l'impact de l'Octroi sur la formation des prix, par la déductibilité de l'octroi de mer payé du coût de revient, au même titre que la TVA. Au-delà, Solidaires Réunion propose, dans le cadre d'une future réforme du dispositif, d'affecter les recettes de l'octroi de mer aux dépenses d'investissement des collectivités et non plus à leur fonctionnement ; de destiner les recettes d'octroi sur les carburants aux politiques de transports collectifs…
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