Lutte contre le gaspillage alimentaire

Une nouvelle vie pour les produits invendus

  • PubliĂ© le 8 aoĂ»t 2014 Ă  09:20
grande surface

"Toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaßne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée, constitue le gaspillage alimentaire", définit le pacte national contre le gaspillage alimentaire présenté en 2013 par l'ancien ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot. Alors que de nombreuses personnes sont dépendantes de l'aide alimentaire pour vivre et que des millions d'hommes, de femmes, d'enfants ne mangent pas à leur faim dans le monde, le gaspillage alimentaire persiste. Le gouvernement français s'était donné pour objectif de réduire par deux le gaspillage d'ici 2025. Fin juillet, 63 députés français ont déposé une proposition de loi "obligeant les grandes surfaces de plus de 1000 m2 à donner leurs invendus alimentaires encore consommables à au moins une association caritative dans l'aide alimentaire". Le point à La Réunion.

Sur l'Ăźle, l'initiative est bien accueillie par la boutique SolidaritĂ© de Saint-Joseph. Laurent Bouc, le responsable, s'avance : "Pour nous c'est une aubaine si cette loi s'applique. Ça fera des Ă©conomies pour les associations et on aiderait beaucoup plus les familles isolĂ©es et en rupture." L'aide alimentaire "concerne entre 200 et 300" RĂ©unionnais Ă  la boutique SolidaritĂ© de Saint-Joseph, estime le responsable de la boutique. RĂ©cupĂ©rer ces invendus leur permettrait de "diversifier les produits distribuĂ©s aux personnes nĂ©cessiteuses", ajoute-t-il.

Depuis peu la banque alimentaire des Mascareignes rĂ©cupĂšre des denrĂ©es considĂ©rĂ©s par la grande distribution comme Ă©tant en "fin de vie" et les distribue ensuite Ă  plus d’une soixantaine d’associations sur l’üle. "Entre 10 et 15 tonnes de produits par mois sont rĂ©cupĂ©rĂ©es", prĂ©cise-t-elle. Cette rĂ©cupĂ©ration nĂ©cessite un Ă©quipement de la part des associations. RĂ©frigĂ©rateurs et congĂ©lateurs sont indispensables pour gĂ©rer et traiter les produits. "La plupart des aliments sont des produits frais, cela demande une grande rĂ©activitĂ© de leur part. Il faut ĂȘtre capable de les gĂ©rer dans les 48 Ă  72 heures qui suivent", souligne Bruno Prochasson, le secrĂ©taire du conseil d’administration de la banque alimentaire des Mascareignes.

"Le don des invendus ne peut se faire que si tous les maillons de la chaĂźne alimentaire assurent et garantissent que les produits sont consommables. On veille Ă  un souci d’hygiĂšne et sanitaire, on ne doit gĂ©nĂ©rer aucuns risques pour les bĂ©nĂ©ficiaires", estime-t-il. "Nous sommes bien sĂ»r trĂšs favorables Ă  ce systĂšme, mais cela doit se faire de maniĂšre organisĂ©e", conclut le secrĂ©taire du conseil d’administration de la banque alimentaire des Mascareignes.

Des questions d'hygiĂšne

Du cĂŽtĂ© de la grande distribution, cette procĂ©dure est dĂ©jĂ  applicable dans certaines enseignes. VindĂ©mia, du groupe Casino, travaille dans une "dĂ©marche de responsabilitĂ© sociĂ©tale et environnementale", expliquĂ© Isabelle Bogdan, Ă  la direction de la communication et chargĂ©e de la responsabilitĂ© sociale de l’entreprise. SollicitĂ©e par de nombreuses entreprises, la sociĂ©tĂ© a signĂ© un partenariat en juillet 2013 avec la banque alimentaire des Mascareignes. L’intĂ©gralitĂ© des associations qu’elle regroupe bĂ©nĂ©ficient ainsi de produits secs, de produits frais et de produits non-alimentaires. "Cela fait partie de notre responsabilitĂ© en tant qu’entreprise, mais ce sont aussi les valeurs du groupe de donner plutĂŽt que de dĂ©truire", prĂ©cise-t-elle.

Le dispositif est opĂ©rationnel depuis septembre 2013 et plus de 10 tonnes de marchandises ont Ă©tĂ© donnĂ©es en l’espace de quatre mois. "En fonction de la date limite de consommation (DLC) ou de la date limite d'utilisation optimale (DLUO), on lance la logistique de dons. Vingt jours avant on dĂ©clenche une alerte et on signale Ă  la banque alimentaire, pour qu’elle ait le temps de rĂ©cupĂ©rer et de distribuer Ă  leur tour les produits, pour la consommation", dĂ©taille Isabelle Bogdan.

La rĂ©cupĂ©ration des invendus demande une "surveillance accrue", souligne-t-elle. Un produit sorti de son emballage, ouvert, trouĂ©, est immĂ©diatement enlevĂ© du circuit de la vente. Selon le type de produit, il se destine Ă  la poubelle ou Ă  ĂȘtre donnĂ©. "On rencontre des problĂšmes surtout au niveau des produits frais. Le circuit de don est assez court. On va prĂ©fĂ©rer la destruction de certains produits pour Ă©viter tout problĂšme d’hygiĂšne", dĂ©taille Clara Donadio, la responsable qualitĂ© et chargĂ©e de mission responsabilitĂ© sociale de l’entreprise.  

Comment accomoder ses restes

Sur l’üle, plusieurs associations et collectivitĂ©s locales organisent des actions en faveur du grand public, pour mieux consommer et moins gaspiller. Brique de lait Ă  moitiĂ© entamĂ©, semi-conserves, plats cuisinĂ©s de la veille, les fruits et lĂ©gumes oubliĂ©s, entre 30 et 40 % de la nourriture trouve refuge dans les poubelles. La CommunautĂ© intercommunale des villes solidaires du Sud (CIVIS) dĂ©plore chaque annĂ©e environ "16 000 tonnes de nourriture jetĂ©e, soit l’équivalent de 640 000 sacs de riz de 25 kg, soit 624 euros de nourriture jetĂ©e par foyer " (chiffres de 2012).

"Nous on jette beaucoup Ă  la poubelle, ou on donne au chien
" ces rĂ©actions courantes ont conduit l’entreprise Cook’in RĂ©union Ă  dire "stop au gaspillage". A la demande de la CIVIS, des ateliers et cours de cuisine apprenant aux RĂ©unionnais Ă  accommoder les restes de repas ont Ă©tĂ© instaurĂ©s dans les communes du Sud. GeneviĂšve Barbeau, Ă  la tĂȘte de Cook’in RĂ©union, initiait une dizaine de volontaires Ă  cuisiner avec leurs restes oubliĂ©s dans le rrĂ©frigĂ©rateur.

Quand un reste de carry se transforme en petits lĂ©gumes farcis, les RĂ©unionnais disent "oui". "Souvent ce sont des gens des quartiers avec peu de moyens, c’est l’occasion aussi de leur montrer qu’ils peuvent cuisiner avec peu de choses. Ils sont habituĂ©s Ă  leur riz, ils ont Ă©tĂ© surpris de voir qu’on pouvait rĂ©adapter les restes pour en faire un autre repas", constate-t-elle. La proposition de loi, si elle s’applique, est "une bonne chose quand on sait qu’il y a beaucoup de gens dans le besoin, mais la loi devra ĂȘtre bien rĂ©glementĂ©e, il y a des normes Ă  respecter", prĂ©vient-elle.

Coralie Georget pour www.ipreunion.com

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