[Cancer] Au-delà des traitements, la socio-esthétique soigne aussi l’estime de soi

  • Publié le 21 octobre 2025 à 09:45
marie noel rieffel socio estheticienne

À l’occasion d’Octobre Rose, Imaz Press publie chaque samedi un article de son dossier consacré au cancer et aux parcours de soin à La Réunion. Cette semaine, rencontre avec Marie-Noëlle Rieffel, socio-esthéticienne à la clinique des Orchidées au Port. Depuis 15 ans, elle accompagne les patients fragilisés par la maladie, leur offrant écoute, douceur et gestes apaisants pour restaurer estime de soi et dignité. (Photos sly/www.imazpress.com)

À la clinique des Orchidées, au Port, une chambre du service oncologie s'est transformée en parenthèse de douceur. Assise auprès d'une patiente, Marie-Noëlle Rieffel masse délicatement des pieds fatigués par l'âge et les traitements. Son sourire, son écoute et ses gestes apaisants rappellent que la médecine ne se limite pas aux prescriptions et aux protocoles. 

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Depuis 15 ans, elle exerce comme socio-esthéticienne, un métier encore méconnu mais essentiel pour accompagner les personnes fragilisées par la maladie. "Mon rôle, c'est d'apporter des soins de support à des patients en détresse, qu'ils soient en oncologie ou en parcours bariatrique", explique Marie-Noëlle. À raison d'un jour et demi par semaine, elle accompagne environ 40 patients chaque mois. Regardez.

Soins du visage, modelages, correction du teint, redessiner un regard... à travers ses interventions, la socio-esthéticienne redonne aux patients une part de leur dignité et de leur estime de soi. "On est toujours dans l'esthétique mais avec une autre approche. Il s'agit moins de beauté que de bien-être et d'écoute".

- Une vocation -

Avant de devenir socio-esthéticienne, Marie-Noëlle était esthéticienne. La rencontre avec des femmes touchées par le cancer a bouleversé sa pratique. "Je me suis rendue compte que je ne savais pas comment les accompagner, quels gestes je pouvais ou ne pouvais pas faire. J'ai alors choisi de me former à la socio-esthéticienne. Je ne regrette pas : je m'épanouis et j'apprends énormément des patients". Écoutez.

- Apaiser dès le début du parcours de soin -

La plupart du temps, Marie-Noëlle rencontre les patients au tout début de leur prise en charge, parfois dès l'annonce du diagnostic. Son numéro figure sur leur carte de rendez-vous comme une ressource à solliciter à tout moment. "Quand les cheveux commencent à tomber, quand la peau devient plus fragile, je suis là pour les conseiller, les accompagner", elle raconte. Parfois, ce sont les infirmières qui m'appellent parce qu'elles sentent qu'une personne est stressée et a besoin de mes services".

Chaque geste devient alors pretexte à libérer la parole. "Pendant un modelage, des mains ou des pieds, les patients se relâchent. Ils discutent entre eux, on parle de tout : la cuisine, la pêche, le quotidien... on sort du contexte de la maladie", confie la socio-esthéticienne.

- Des soins accessibles grâce au Rézo Rose -


À La Réunion, ces soins paramédicaux sont encore peu connus. Pourtant, grâce au Rézo Rose, ils sont pris en charge et proposés aux les patients. "Ils ont droit à trois séances de socio-esthétique, mais aussi de réflexologie, de socio-coiffure… C’est une offre complète pour leur redonner confiance et les aider à traverser les traitements", précise Marie-Noëlle. Écoutez.

En oncologie, elle suit chaque mois une trentaine à une quarantaine de patients. Ses interventions s’intègrent au parcours de soin pluridisciplinaire, aux côtés des oncologues, psychologues, diététiciennes et assistantes sociales. 

Dans une société où l’apparence reste fortement liée à l’identité, son métier prend tout son sens. "On ramène du beau, mais surtout on restaure la confiance, la dignité. Quand un patient repart avec un sourire, je sais que j’ai réussi", dit-elle simplement. Une preuve supplémentaire que la guérison ne se joue pas seulement sur un plan médical, mais aussi dans le regard que l’on porte sur soi.

- Le tatouage reconstructeur comme une renaissance -

Au-delà des soins esthétiques, certaines patientes choisissent une autre forme d’accompagnement : le tatouage reconstructeur. Dans le sud de l’île, deux professionnelles mettent leur savoir-faire au service de femmes marquées par la maladie.

Florence Payet, dermographiste reconvertie depuis un an, décrit son métier comme un "trompe-l’œil réparateur". Grâce à la dermopigmentation, elle redessine un mamelon après une mastectomie ou propose un maquillage permanent des sourcils pour anticiper la chute due à la chimiothérapie. "Le but est de retrouver une confiance en soi. Mais on n’intervient pas pendant les soins : il faut attendre au moins un an et demi après l’opération, parfois deux, pour ne pas re-traumatiser le corps", explique-t-elle. Un tatouage 3D d’aréole mammaire coûte environ 400 euros ou 600 euros pour les deux, une prestation totalement prise en charge par l’association Rézo Rose.

Lucile Bazillier, elle, a un parcours hybride. Ancienne podologue du sport spécialisée en cancérologie, elle s’est tournée vers le tatouage il y a une douzaine d’années, d’abord par l’art polynésien traditionnel, avant de développer une pratique centrée sur la reconstruction et l’accompagnement thérapeutique.

Si certaines femmes choisissent une reconstruction 3D fidèle à l’apparence naturelle, d’autres optent pour un tatouage artistique. "C’est une manière de se réapproprier son corps, un geste symbolique de renaissance. Beaucoup commencent par un tatouage discret, puis reviennent pour un motif plus artistique, comme un prolongement du processus de guérison", confie la tatoueuse.

Le remboursement de ces préstations reste inégal selon les caisses régionales d’assurance maladie. Pour un tatouage reconstructeur il faut compter entre 100 à 300 euros, selon la zone ou le motif. Là encore, des associations comme Rézo Rose ou des collectifs locaux apportent un soutien financier aux patients.

vg / www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

 

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