Applications, réseaux sociaux ou site internet : portes ouvertes sur la culture à La Réunion

  • Publié le 7 décembre 2025 à 03:00
application de sorties

On peut parfois entendre qu'il n'y a "pas grand-chose à faire à La Réunion", si ce n'est admirer la nature. Une affirmation évidemment complètement fausse, mais qui souligne une vraie difficulté : la communication et la promotion des événements culturels qui se tiennent dans l'île. Une problématique à laquelle se sont attaquées plusieurs plateformes, que ce soit en publiant des agendas récurrents, en créant du contenu sur les réseaux sociaux ou en répertoriant les événements au sein d'une application (Photo rb/www.imazpress.com)

Les comptes bons plans ont fleuri sur les réseaux sociaux ces dernières années. Mais avant l'avènement de ces plateformes, les Réunionnais pouvaient compter sur l'Azenda pour s'informer sur les concerts, pièces de théâtre, expositions et autres événements culturels à venir dans l'île. 

Si la version papier, lancée en 2005, a disparu aux alentours de 2018, les héritiers de Sandric Romy – fondateur de l'Azenda – ont relancé la machine sur internet. 

"Sandric Romy avait dans l'idée de créer un outil qui n'existait pas à l'époque, pour permette à chacun de se renseigner ou communiquer sur les événements culturels, mais aussi pour produire contenu rédactionnel", se rappelle Lalou, l'une des deux bénévoles qui gèrent L'Azenda.re. 

Une version papier qui était devenue une référence, avec un magazine qui sortait tous les mois. "Le magazine a perduré dans le temps et a survécu à d'autres guides, parce qu'il y a une identité très forte, un esprit et un ton libres, parfois irrévérencieux", note-t-elle. 

Après la fin des impressions, la machine s'est arrêtée quelques temps en raison du Covid-19, "mais Sandric a souhaité que cet héritage lui survive, et nous avons donc relancé le site avec Pierre (son collaborateur ; ndlr) en juin 2024, en essayant de garder la même identité et le même fondement : la gratuité et l'exigence d'exhaustivité", explique la bénévole. 

Le site regroupe de nombreuses rubriques : musique, théâtre, danse, jeune public, spectacles, loisirs… "Ca peut arriver qu'on parle d'événements qui ne sont pas classifiables, comme des manifestations organisées par des associations par exemple. Nous avons aussi un partenariat avec Ciné974 pour partager les programmations des cinémas", note Lalou. 

Elle et Pierre mettent un point d'honneur à "couvrir ce qui se passe sur toute l'île". "Bien sûr on partage ce qui se passe dans les grosses structures, mais il y a une culture ailleurs aussi, dehors, dans les bars…L'Azenda permet à des petites instances d'être mises en lumière", souligne-t-elle. Avec un souci de "mettre en avant tout ce qui est accessible gratuitement".

- Une programmation riche à La Réunion, mais une communication difficile  -

Les modes de consommation de l'information ont cependant évolué au fil des ans, et nombreux sont ceux qui s'informent via les réseaux sociaux. Parmi les créateurs de contenu très suivis à La Réunion, on compte par exemple Carole Hoareau, alias Lapetitecreole.re. 

S'il elle créé son compte en 2014, ce dernier est devenu une activité professionnelle à part entière en 2017. "C'est en revenant à La Réunion que j'ai commencé à alimenter mon compte en idées de sortie. C'est désormais mon activité professionnelle depuis 8 ans", se rappelle Carole Hoareau. 

Avec une ligne directrice pour son compte : "mettre en avant des choses qui mettent La Réunion en lèr, qui ont un rapport avec la culture, le tourisme, les produits péi". Pour elle, "l'important c'est qu'il y ait un intérêt pour mes lecteurs", mais sa préférence "va sur les sujets en lien avec la culture réunionnaise".

A côté de ces contenus, elle publie chaque semaine un agenda. "Quand je fais l'agenda, je parle de choses où je n'irais pas forcément moi-même, mais je sais que ça va intéresser mes lecteurs. Il faut garder un côté exhaustif, penser à tous les types de profil", explique la créatrice de contenu. 


"Une des raisons qui m'ont fait lancer l'agenda, c'est que j'ai souvent entendu dire qu'il n'y a pas assez de choses à faire à La Réunion. C'est faux, il se passe pleins de chose, mais il n'y a pas forcément une bonne communication autour", constate-t-elle. 

D'où son objectif de "montrer la diversité des actions disponibles" dans son agenda, où elle met en avant les événements culturels, mais aussi des manifestations, des actions citoyennes, ou encore des bons plans depuis récemment.

"Il y a pleins de choses qui se font, c'est juste que les gens ne sont pas forcément au courant. Ce qui me fait plaisir, c'est d'avoir des retours au fil des ans, de voir que ce que je fais est utile quand je constate que des personnes ont découvert un événement grâce à une de mes publications, ou quand mes partenaires voient une différence sur la fréquentation de leurs événements", se réjouit Carole Hoareau. 

Cette dernière a cependant une règle qu'elle applique systématique : "je ne parle d'un endroit que s'il est accessible et référencé".

- L'agenda dans sa poche - 

Depuis plus récemment, trois amis se sont mis à la tâche de proposer toute la programmation culturelle de l'île…au sein d'une seule application. Disponible depuis fin août, l'application Sortipéi propose une myriade d'événements qui se déroulent dans l'île. 

"L'idée est née un jour, où entre amis on s'est demandé : qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?", raconte Tamara Le Thanh, co-fondatrice de l'application.

"On s'est retrouvé à chercher sur les sites des mairies, des organisateurs, sur les réseaux sociaux, et on s'est rendu compte que l'activité culturelle est très riche mais que les informations sont éparpillées partout. On a décidé de mettre tout ça dans la poche des Réunionnais", explique-t-elle. 

Les travaux autour de l'application ont débuté en décembre 2024, avec "une réflexion de plusieurs mois pour préparer le terrain pour le développeur, et le développement qui a débuté en février", détaille Tamara. Un travail qui a été réalisé sur fonds propres, et à trois seulement : Tamara Le Thanh, qui gère la stratégie entreprise et marketing, Alexandre qui est le directeur financier, et Julien qui est développeur technique. 

L'application est gratuite et sans inscription, recense plus de 1.000 événements à venir sur l'île, et compte déjà plus de 10.000 utilisateurs, dont 2.000 dès la première semaine. 



"On peut filtrer par catégorie : culture, musique, sport, loisirs, associatif, marmay – très appréciée par les familles. Il y a aussi un filtre pour chercher les activités gratuites, et un filtre tradition lontan, car nous avons vocation à valoriser le patrimoine de l'île", détaille la co-fondatrice. "Et les utilisateurs peuvent aussi chercher par date et région, enregistrer leurs favoris, et partager les sorties", note-t-elle. 

Selon Tamara Le Thanh, l'entreprise "a reçu des dizaines de retours positifs". "La première chose qui ressort, c'est que les gens veulent sortir mais ne savent pas forcément où chercher. Et les organisateurs sont contents, parce que des participants arrivent grâce à l'application. C'est ça le plus important pour nous, surtout pour les structures qui n'auraient pas les moyens d'avoir un vrai développement de la communication", sourit-elle. 

Les fondateurs de SortiPéi veulent que "ce soit un outil de développement social, culturel, économique et sociologique". "On souhaite que l'application soit la plus inclusive possible, on travaille donc à mettre des outils pour les personnes daltoniennes, une audiodescription pour les personnes malvoyantes...Mais aussi un filtre pour les activités accessibles à pied par exemple. Enfin, à termes on souhaite s'intéresser à l'impact écologique et permettre de favoriser les mobilités douces", détaille Tamara Le Thanh.

Enfin, "alors qu'il y a une centralisation du tourisme et des événements dans l'Ouest, on veut valoriser l'Est, mais aussi mettre en place un filtre "loin de la foule"".

- Un travail de longue haleine -

Tout ce travail tient grâce aux sollicitations des organisateurs, mais surtout à une veille constante et chronophage. 

"Pour garantir la mise à jour de l'agenda, il faut qu'il y ait quelqu'un derrière pour tout répertorier, c'est un travail de longue haleine", souligne Lalou. "On a une bonne base avec les gens qui nous envoient les infos, ça serait infaisable sans sollicitation directe,  mais Pierre est l'acteur de l'ombre qui fait tout, cherche, fouille les réseaux, les sites, etc…et fait la curation", explique-t-elle.

Lalou qui rappelle que L'Azenda est géré de façon totalement bénévole. "Si les lecteurs veulent nous aider, au moins pour couvrir les frais d'hébergements du site…", lance-t-elle en riant. 

Carole Hoareau, elle, est forte de son expérience dans le journalisme. "Les agendas, c'est quelque chose que je fais depuis 2006 : mon premier poste de stagiaire journaliste était en Thaïlande, et mon rôle était de créer l'agenda culturel", se rappelle-t-elle.

 "Ca a toujours été quelque chose que j'aime faire, et quand j'ai créé mon compte l'agenda est quelque chose que je voulais faire dès le départ, sans en avoir les moyens. Ca demande une grosse organisation, de longues heures à fouiller, et il faut pouvoir le sortir toutes les semaines, qu'on soit fatigué ou pas…c'est un rendez-vous, il faut l'honorer", confie-t-elle. 

Elle se lance finalement en 2022, mais pas seule. "Ce qui m'a permis de tenir, c'est de ne pas travailler seule : Elodie Hoarau, une ancienne collègue journaliste qui s'est lancée en freelance, m'a rejoint pour travailler en binôme pour la veille", explique Carole Hoareau. 

"Elle a contacté les structures culturelles, nous a fait être ajoutées dans la liste des structures culturelles pour recevoir les événements."

Le travail de veille, de rédaction et de graphisme "n'est pas que mon œuvre, et je travaille aussi avec la graphiste Floria Fontaine pour l'identité visuelle". "Je ne suis pas toute seule, même si on voit que ma tête", rit-elle. 

Pour Sortipéi, "toutes les sorties sont vérifiées et ajoutées manuellement", explique Tamara. "Nous avons un outil en interne qui nous évite d'avoir des doublons, mais c'est un gros boulot", confie la co-fondatrice. "Il y a par contre un formulaire pour les organisateurs afin qu'ils déposent eux-mêmes leurs événements. Mais tout ça reste chronophage."

D'autant de façon de trouver une occupation pour le week-end. Et de contredire quiconque se permettrait de dire qu'à La Réunion, il n'y a rien à faire.  

as/www.imazpress.com / [email protected]

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