Le plan de restructuration doit être validé par l'État

Air Austral : l'accord est signé mais la compagnie n'est pas (encore) tirée d'affaire

  • Publié le 10 mai 2024 à 07:15

Ce jeudi 9 mai 2024, en début d'après-midi, l'accord de performance collective (APC) a enfin été signé entre dirigeants, actionnaires et syndicats d'Air austral. Une étape importante mais pas encore suffisante pour que la compagnie péi soit dans le vert. Essuyant de nombreuses difficultés financières depuis la crise Covid – et alors que pourtant Air Austral a connu un chiffre d'affaires record de 438 millions d'euros en 2023 – elle peine à redécoller. Plusieurs actionnaires ont injecté des millions d'euros et les salariés ont dû mettre la main à la poche pour que les avions ne restent pas cloués au sol. Le plan final de restructuration est en attente de validation l'État (Photo rb/www.imazpress.com)

Il est 10 heures ce jeudi 9 mai 2024, lorsque l'ensemble des acteurs d'Air Austral, s'enferme dans la salle de réunion avec un objectif en tête : signer l'accord de performance collective.

Quatre heures après – et après 96 heures de discussions entre les parties – et un nouveau délai fixé par le préfet – l'issue arrive. L'accord est enfin signé.

Mais signé au prix de nombreux sacrifices. "Cet effort a été fait pour la clientèle qui est attachée la compagnie réunionnaise", lance le PDG d'Air Austral, Joseph Bréma.

"Nous avons su prendre nos responsabilités pour aider le directoire et les actionnaires à sauver cette entreprise", ajoute Vivien Rousseau du syndicat national des pilotes de ligne France Alpa. "Les pilotes ont encore été au rendez-vous."

Toutefois, c'est la poche du salarié qui va être un peu plus vide à la fin de ces mesures actées par l'État lors de la réunion interministérielle", note Baptiste Dei Tos du syndicat SNPNC-FO.

"Ce sont des négociations très douloureuses pour arriver à ce résultat que l'on espère pro-actif pour l'avenir."

"Nous sommes partis de loin", précise Frédéric Bénard de la CFDT. "Mais après six semaines de travail, nous avons conduit à la signature de ce document."

Désormais, "on confie les clés de tout ce dispositif de sorte que le directoire puisse conduire de la meilleure façon l'avenir pour qu'Air Austral soit toujours demain aux côtés des Réunionnais".

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- Air Austral est-elle pour autant sauvée ? -

Mais après… cela sera-t-il suffisant pour assurer un avenir sous de meilleures hospices à la compagnie aérienne toujours en difficulté ?

Pour le PDG, "cette signature est une étape importante qui permet de continuer sur notre plan de restructuration".

"On a eu une activité compliquée et des facteurs exogènes qui peuvent effectivement nous impacter et l'État a donné des signes de confiance pour avancer dans la viabilité. C'est pour cela que nous avançons étape par étape".

Joseph Bréma espère qu'à la fin du mois de mai, ce plan pourra être présenté à toutes les parties prenantes.

Un plan économique de l'entreprise de 30 millions d'euros "pour lequel nous avons actionné des leviers en interne autour de 22 millions d'euros et le l'accord de performance collective qui complète le dispositif".

Joseph Bréma table sur une dizaine de mois – lors du premier exercice de l'année au 31 mars 2025 – "où nous devrons montrer aux actionnaires d'Air Austral que nous sommes capables de revenir dans le vert".

Du côté des actionnaires, dont Run Air, "nous voulons par patriotisme réunionnais, sauver cette entreprise en grande difficulté". "Cela est normal, on ne sort pas d'un épisode de Covid où l'on perd 50% de son chiffre d'affaires sans difficultés", lance Jean-Claude Pradines.

C'est pour cela que Run Air a injecté 30 millions d'euros dans la compagnie aérienne en janvier 2023.

Désormais, "le plan de redressement est arrêté et comporte plusieurs volets dont le plan social avec cette signature d'APC. Un exercice très difficile".

Un plan pris pour qu'Air Austral puisse retrouver de la rentabilité d'ici deux à trois ans.

Autre actionnaire, la Semetra dont la direction revient à Huguette Bello, présidente de Région. Représentée par Normane Ormarjee, vice-président du Conseil régional, l'objectif est "de pérenniser l'activité de cette belle compagnie qui est fortement appréciée par les Réunionnais".

Avec cet accord signé, c'est désormais "au directoire d'assurer le plan de validation validé par le Conseil de surveillance".

Un plan visant à "réparer les erreurs du passé que nous payons", note Normane Omarjee. "Les erreurs du passé prennent du temps à être réparées et évidemment cela suppose des sacrifices et un plan d'action clair et nécessaire."

Le plan de retournement exigé par l’État, le 19 mars dernier lors de la réunion interministérielle doit être présenté au gouvernement au plus tard d’ici la deuxième semaine du mois de mai.

- Des mois et des mois de négociations -

Les négociations entre les actionnaires et les dirigeants ainsi que les salariés durent depuis déjà des mois.

Des mois d'échanges, de débat, de discussions, de désaccords pour enfin parvenir à un accord… sans forcément le sourire qui va avec.

 

Cette signature "in extremis" a eu lieu "après une série de réunions de négociations compliquées et avec de multiples rebondissements de la part de la Direction ou de ses conseillers extérieurs" note le SNPL Air Austral.

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Une signature nécessaire pour l'entreprise. "Pour amener à un plan de retournement auprès de l'État", note Baptise Dei-Tos. "Mais on ne peut parler de victoire dès lors que l'on a pris des mesures qui ont un impact sur les rémunérations et le travail de nos collègues."

Un avis que partage Frédéric Bénard. "C'est au bout de 96 heures déterminante que nous sommes arrivés à ce résultat mais pour tout dire il va y avoir des sacrifices."

"Aujourd'hui nous étions contraints mais nous le formulons clairement. C'est la dernière fois que les salariés payent pour les erreurs du passé", dit-il.

Huguette Bello, présidente de Région et du Conseil de surveillance d'Air Austral, souligne "un effort remarquable du personnel".

"Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité dont a fait preuve l’ensemble des parties prenantes à cet accord et cet accord représente un effort remarquable du personnel dont nous devons mesurer toute la signification. Je sais en effet ce que cela signifie en terme d’effort personnel pour chacune et chacun des salariés. Il traduit leur plein engagement et leur profond attachement à leur compagnie qu’ils font vivre chaque jour et qui est aussi celle de tous les Réunionnais."

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Le préfet de La Réunion salue également cet accord. Jérome Filippini, préfét de La Réunion salue la signature de cet accord et remercie les partenaires sociaux et les représentants des actionnaires d'Air Austral pour l'esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve.

"Il s'agit d'une étape importante sur le chemin du plan de redressement de la compagnie aérienne, auquel l'Etat est très attentif."

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- Un plan de sauvetage pour la compagnie Air Austral -

En Assemblée plénière le jeudi 28 mars 2024, la Région Réunion a annoncé le déblocage d'une enveloppe de cinq millions d'euros pour la compagnie réunionnaise.

En juillet 2021, "nous nous trouvons face à une compagnie aérienne affaiblie", avait déclaré Normane Omarjee, vice-président de la Région Réunion. "L'existence d'Air Austral contribue à faire vivre, survivre des équipements comme l'aéroport."

"La disparition d’Air Austral constituerait une perte sèche pour notre territoire, à hauteur de 100 millions d’euros par an", a ajouté Normane Omarjee.

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Le 7 mars 2024, le Conseil de surveillance s'est réuni. Les actionnaires publics et privés ont accepté collectivement d’accompagner l’entreprise par un apport financier d’un montant de 10 millions d’euros.

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"Pour accompagner l’entreprise à être plus performante, un effort collectif est indispensable. Des mesures de gestion internes plus rigoureuses concernant la maîtrise et la réduction des coûts ont ainsi été validées", annonce Air Austral.

Le 25 janvier 2023, c'est le Département qui a souhaité accompagner le sauvetage de la compagnie aérienne Air Austral à travers des bons de souscription à hauteur de 5 millions d'euros. Par cette opération, le Conseil département détient désormais 20% du capital de la SEMATRA, société actionnaire de la compagnie.

Le 5 janvier 2023, la Commission européenne a autorisé, le projet de la France d'octroyer une aide à la restructuration d'un montant de 119,3 millions d'euros pour permettre le retour à la viabilité de la compagnie aérienne Air Austral, ainsi qu'une aide d'un montant de 17,5 millions d'euros pour indemniser cette compagnie des dommages subis suite à la pandémie du coronavirus entre le 17 mars et le 30 juin 2020.

Une annonce qui faisait suite à l'approbation par la Commission d'une aide au sauvetage sous forme d'un prêt de l'État français d'un montant de 20 millions d'euros en faveur d'Air Austral le 18 janvier 2022.

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Et pourtant, la compagnie a bénéficié d’un effacement de dettes de 116 millions d’euros assortie d’une clause de "retour à meilleure fortune".

- Une compagnie abattue par la crise sanitaire -

La compagnie aérienne est en grandes difficultés financières depuis la crise sanitaire. Une crise qui n’a fait qu’accentuer une santé financière fléchissante.

La compagnie a en effet connu des difficultés en 2012, lors de la crise conjoncturelle.

En 2020, les difficultés empirent : alors que la compagnie fait un chiffre d’affaires de près de 413 millions d’euros, le Covid passe par là, faisant chuter l’activité d’Air Austral, à l’instar de toutes les compagnies aériennes. L’entreprise connait une baisse du trafic de 77% et une baisse de son chiffre d’affaires de 55%. Comme l’explique la Région, son chiffre d’affaires est passé de 413 à 185 millions d’euros, soit une baisse de 225 millions d’euros.

Pour aider la compagnie aérienne à ne pas se crasher, les actionnaires se sont mobilisés. Selon les chiffres donnés par Didier Aubry, en 2020, il y a eu un prêt actionnaire avec un apport de 30 millions d’euros de la Sematra et 90 millions des banques. En 2021 et avec la poursuite de la crise sanitaire, Air Austral sollicite une nouvelle aide. L’État apporte 20 millions d’euros et la Sematra mobilise 10 millions d’euros. Des aides qui s’ajoutent au dispositif de droit commun, à savoir le chômage partiel et l’étalement des aides fiscales.

Mais cela ne suffit pas. En 2022, une aide au sauvetage de la compagnie est notifiée à la commission européenne. Un sauvetage nécessaire, tant la situation financière d’Air Austral est aujourd’hui dégradée.

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- La direction confiante -

Alors que la compagnie traverse des turbulences, Imaz Press s'était entretenu avec Joseph Bréma, président du directoire de l'entreprise. Il parle d'"une belle compagnie avec des atouts indéniables", ne cache pas les difficultés auxquelles il a dû faire face et assure "être confiant".

"Nous rencontrons certes une phase de turbulences, mais j’ai foi en l’ensemble du personnel de la compagnie pleinement mobilisé pour que nous soyons transparents vis-à-vis de nos clients. Aujourd'hui toutes nos énergies sont dirigées vers le maintien de notre activité opérationnelle pour que cela n'impacte ni les voyages, ni la qualité de service proposés à nos passagers."

Pour Joseph Bréma, les mauvais résultats de la compagnie sont dus à une conjonction de facteurs exogènes. "Il y a tout d’abord les facteurs géopolitiques. Je pense à l'interdiction de survol du Soudan et du Niger, entrainant des temps de vol prolongés induite d’une augmentation de la consommation de carburant et des frais de maintenance. Nous devons aussi faire face à une chute du global du trafic du fret aérien, s’accompagnant d’une baisse de la recette unitaire. Nous avons aussi des difficultés d’approvisionnement en fournitures et équipements aéronautiques et le contexte inflationniste en découlant sur les coûts de réparations et de remises en état des avions."

À ces contraintes se sont ajoutées des difficultés opérationnelles affectant les opérations de la compagnie depuis des mois.

"Pour faire face à ces défis opérationnels, la compagnie a été contrainte de puiser dans ses liquidités et de recourir à des affrètements auprès d’autres opérateurs, pour que la situation soit la moins pénalisante possible pour sa clientèle."

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ma.m/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Guillaume
Guillaume
3 mois

Regarder comment les billets Réunion Bangkok ont augmenté de plus de 40 % et vous comprendrez comment ils vont s’y prendre.

Riri
Riri
3 mois

Je reste pessimiste sur l’avenir de cette compagnie. Le directoire va proposer un zembrocal à l’état, est-ce que cela est suffisant. De plus, la concurrence est de plus en plus en offensive. On mise sur l’attachement émotionnel des Réunionnais envers la compagnie. Dans le contexte inflationniste que nous subissons et qui nous met à genoux, seul le prix du billet qui est déterminant pour choisir sa compagnie. Je m’aperçois qu’il y a une nouvelle DRH et pourtant aucun appel à candidature n’a été diffusé dans la presse ni sur les sites spécialisés. On est encore dans des pratiques de recrutement copain/copine. Comment voulez-vous que cette compagnie soit performante avec de telle méthode.

Ded
Ded
3 mois

à ce prix là , c'est du vol manifeste! mais bon, le directoire sait ce qu'il fait ( faut payer les voitures de fonction , les gros salaires et les voyages en GP!!!

Léon
Léon
3 mois

Vu sur le site air Austral.
Réunion -Diego pendant les vacances scolaires d' octobre 1116 E.
Vivement une nouvelle compagnie !