Si la majorité des étudiants ont trouvé leur alternance, la recherche peut être un vrai casse-tête et certains restent sur le carreau alors que l'année scolaire débute. Les centres de formations et écoles peuvent de leur côté être confrontés à des classes incomplètes dans des filières qui peinent à attirer. (Photo photo RB imazpress reunion )
Depuis 2021, les emplois en alternance ont augmenté suite à la mise en place d'une aide exceptionnelle pour l'embauche en contrat d’apprentissage. Les entrées en contrat à La Réunion sont ainsi passés de 3.600 en 2019 à 12.400 en 2021 et 14.274 en 2022.
Pour Fabrice Marouvin, président de la commission formation de la chambre de commerce de La Réunion, l'alternance n'est plus considérée comme une voie de garage. "L'alternance aujourd'hui c'est une vraie formation diplômante" dit-il.
Bernard Picardo, président de la chambre des métiers et de l'artisanat parle lui d'une "nouvelle vision des métiers".
"Des métiers reviennent à la mode et de plus en plus de personnes sont attirées par l'apprentissage. C'est un modèle intéressant qui permet d'apprendre tout en ayant un salaire en même temps" développe-t-il.
Les outils et aides aux entreprises mis en place ces dernières années permettent selon lui de "valoriser l'apprentissage".
Les structures accueillant des apprentis sont ainsi de plus en plus nombreuses. Mais les apprentis le sont aussi. Une situation qui peut créer certaines problématiques.
- Des filières en tension -
Diététique, pharmacie, communication...Nombreux sont les domaines qui attirent en grand nombre les jeunes. Le problème : les entreprises accueillant des alternants sont parfois moins nombreuses que le nombre d'étudiants en recherche.
Victoria Truphémus s'apprête à faire sa rentrée dans une formation de diététique mais n'a toujours pas signé de contrat d'alternance avec une entreprise. Aujourd'hui elle en est à près de 80 candidatures envoyées et deux entretiens passés sans succès. "Les entreprises étaient plutôt satisfaites mais manquaient de fonds même avec l'aide de l'État" précise la jeune femme.
En faisant part à son école de ses craintes, elle a reçu de nombreux conseils et des listes d'entreprises susceptibles de l'accueillir. Malgré cette aide, "ça reste compliqué" exprime l'étudiante.
"En commerce ou en boulangerie je vois beaucoup d'offres mais je n'en ai jamais vu dans mon domaine. C'est à toi d'être force de proposition, de te vendre et d'arriver à t'imposer dans une entreprise qui n'a pas besoin de toi" précise-t-elle.
Si les cliniques et hôpitaux sont des endroits idéals pour une alternance en diététique, Victoria Truphémus sait que son cv "sera posé sur une pile".
"C'est dommage parce qu'avoir une diététicienne coute de l'argent et prendre un apprenti ne revient vraiment pas cher. Il peut tout de même faire une partie du travail d'un diplômé" poursuit-elle.
Charlotte est étudiante en management commercial. Elle a eu la chance d'être finalement prise en alternance dans l'administration de sa propre école. À l'approche de la rentrée, elle reconnait que les nouveaux entrants ont du mal à trouver des contrats en particulier ceux dans le domaine de la communication.
De l'autre côté, certaines filières attirent moins d'étudiants que de places dont elles disposent et les centres de formations tentent de remplir les classes pour apporter les apprentis nécessaires aux entreprises.
"C'est la problématique. On a des formations où on a des entreprises et pas assez d'élèves et des formations avec beaucoup d'élèves et pas assez d'entreprises. Il y a un déséquilibre entre ce qu'aiment les élèves et le marché" développe Fabrice Marouvin.
Dans les métiers de la restauration et de l'hôtellerie, les entreprises sont très demandeuses de jeunes apprentis mais les candidatures ne sont pas au rendez-vous. "De manière générale, le secteur de l'agro-alimentaire est face à cette situation" confirme Bernard Picardo.
À l'Institut de la formation de La Réunion, l'administration a la plupart du temps plus de mal à trouver des élèves qui correspondent aux formations que d'entreprises pour les accueillir. Seuls domaines où ce n'est pas le cas, le développement web et l'économie circulaire (environnement et énergie).
"On lance ces filières mais on ne trouve pas assez d'entreprises. Nous n'avons pas de doutes sur le fait que ça deviendra des filières ou il y aura de l'emploi mais le démarrage est compliqué car ces domaines sont moins développés à La Réunion" explique Audrey Severin, directrice pédagogique du pôle commerce et numérique.
- Insularité et effet covid –
L'insularité peut être un vrai frein aux signatures de contrats selon Fabrice Marouvin.
"Si un élève ne trouve pas d'entreprise dans le département, il ne peut pas aller dans le département d'à côté comme ça peut être fait dans l'Hexagone, puisqu'il faut faire des allers-retours entre l'école et l'alternance" détaille-t-il.
De plus, si le jeune âge de certains apprentis peut faire peur, ce doute est encore plus accentué depuis la crise sanitaire d'après le président de commission de la chambre de commerce.
"Depuis le covid, il y a beaucoup moins d'entreprises en bonne santé. Elles ont la tête dans le guidon et au lieu de s'occuper d'un alternant, les chefs d'entreprises préfèrent remettre en route comme il faut leur équipe" poursuit-il.
À noter que malgré les aides de l'État, les structures doivent tout de même financer une part pour prendre un alternant. "S'il est performant c'est super gagnant mais c'est un risque à prendre".
- Accompagner les jeunes et les entreprises –
Pas de solution miracle pour régler ces problématiques mais les écoles et centres de formations développent tout de même des stratégies basées sur un accompagnement renforcé.
La chambre des métiers et de l'artisanat tient à venir en aide aux entreprises qui auraient du mal à trouver les apprentis nécessaires en valorisant les métiers qui attirent moins avec la création de nouvelles formations. Des médiateurs de l'apprentissage seront également en place cette année pour garantir le lien entre entreprises et jeunes en s'assurant notamment que les contrats vont jusqu'au bout.
À la CCI, les équipes essayent de préparer et former au mieux les étudiants avec des ateliers. Elles proposent également des contacts d'entreprises aux futurs alternants en recherche de contrat.
Audrey Severin explique quant à elle le fonctionnement un peu différent de l'Institut de la formation de La Réunion qui dispose déjà de places en entreprise "réservées" avant même le recrutement des élèves. Les contacts de ces partenaires sont directement transmis aux étudiants inscrits.
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