Isabelle, une Réunionnaise originaire de Saint-André, vit à Nice depuis 16 ans. Le soir du 14 juillet, elle devait aller voir le feu d'artifice sur la Promenade des Anglais, mais elle a renoncé au dernier moment, à cause du vent, préférant rester chez elle. Elle a appris la nouvelle sur Facebook, alors que ses amis commençaient à poster des messages inquiets. Bouleversée et en colère, elle nous a adressé ce courrier, que nous publions en intégralité, pour nous raconter les jours suivant l'attentat.
Dimanche, je me décide à descendre sur la promenade des anglais, c'est plus fort que moi, je dois m'y rendre pour voir de mes propres yeux le lieu du drame. Je m'y baladais souvent le dimanche à vélo, profitant de la mer, bleu azur. Mais rien ne sera plus comme avant. Passer Notre-Dame et la voir pleine à craquer. En ce dimanche matin, beaucoup de boutiques sont fermées, mais certains commerçants et restaurateurs ont eu le courage de rouvrir leurs commerces. Des parents avec leurs enfants, des jeunes, des vieux, des Niçois, des étrangers, des gens de tous âges, de tous bords, de toutes religions, de tout milieu social, de tout métier, sont descendus l'avenue. J'aperçois quelques joggeurs un bouquet à la main. Le soleil est déjà haut et le ciel bleu azur. Devant un magasin de sport, je vois des avis de recherche, trois petits jeunes...
Place Massena, le Nice jazz festival est en place et les journalistes du monde entier s'y sont installés. Ils viennent d’Espagne, du Portugal, d’Italie, des Etats-Unis, des Pays-Bas, d'Allemagne, ils cotoient les journalistes de BFM TV, TF1 France 2.
Une foule de tous les pays
Quand j'arrive au niveau du Méridien, sans que je me puisse me contrôler, ma gorge se serre, les larmes montent et me brûlent les yeux. La vue des dessins d'enfants pour des enfants, des drapeaux de la France, du Portugal, de Nice, d'Italien, d'Espagne, des bougies par milliers me submerge. Un mal-être s'installe, les gens sont silencieux se tiennent la main, pleurent. Dans la foule, je remarque un prêtre, un imam et un rabbin, mais il y a trop de monde autour d'eux pour que je puisse les approcher.
Le soleil me tape la peau et je sens la douceur des regards, des mains tendues, unies dans une profonde douleur. Je suis en face du palais de la Méditerranée, à une vingtaine de mètres d'une débauche de fleurs et de messages d'hommage. Je découvre l'endroit où Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a été abattu, c'est une poubelle.
J'avance encore et découvre des marquages au sol en forme de coeur, des traces de sang encore visibles sur le sol malgré le passage des services de nettoyage. Je n'en crois pas mes yeux, tout ça s'est passé dans ma ville, Nice. Soudain, je ne sens plus mes jambes, je m'assois et je souffle un peu pour reprendre mes esprits. C'est le choc. Je transpire sous le soleil et je me retrouve paniquée, seule, et je regarde les passants, eux aussi venus se recueillir pour faire leur deuil à leur façon.
En colère
Quelques caméras autour tentent de capturer les mouvements de colère. Des gens idiots tiennent des propos racistes, cela me met très en colère d'entendre. Je suis en colère. Non seulement le malade de l'autre soir a détruit la joie, les souvenirs des soirées et des fous rires de la Promenade en arrachant des vies innocentes à notre ville.
Mais je suis encore en colère contre tous ces médias qui viennent se nourrir de notre malheur, de notre désespoir en s'installant bien en vue sur notre magnifique Place Massena! Vous devriez rester bien dans l'ombre, laisser ces pauvres familles ainsi que Nice toute entière faire leur deuil. Personnellement je n'ai pas envie de vous voir ici, pas plus que tous ces dirigeants de pacotille. Combien d'entre nous devront encore mourir pour que vous agissiez ? Rapidement, je trouve l'endroit angoissant, des images me hantent et je décide enfin de rentrer chez moi. Je reviendrai pour la minute de silence, lundi.
Des sifflets après la minute de silence
Cet instant de recuillement, le lendemain, restera gravé dans ma mémoire. J'étais bouleversée devant ces familles anéanties. Ma douleur est indescriptible face à ce cimetière géant qu'est devenue la promenade des Anglais. Ces fleurs, ces peluches, ces bougies à ne plus finir. Viennent les sifflets, mais je m'interroge : qu'est-ce qui est le plus indécent ? Les personnes, dont certaines familles endeuillées qui étaient devant moi, qui ont hué les politiques, avant et après la minute de silence ? Ou le gouvernement, qui est en partie responsable de ce qui est arrivé de part son inaction ? Comment Valls a t'il osé venir ? Pour moi, il n'avait pas sa place à cet hommage qu il a gâché, il aurait du démissionner, comme d'autres dirigeants l'ont fait après une crise majeure. Je ressens plus que jamais du chagrin devant ce massacre mais la colère me submerge. Mais la vie doit continuer, pour les familles, pour Nice.
BELLA NIZZA je t'aime !
Bien d'accord avec elle ... mais dommage pour la chute du courrier !
Petite piqûre de rappel concernant les "coupables" présents à la minute de silence :
" Commençons par une petite devinette : qui est le maire de Nice ? Un indice, ce n'est plus Christian Estrosi. Vous séchez ? Ce n'est pas tout fait anormal. Depuis l'attentat qui a fait 84 morts dans sa ville, Philippe Pradal, c'est son nom, se fait bien discret dans les médias. Au contraire de son premier adjoint aux Finances, à la Sécurité, aux Travaux, aux Transports, au Stationnement, à l’administration générale, à la réglementation des taxis, au suivi du projet sang neuf, à la réalisation de la ligne 2 du tramway, à la voirie et aux professions libérales, monsieur Christian Estrosi.
Dans Le Canard enchaîné daté du mercredi 20 juillet, nous en apprenons un peu sur ce silence médiatique. Si Philippe Pradal ne s'exprime pas depuis la tuerie, c'est... à la demande de Christian Estrosi, maire de Nice jusqu'en juin. Où à son absence de demande, on ne sait pas très bien. C'est en tout cas ce qu'a expliqué Philippe Pradal à un Niçois, selon Le Canard ..."
http://lelab.europe1.fr/je-fais-ce-questrosi-me-demande-le-maire-de-nice-explique-son-silence-mediatique-2803348