Deux dates prévues

Avec « Trop près du mur », Typhus met le bronx

  • Publié le 4 avril 2023 à 14:20
  • Actualisé le 4 avril 2023 à 15:23
 Avec « Trop près du mur », Typhus met le bronx

Après Lucet Langenier et le Séchoir, alerte au Typhus, du côté de Champ Fleuri ce week-end, et prochainement à Lespas. Emmanuel Gil, alias Typhus Bronx, poursuit son exploration de la psyché de son double clownesque et s’interroge sur les questions essentielles qui précèdent l’arrivée d’un enfant (photos DR).

À l’origine de « Trop près du mur », il y a Typhus Bronx qui parle à l’acteur Emmanuel Gil, de son désir d’enfant. Le clown voudrait un compagnon pour partager sa folitude, un être à chérir et protéger du mieux qu’il peut. Après bien des questionnements, son créateur se résout à exaucer son vœu… à sa manière. 

Typhus jubile, mais il sait que le temps presse. Bientôt l’acteur qui vit en lui refera surface pour le faire taire à nouveau. Son enfantôme devra se débrouiller seul pour ne pas tomber dans le froid chemin… Mais dans ce jeu de poupées russes, qui contrôle qui ? Qui élève qui ? Le spectacle propose de sonder le lien qui unit l’acteur à son personnage. Il y a d’un côté le créateur cérébral et de l’autre sa créature organique. L’homme social face au clown sans filtre. Il y est question d’éducation, de transmission, de garde-fous, de libre-arbitre, d’autocensure et d’oppression sociale. Mais avant tout de liberté.

Un spectacle qui n'est évidemment pas un guide clair et rassurant pour aider bébé à bien grandir. Dans la lignée du Delirium du Papillon et de La petite histoire qui va te faire flipper ta race, Emmanuel Gil qui n’en est pas à son premier séjour à La Réunion (il était venu jouer Le Délirium du papillon qui traite de la psychiatrie, dans le cadre de la semaine de la santé mentale en 2019), déstabilise et souffle dans une même réplique la tendresse et l'oppression. Entre deux représentations, il s’est prêté au jeu des questions.

Emmanuel Gil est-il clown ou acteur ?

On va dire que je suis un peu des deux parce que je ne fais pas que des spectacles de clown. À travers « Trop près du mur », je viens questionner l’acteur et je m’amuse avec les codes, moi qui préfère de loin les spectacles transversaux aux spectacles enfermants. J’ai créé Typhus Bronx il y a maintenant huit ans, un clown assez trangressif, un peu irrévérencieux, impertinent. Il y a eu le premier spectacle intitulé « Le Délirium du papillon » et ensuite « La petite histoire qui va te faire flipper ta race » et là c’est la troisième fois que je retrouve Typhus.

Et à travers lui, j’ai décidé de me livrer un peu plus, moi Emmanuel Gil, en amenant mes questions d’homme de 39 ans par rapport à la parentalité, et le public va découvrir notre enfant commun à Typhus et à moi. Certes, je ne suis pas encore papa mais ça viendra et je m’entraîne donc à tout ce qu’il ne faut pas faire (Rires). Plus sérieusement, je soulève toutes les questions un peu taboues autour de ce sujet, avec un humour assez grinçant, parce que j’aime bien évoquer des sujets que la bienséance nous interdit parfois de faire et qui sont pourtant de vrais thèmes de société. On est aussi dans un climat propice à l’éco-anxiété et c’est normal que les nouvelles générations se demandent s’il est vraiment judicieux d’avoir un enfant dans ce monde dans lequel nous vivons.

Faire rire avec des thématiques qui ne sont pas drôles est-ce ton fil rouge ?

On peut dire ça. Je cherche à soulever des points sensibles et à parler de thématiques dans lesquelles on n’a pas trop l’habitude de voir le clown car j’aime beaucoup souffler le chaud et le froid dans mes spectacles. Mettre à la fois le public dans une tension et l’instant d’après dans une détente pour justement provoquer des émotions particulières (rire ou pleurer) et susciter la réflexion. « Trop près du mur » parle de la vie, de la mort, de l’amour et de plein d’autres choses aussi.

Pourquoi la figure du clown…

Tout simplement parce que le clown nous donne la permission d’en rire. S’il n’y avait pas cette figure très marquée et maquillée, le spectacle pourrait être beaucoup moins drôle. On se permet de rire de choses pas forcément drôles de prime abord. Pour moi, le clown vient aussi questionner la figure du marginal. C’est quelque chose que j’aime beaucoup explorer dans mes spectacles comme pouvait le faire Chaplin à l’époque en nous émouvant sur des sujets très sensibles et en suscitant l’hilarité aussi. Ça vient questionner les gens en marge et inadaptés à notre société mais profondément humains et qui laissent passer la lumière à travers leurs failles.

… Et ce titre « Trop près du mur » ?

C’est à la fois une référence à l’expression « Bercé trop près du mur » et en filigrane dans le spectacle, aux gens dont on dit d’eux qu’ils ont « un petit pète au casque ». C’est aussi une façon de dire que quand on est trop près du mur, on n’arrive plus à freiner. Pour moi, c’est davantage une manière d’ouvrir les yeux sur le monde actuel et de se dire que si on ne change rien, on va droit dans le mur.

Est-il indiqué pour les personnes souffrant de coulrophobie (peur des clowns) ?

Je pense que ça peut être tout indiqué parce qu’il y a de la distance avec le comédien et qu’on entre progressivement dans le personnage clownesque. Bien sûr, je joue sur cette peur qui hante beaucoup de personnes, cette peur aussi de la transgression parce que je m’amuse à rester sur le fil même si je vais voir les gens dans le public, leur parler, leur poser des questions, mais ce n’est jamais de la provocation gratuite. Je pense donc que c’est un bon moyen de guérir sa peur des clowns. J’espère qu’il aura une petite fonction thérapeutique si je puis dire.

Un spectacle destiné aux adultes ou aux enfants ? Voire les deux ?

Il est destiné aux enfants accompagnés, on le déconseille aux moins de 10 ans. À la base, il n’a pas été conçu pour les enfants en bas âge car il y a plusieurs niveaux de lecture.

Quid de la prochaine thématique pour Typhus Bronx ?

Il y en a plein. Peut-être la répression policière, un grand thème d’actualité.

- Qui est Typhus… -

- Typhus, c’est celui qui plonge à l’intérieur de toi pour y mettre le Bronx.
- C’est l’éternel inadapté, l’impulsif, l’enfant fou au cœur qui déborde et à la naïveté inquiétante.
- Celui qui dit la vérité.
- Celui qui refuse les règles.
- Celui qui regarde le monde à l’envers.
- Celui qui te ressemble un peu, quelque part, bien au fond, mais que tu ne seras jamais. Parce que dans la vraie vie tu n’en as pas le droit.

Typhus Bronx « Trop près du mur », le 4 avril à Lucet Langenier, 20h, le 7 avril au Téat Champ Fleuri, 20h et les 11 et 12 avril à Lespas, 19h. Réservation conseillée

vw/www.ipreunion.com/[email protected]

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