Ce mercredi 24 août 2022, trois représentants des principales chambres consulaires de La Réunion étaient réunis au siège de la Chambre de commerce, pour tirer la sonnette d'alarme et unir leur voix face à une délibération adoptée par le gouvernement, qui prévoit une baisse de 10% du niveau de prise en charge de l'apprentissage d'ici 2023. Une baisse qui inquiète les chambres consulaires réunionnaises, qui la considère comme "une incohérence" de la part du gouvernement. (photos : rb/www.ipreunion.com)
Pour rappel, le 30 juin 2022, France compétences, l’organisation gouvernementale de régulation et de financement de l’apprentissage, a annoncé une baisse moyenne de l’ordre de 10% des niveaux de prise en charge de l’accompagnement d’un apprenti. Les représentant des trois chambres réunis ce mercredi à Saint-Denis sont unanimes, "une telle décision impactera la qualité de la formation et ajoutera une nouvelle difficulté aux secteurs souffrant déjà de pénurie de compétences."
Pierrick Robert, président de la CCI (Chambre de commerce et d'industrie) de La Réunion, ne comprend pas ce "coup de rabot", porté par un gouvernement, qui avait pourtant pris "des mesures sans précédent en faveur de l'apprentissage afin que le coût d'un apprenti soit quasiment nul pour les entreprises la première année."
Le nombre d'apprentis formés dans les centres de formation des CCI est passé de 1.118 à plus de 1.700 en deux ans, et le taux d'insertion dans les six mois après un cursus de formation en apprentissage s'élève à plus de 75%, selon les chiffres de la Chambre. Des résultats que le président de la CCI qualifie de "très bons", et qui sont "en grande partie attribuable au dispositif en faveur de l'apprentissage mis en place par le gouvernement."
Ce "retour sur investissement devrait encourager le gouvernement à poursuivre sur cette voie" explique Pierrick Robert, "en s'adaptant aux besoins spécifiques du territoire réunionnais sur lequel près de 30% des 15-29 ans ne travaillent pas, plus du double du territoire national". Selon lui, cette baisse de 10%, qui se décompose en deux étapes (une première baisse de 5% le 1er septembre 2022, suivi d'une seconde baisse de 5% le 1er avril 2023), aggravera le taux de chômage des jeunes, mais affaiblira également l'activité économique dans l'île, en particulier de certaines filières, comme l'hôtellerie ou la restauration. Ecoutez Pierrick Robert :
Bernard Picardo, le directeur de la CMAR (Chambre des métiers et de l'artisanat de la Réunion), insiste sur l'importance de bien former les apprentis à La Réunion, qui ensuite "serviront le territoire et les entreprises". Il affirme "qu'un euro investi en faveur de l'apprentissage rapporte en moyenne 1,25 euro à La Réunion".
Selon lui, l'artisanat représente 50.000 emplois à La Réunion, mais l'intégralité des secteurs sont en recherche permanente de main d'œuvre. Une réalité de laquelle résulte la nécessité de renforcer l'apprentissage à La Réunion. Comme le président de la CCI, lui aussi a observé une réelle amélioration de l'apprentissage ces dernières années. "Une dynamique qu'il serait dommage de freiner par cette baisse programmée du niveau de prise en charge de l'apprentissage" affirme-t-il. Ecoutez Bernard Picardo :
Comme les autres chambres consulaires, la Chambre d'agriculture peut aussi se satisfaire d'un accroissement de l'apprentissage. Olivier Fontaine, secrétaire général au bureau de Chambre d'agriculture de La Réunion, voit à travers cette baisse de 10% des "coûts contrats" d'apprentissage un "mauvais signal" envoyé par le gouvernement.
Selon lui, cette délibération va à l'encontre de la nécessité actuelle d'augmenter la production locale. Une nécessité souvent prônée par le gouvernement, mais qui "nécessite davantage de main d'œuvre et par conséquent un renforcement de l'apprentissage" explique-t-il. Ecoutez Olivier Fontaine :
Les différents représentants des trois chambres réunis ce mercredi ont insisté sur certaines spécificités propres aux départements d'outre-mer, comme les difficultés et surcoûts nécessaires pour importer des matières premières. Ils ont soumis l'idée qu'une étude soit menée par France compétences pour proposer des ajustements propres aux territoires ultramarins en fonction de leurs besoins spécifiques.
Les cinq présidents des chambres consulaires d'outre-mer ont alerté le gouvernement à travers un courrier envoyé au ministre du Travail, Olivier Dussopt, dans lequel ils réclament l'annulation de la baisse des "coûts contrats" d'apprentissage pour les départements d'outre-mer, et au contraire une majoration "pour pouvoir continuer sur cette voie positive". Les représentants des chambres consulaires réunis ce matin se disent "confiants quant au fait que l'Etat sera à l'écoute de leurs doléances".
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