En ce mois d’octobre, les fraises sont à l’honneur sur les étals des marchés de La Réunion. Si nous sommes en plein pic de production, la récolte de cette année est moins importante que l’année précédente. Cela pourrait bien être la même chose pour d’autres fruits péi très attendus en cette fin d’année, les mangues, les letchis en l'occurrence. En cause : la météo, l’importation ou encore le coût de la main d’œuvre. (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)
"La saison des fraises est en retard cette année", lance Eric Lucas, responsable de la diversification végétale à la Chambre d’agriculture. La saison de ces fruits rouges s’étend entre le mois de mai et le mois de décembre pour une récolte entre juin et décembre. Son pic de production est atteint entre octobre et novembre.
En ce moment, les variétés de fraises disponibles à la vente sont essentiellement les rubygem caractérisées par des courbes régulières et une bonne qualité gustative, la camarosa avec une apparence plus grossière, les san andreas ou encore les fraisiers mottes directement plantés et produites à La Réunion. Les lieux de productions se situent dans les hauteurs de l’île, notamment à Mont Vert, Salazie, Le Tampon, Beaumont à Sainte-Marie, voire même Cilaos.
Dans le Département, 300 tonnes de fraises ont déjà été récoltées. "On estime qu'il reste encore 300 autres tonnes à récolter", explique Eric Lucas. Soit au total 600 tonnes de fraises pour 2022. A titre de comparaison, en 2021, 650 à 700 tonnes de fraises avaient été cueillies. Comme l’illustrent les chiffres communiqués par la Chambre d’agriculture, la production diminue depuis 2020. Des résultats loin de l’année 2019, la plus importante en cinq an pour la production de fraises. Regardez :

Cette baisse est due à plusieurs facteurs. « Le plus gros problème a été l’approvisionnement en plants de fraises pour l’île », argumente Eric Lucas. En effet, comme l’appuie le responsable de la diversification végétale à la chambre verte, « 300.000 plants - en grande partie de camarosa et rubygem - sont arrivés dans des containers frigo, depuis la métropole. Néanmoins pendant le voyage, il y a eu un mauvais respect de la chaîne du froid. La température est montée au-dessus des 30 degrés et cela a été constaté dès leur arrivée en mars. Nous avons des règles phytosanitaires à respecter et on ne peut pas mettre en terre des plants avec, qui sait, des bactéries ou des maladies », rapporte le responsable de la diversification végétale à la Chambre d'agriculture de La Réunion. Ainsi, le producteur n’a donc pas pu se fournir suffisamment en plant pour avoir une bonne production pour 2022.
De plus, le retard de production s’explique également par le froid dans les hauteurs de l’île, là où les fraises sont cultivées la plupart du temps. Les fruits ont donc poussé moins vite que les autres années
Autre facteur impactant la production de fraises : le prix des plants. « Ils coûtent aujourd’hui 33 centimes l’unité contre 18 à 20 centimes avant la crise économique et les problèmes liés au fret maritime... Ce qui représente un coût important pour l’agriculteur, lorsqu’il en commande un grand nombre », poursuit Eric Lucas. Néanmoins, ce dernier affirme que La Réunion peut produire et développée la filière des fraisiers mottes, « bien qu’il est nécessaire d’attendre 7 à 8 mois avant de voir les premiers fruits de ces types de plants ». Cela permettrait d’avoir des fraises entièrement locales. A l’inverse des 2-3 mois de plantation nécessaire pour les camarosas et rubygem. Par ailleurs, un autre élément non négligeable qui peut expliquer non seulement le retard mais aussi le prix des fraises : la main d’œuvre. « Il faut suffisamment de personnes pour à la fois ramasser, récolter, mettre en barquette et livrer », dit-il.
L’offre ne suit cependant pas la demande. « Il faut pouvoir répondre à la fois aux professionnels et aux particuliers. Il est difficile de satisfaire tout le monde », déplore Eric Lucas. Ainsi, « le prix au kilo varie entre 10 et 13 euros contre 8 euros l’an dernier. Pour une barquette de 200-300 grammes, il faut compter entre 1,50 et 2,50 euros », affirme notre expert.
Un producteur et maraîcher de Trois-Bassins, Jacky Payet, témoigne sur sa perte de production pour cette année. « Avec la météo, j’ai dû renouveler toute une serre de mon exploitation. J’ai perdu une tonne de fraises. C’est 2 à 3.000 euros d’investissements qui sont perdus... », regrette-t-il. « La saison a redémarré pour nous depuis le début du mois d’octobre pour se terminer en décembre. Sur les deux serres que je possède, on doit pouvoir en récolter 600 kilos désormais. Notre prévisionnel pour cette année était à deux tonnes ».
- Les mangues et les letchis arrivent bientôt (ou presque) -
Si la production est moins importante cette année pour ces fruits rouges, les mangues péi, elles, ont plus ou moins une bonne fleuraison pour le moment selon les secteurs et vergers. Les fleurs sont sorties en temps et en heure, même si la saison est de plus en plus précoce depuis 2-3 ans. « Les terres sont aussi plus secs. Et à certains endroits on peut avoir des températures assez basses », démontre Eric Lucas. Une autre menace pèse aussi sur la production de mangue à La Réunion : la mouche. « Elles accompagnent souvent la saison des pluies. Lors des intempéries, le fruit mûrit rapidement et attire donc ces insectes. Même s’il y a une bonne fleuraison, on peut alors perdre jusqu’à la moitié de la production », prévient l'expert. La Chambre d’agriculture prévoit une production cette année de 4.000 tonnes entre le mois de novembre 2022 et mars 2023.
Pour Patrick Serveaux, producteur de mangue situé dans l'ouest, Josée, américaine, thaïlandaise ou encore carotte, « c’est une petite année pour la mangue ». Si l’exploitant agricole possède 3.000 pieds de mangues, il est difficile d’estimer les chiffres autour de la récolte cette année ; il sait déjà qu’elle sera au moins de moitié par rapport à 2021 ; il avait alors récolté une centaine de mangues. Il précise également que les première mangues devraient sortir de son champ d’ici le 20 octobre. Sur les marchés, les prix au kilos sont compris entre 2 et 18 euros voire même 21 euros pour les toutes premières.
Si la mangue est l’un des fruits préférés des consommateurs à La Réunion, comme le dit Patrick Serveaux, le letchi est la star des fêtes de fin d'année. « Pour l’instant on est plutôt bien parti pour la saison des letchis. Le gros de la production devrait arriver vers le 10 décembre », affirme Eric Lucas de son côté. A l’inverse de l’année dernière, les letchis ne sont pour le moment pas en avance, « en raison des pluies précoces », explique-t-il.
Si la récolte s’annonce pour le moment au beau fixe, le prix lui va être malgré tout revu à la hausse par rapport à 2021. En cause : la main d’œuvre, les investissements et les importations. « Beaucoup d’agriculteurs injectent de l'argent dans la main d’œuvre pour les letchis ; ils prennent des nacelles par exemple pour pouvoir les cueillir sur les pieds et l’augmentation du coût du Smic des travailleurs a aussi une conséquence sur le prix de vente ». Concernant les importations, cela concerne les sacs tressés, lé balo dit-on en créole. Leur coût a augmenté. Les « permettent de transporter jusqu’à 35 kilos de letchis. On les fait venir de Madagascar mais cela étant donné le prix du fret en ce moment…», défend Eric Lucas. Selon lui, le prix au kilo peut être affiché à 2 euros un peu avant la période de Noël, puis entre 5 et 10 euros, « tout dépend également des aléas climatiques ».
En 2021, environ 6.000 tonnes de letchis ont été récoltés. Et cette année, d’après les prévisions, on pourrait bien avoir près de 7.500 tonnes, « à condition qu’il pleuve régulièrement sans trop de grosses intempéries », conclut Eric Lucas, responsable de la diversification végétale à la Chambre d’agriculture.
Pour les amoureux des fraises, des mangues et des letchis, rassurez-vous, il y en aura, pour (presque) tout le monde et à tous les prix.
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