Les postiers en voie de disparition

Le facteur est passé par ici, et repassera par là... mais pas tous les jours

  • Publié le 18 janvier 2023 à 14:12
  • Actualisé le 18 janvier 2023 à 15:40

À compter du mois de mars 2023, La Poste va expérimenter la suppression de la tournée quotidienne des facteurs. Seuls les courriers urgents, colis presse ou recommandés seront distribués. Un dispositif qui sera d’abord expérimenté dans 68 territoires. Une adaptation au terrain pour La Poste, mais une première étape vers des suppressions de postes pour les syndicats. (Photo : sl/www.imazpress.com)

Du côté de la population, les avis sont divisés. Il y a ceux qui apprécient voir leur facteur passer chaque matin. « Moi j’aime bien voir mon facteur, comme ça on peut parler de tout et de rien. Vous savez je suis une petite gramoune et veuve, alors son passage c’est un peu ma rencontre de la journée », déclare Anne-Marie.

Marie-Thérèse connaît son facteur depuis des années. Pour elle, ne plus avoir le même postier chaque jour est difficile à avaler. « Je suis une personne âgée avec mes petites habitudes et même si je n’ai pas de courrier tous les jours, croiser et dire bonjour à mon facteur fait partie de mon quotidien », dit-elle.

Jean-Jacques lui, est assez remonté contre cette mesure. « On casse le lien social, on attaque les services publics, c’est honteux. ».

Mais il y a aussi les autres, ceux qui relativisent. « On ne reçoit pas grand-chose à part des factures alors s’il ne passe pas tous les jours ce n’est pas grave », souligne Christiane. Claude est du même avis. « Généralement dans ma boîte aux lettres j’ai que des publicités, alors qu’il passe ou pas tous les jours, je ne le vois même pas. »

Cette réorganisation de la distribution du courrier doit commencer par des expérimentations dans 68 zones dans toute la France dès le mois de mars.

- Une tournée différente tous les jours -

Après le timbre rouge, les Français ne verront plus passer le vélo ou la camionnette du facteur quotidiennement devant chez eux. Concrètement, les facteurs effectueront une tournée sur un secteur un jour, puis une nouvelle tournée sur un autre secteur le lendemain. Les courriers urgents comme les recommandés ou la presse resteront distribués chaque jour.

Si La Poste envisage d’arrêter les tournées quotidiennes, c’est pour « s’adapter au mieux aux évolutions sur le terrain ». « Nous livrions en 2000 plus de 18 milliards de lettres, nous n’en livrons plus que 7 milliards en 2022 », explique La Poste. « La Poste n’envisage pas de remettre en cause l’organisation du passage quotidien du facteur, 6 jours sur 7. »

« Notre modèle c’est un réseau postal de distribution multi activités qui nécessite le passage quotidien du facteur dès lors qu’un produit est à distribuer », ajoute La Poste. « C’est à la fois le gage de qualité/satisfaction client, de différenciation par rapport à nos concurrents, de lien social, de gains environnementaux (on passe 1 fois) et économiques. »

« L’organisation des tournées sera maintenue avec un facteur qui connaît ses clients et son parcours. C’est pour La Poste un gage de lien social », conclut La Poste.

Un avis qui n’est pas partagé par les syndicats, qui voient dans ce nouveau dispositif, un moyen supplémentaire de réduire, à terme, le nombre de facteurs.

- Vers la fin des facteurs... et du lien social -

Les syndicats s’inquiètent de ces expérimentations et y voient une manœuvre qui viserait, dans un second temps, à réduire le nombre de facteurs.

« La Poste veut optimiser la tournée des facteurs selon ses produits », s’insurge Bruno Aporchat de Sud-PTT Réunion. « Dans le détail, cela signifie que les facteurs effectueront une tournée définit un jour, puis une tournée différente le lendemain. » « L'objectif à termes c'est de supprimer des tournées, nous craignons une suppression de 30.000 emplois à terme, et une dégradation des conditions de travail », s’insurge le syndicaliste.

« Cela risque d’amener à des compressions de masse salariale », déplore Damien Leguay de la CFDT. « Si le facteur n’est plus partout tous les jours, on peut s’attendre à une compression de l’ordre de 15 à 40% des agents », ajoute-t-il. Toutefois, « la Poste ne fera pas de suppression de personnel », précise-t-il. « Ce seront plutôt des départs qui ne seront pas remplacés. ».

Outre la suppression d’emploi, plusieurs voix s'élèvent, déplorant la disparition d'un lien social. « On supprime le lien social que pouvait avoir le facteur avec les usagers, pourtant ce lien est très important à La Réunion notamment dans les zones rurales », se révolte Bruno Aporchat de Sud-PTT Réunion.

« On a des usagers sur le département qui attendent leurs facteurs tous les jours. Qu’est-ce qu’on va faire de ces usagers », déclare Loïc Désirée de la SG CGTR FAPT. « Nos valeurs nous c’est le lien social que cela soit dans des endroits retirés ou en ville mais malheureusement on n’aura plus cela. »

Malheureusement, « le contact quotidien n’est pas le fonds de commerce de l’entreprise », déclare Damien Leguay. « Le temps de contact et parler avec les personnes isolées c’est de la perte d’argent, on n’est pas rentable pour La Poste. » Pour préserver le lien social, un outil existe du côté de La Poste, le dispositif « Veiller sur mes parents ». Cependant, c’est payant. « Le facteur qui passe comme dans le film Bienvenu chez les Cht’is, c’est terminé, La Poste ne peut plus se le permettre », note la CFDT. « Dans chaque geste, chaque action, tout est chronométré. » Pour un courrier recommandé, le postier n’a qu’une minute et 30 secondes pour le distribuer. « On n’a plus ce temps de proximité et de contact qu’on avait auparavant. Avec la nouvelle organisation La Poste cherche à optimiser encore et encore le rendement de ses salariés. »

On est d’ailleurs bien loin de la proximité vantée par La Poste dans sa dernière publicité. « Ça existe toujours, mais il faut payer », souligne Damien Leguay.

Toutefois, Damien Leguay de la CFDT relativise sur une chose. « Sur un sujet bouillant comme cela, on est content de ne pas avoir l’expérimentation sur notre territoire comme ça ce sont eux qui payent les pots cassés. »

De là à imaginer l'abandon à plus ou moins long terme des tournées assurées quotidiennement, La Poste dément. « Le facteur continuera à passer quotidiennement, 6 jours sur 7, au domicile des Français pour leur distribuer les lettres, les colis, les journaux et magazines, et rendre les services de proximité comme le portage de repas ou de médicaments. » La Poste rappelle par ailleurs que « la distribution 6 jours sur 7 est inscrite dans la Loi ». Il s'agit en effet de « l'une des quatre missions de service public qui nous sont imposées par l'État. ».

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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