Madame la Ministre, vous serez en visite officielle à La Réunion à partir de ce mercredi 14 décembre. Cependant, l’examen du projet de loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables, sujet primordial pour la sécurité énergétique de notre territoire non interconnecté, ne me permettra pas de vous accompagner dans ma circonscription de Saint-Denis.
Je salue l’organisation d’une visite de terrain qui vous permettra, je l’espère, de mieux appréhender les réalités réunionnaises en matière de prise en charge du handicap. Si cette compétence est en partie dévolue au Département en ce qui concerne les politiques d’hébergement et d’insertion sociale, la gestion de la Prestation de Compensation du Handicap et l’organisation des Maisons Départementales des Personnes Handicapées, le rôle de l’État reste prépondérant en matière d’ouverture d’établissements spécialisés.
En effet, les alertes sont nombreuses, notamment de la part de la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées de La Réunion (CDAPH). En 2020, elle a répondu aux demandes de plus 21 000 personnes en situation de handicap. Plus de 4 600 orientations en établissement ou service médico-social ont été accordées.
Pourtant, les membres associatifs de la CDAPH ont constaté que ces orientations n’étaient pas suivies d’effet du fait d’un manque structurel de places dans notre département. Les ouvertures de places programmées par l’Agence Régionale de Santé se comptent à quelques dizaines alors que nous aurions besoin de plusieurs milliers de solutions pérennes.
Pour les adultes par exemple, le moratoire du gouvernement sur les Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT) empêche la création de nouvelles places alors que 58% des demandes d'ESAT ne sont pas satisfaites. Des moyens adaptés sont donc indispensables.
Comme j’ai pu le rappeler lors de l’examen du dernier Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale, si l’organisation de la santé mentale s’améliore sur le territoire national, il semble subsister des difficultés budgétaires pour les établissements situés dans des zones rurales, de montagne ou en Outre-mer.
Le financement des établissements de santé doit donc prendre en compte la situation particulière de ces régions. Par exemple, à La Réunion, l’Observatoire Régional de Santé souligne d’une part « Une surmortalité régionale pour troubles mentaux et du comportement par rapport à la France hexagonale. Sur la période 2013-2015, les
indices comparatifs de mortalité placent La Réunion au 1er rang des régions françaises concernées par les décès avec pour cause les troubles mentaux. La surmortalité observée est de 23 % comparativement à la moyenne française, mortalité principalement due à des troubles liés à la consommation d’alcool chez les hommes ».
D’autre part, le taux d’équipement en psychiatrie adulte est moins élevé que les références nationales (0,6 lits en hospitalisation complète contre 1 pour 1 000 habitants de 16 ans et plus en France hexagonale). Nous connaissons ainsi un taux d’équipement en hospitalisation complète moitié moins élevé qu’au niveau national.
Si l’organisation territoriale du système de santé mentale paraît être le bon échelon, la présence insuffisante d’équipements et l’absence d’établissements dédiés à la santé mentale à proximité peut accroître les difficultés des territoires isolés.
Si le plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026 prévoit des investissements à La Réunion, rien ne garantit que les dotations permettront de répondre aux besoins. Nous vous avions donc proposé de prendre en compte des situations particulières pour la répartition des dotations.
Par ailleurs, je souhaite attirer en particulier votre attention sur les conséquences de la consommation abusive d’alcool à La Réunion. La séquence consacrée au Syndrome d’Alcoolisation Fœtale autour de la visite des Centres d'Action Médico-Sociale Précoce de la Fondation Père Favron et de l’IRSAM, puis la table ronde dédiée à la présentation du dispositif de dépistage et diagnostic des Troubles Causés par l'Alcoolisation Fœtale permettra d’illustrer l’impact de cette consommation sur nos familles. La Réunion est en effet le territoire français le plus touché.
Face à ce fléau, nous pouvons mener une politique de prévention plus ambitieuse et plus contraignante face à un affaiblissement des politiques publiques contre la consommation abusive d’alcool.
Je vous joins donc mon courrier adressé le 26 octobre 2022 à monsieur Jérôme FILIPPINI, préfet de La Réunion et sa réponse en date du 21 novembre 2022. Je compte sur votre plein soutien pour permettre au territoire réunionnais de mener efficacement le combat contre la consommation abusive d’alcool qui détruit et engendre des conséquences irréversibles pour de nombreuses familles.
Madame la Ministre, notre territoire doit aussi pouvoir offrir aux personnes en situation de handicap et à leurs familles les meilleures conditions de vie. C’est cette ambition que je souhaite partager avec vous afin que l’État accompagne La Réunion à la hauteur des défis auxquels nous faisons face.
Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.
Philippe Naillet
Copie à : Monsieur Jérôme Filippini , Préfet de La Réunion et à Monsieur Cyrille Melchior, Président du Conseil départemental de La Réunion