Tension maximale

À La Réunion, les prisons surpeuplées bouillonnent comme des cocottes-minute

  • Publié le 26 mai 2023 à 14:04
  • Actualisé le 7 juin 2023 à 16:16

Le jeudi 11 mai 2023, la contrôleuse générale des prisons, a publié un rapport alarmant sur l'état des centres de détention en France, arguant d'une "nette aggravation de la surpopulation carcérale" dans tous les établissements. Ce rapport confirme les chiffres records atteints au 1er avril 2023, faisant état de 73.000 détenus. Il y a six mois, nous faisions déjà l'état de cette surpopulation dans les prisons de La Réunion. Depuis, alors que l'État affirme avoir alloué 140 millions sur cinq ans pour les établissements de l'île, rien n'a changé. Résultat : les prisons bouillonnent comme des cocottes-minutes, note un surveillant pénitentiaire (Photo : www.imazpress.com)

"Il n'y a eu aucune avancée", déplore Vincent Pardoux, secrétaire départemental du syndicat FO pénitentiaire. "Il y a des travaux gigantesques sur la maison d'arrêt de Saint-Pierre, mais c'est pour moi un pansement sur une jambe de bois", dit-il.

"On se rend bien compte que l'Outre-mer n'est pas la priorité du ministère de la Justice", indique Vincent Pardoux. "On a des ministres qui viennent, des parlementaires (très peu), mais on n'est pas écouté, on ne nous entend pas", s'indigne-t-il. "Cela fait 15 ans que je suis à La Réunion et je ne vois pas d'évolution, au contraire, c'est pire", note le syndicaliste.

- Des plus en plus de détenus et de moins en moins de places -

Montée en tension, surpopulation, baisses d'effectifs… les conditions sont totalement dégradées. À La Réunion, selon les chiffres de FO, "on est aux alentours de 120% de surpopulation". Toutefois, Vincent Pardoux nuance son propos en disant que "ce ne sont que des chiffres et les chiffres on leur fait dire ce que l'on veut".

"On va vous expliquer que sur Saint-Denis on est à 120%, mais 120% que sur les bâtiments principaux de détention qui sont les quartiers adultes. Le quartier mineur, moins garni, fait baisser les chiffres. Et quand l'on montre cela au ministère il nous répond que nos statistiques sont moins importantes".

"Mais la réalité c'est que le poumon de l'établissement de Saint-Denis est à ras bord, à saturation avec même des matelas au sol pour pouvoir accueillir les détenus", souligne le secrétaire départemental de FO pénitentiaire. "À Saint-Denis, on absorbe toutes sortes de peines : des attentes de jugement, des courtes peines ou alors des gens qui doivent passer aux assises pour des faits violents", expliquait-il à l'époque.

Des conditions qu'ont d'ailleurs dénoncé les agents pénitentiaires du Port en début de semaine en faisant grève. Un centre pénitentiaire qui frôle le 100% de remplissage. "Des agents en moins, trois personnes par cellules, voyez-ce que ça donne comme bombe", soulignait Roger Bénard, représentant local de FO pénitentiaire à la prison du Port. Regardez

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- Des centres pénitentiaires sous tension -

Une surpopulation carcérale et des conditions dégradées qui font des agents pénitenciers les cibles d'agressions verbales comme physiques.

"La population carcérale a changé et les détenus deviennent de plus en plus difficiles", alerte Vincent Pardoux.

Une situation rendue d'autant plus difficile que le centre de détention du Port, seule prison de l'île pouvant accueillir des détenus condamnés de deux ans de prison, voit désormais dans ses lieux, des prisonniers venus de Mayotte.

"Avant c'était tous les mois maintenant c'est deux toutes les semaines." "Avant c'était tous les mois maintenant c'est deux toutes les semaines. "À l'intérieur, c'est une cocotte-minute qui bout et qui met en danger la vie des personnels", ajoute le secrétaire local de la prison du Port.

Jean-Hugues Ratenon a d'ailleurs réagit, indiquant : "L’état ne doit pas jouer avec la sécurité". "La cohabitation entre les détenus Mahorais et Réunionnais deviendraient de plus en plus difficile et on me rapporte des tensions qui ont déjà éclaté", dit-il.

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- Du personnel en moins… -

"Cela fait des mois qu'on dénonce le ras-le-bol et les rappels incessants", s'insurge Roger Bénard de la prison du Port. Des rappels qui, selon lui, sont la conséquence directe du manque d'effectifs au sein de l'administration pénitentiaire.

Pour pallier cela, l'administration pénitentiaire communique fortement pour recruter. "Mais ils oublient de dire que les collègues recrutés iront en métropole", souligne Vincent Pardoux.

L'administration et surtout les syndicats espèrent que des mesures seront prises rapidement. "Si rien ne bouge, il y aura un mouvement d'ampleur nationale de l'ensemble de FO justice", annonce le représentant syndical.

"On doit avoir une vraie reconnaissance pour ces personnels qui sont la troisième force publique de notre été", conclut-il.

- Les Outre-mer se sentent oubliés -

La surpopulation carcérale et l'état discutable des prisons à La Réunion ne date pas d'hier. Pourtant, selon les syndicats et agents pénitentiaires… rien n'est fait ou très peu face à une situation tendue.

De son côté, le Ministère de la justice tend à minimiser la situation ou plutôt à estimer qu'à La Réunion, les prisons ne sont pas les plus mal loties. "Si on fait un comparatif, on est ici largement inférieur à la moyenne nationale. Le Port est à 96% de taux d'occupation (soit 488 détenus pour 507 places, Domenjod à 120% (670 personnes écrouées pour 558 places) et la maison de Saint-Pierre à 98% seulement (112 détenus pour 114 places)." "Peu de maisons d'arrêt sont en-dessous de 100%, la moyenne hexagonale est à 133%", explique la Chancellerie.

La Chancellerie qui ajoute d'ailleurs que La Réunion est l'un des seuls départements d'Outre-mer a bénéficié de trois établissements, "ce qui est atypique". Un département où tout est mis en œuvre pour insérer les détenus. "Il y a des activités, des entreprises qui viennent travailler, des tremplins vers l'insertion et des enseignants qui viennent faire cours", détaille le ministère.

Pourtant, pas de quoi se réjouir face à des effectifs en moins et des détenus plus virulents. Les syndicats s'estiment eux "oubliés du ministère", lance Vincent Pardoux, secrétaire départemental de FO pénitentiaire.

"La Réunion est loin d'être oubliée", affirme la Chancellerie interrogée par Imaz Press. "C'est le premier département à avoir bénéficié de la procédure pénale numérique, le premier département à avoir expérimenté une délégation territoriale de l'administration pénitentiaire."

"Des stages de réinsertion et des stages sur les violences conjugales et la sécurité routière" ont été également mis en place, dit la Chancellerie.

Reste l'état des structures et les effectifs. "Au Port, une restructuration a été faite", indique le ministère de la justice. "Il y a eu une restructuration de quartier bas, un réaménagement des parloirs et la création d'un bâtiment supplémentaire pour le quartier haut."

Concernant les effectifs, la Chancellerie précise que "La Réunion bénéficie d'embauches". Elle est d'ailleurs la région la plus demandée où "le taux de couverture est de 96%". De plus, l'administration a pris des mesures à destination des surveillants "avec un passage e, catégorie B pour les agents et un passage en catégorie A pour les officiers". "On prend en considération leur travail."

Éric Dupont-Moretti, garde des Sceaux, a lui annoncé la "création de 15.000 places supplémentaires dans les prisons françaises d'ici à la fin du quinquennat." "Dix nouveaux établissements pénitentiaires ouvriront leurs portes d'ici la fin de l'année. La moitié sera opérationnelle en 2024", a affirmé le garde des Sceaux dans un entretien publié ce mercredi dans le journal 20 Minutes .

Effectifs, état des prisons, taux d'occupation…, une situation "où la Réunion est en meilleure position que les autres départements". Pourtant, le ressenti des agents n'est pas du tout le même.

ma.m/www.imazpress.com/[email protected]

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