Téat plein air

Tine Poppy décomplexée et sans filtre

  • Publié le 26 avril 2023 à 02:57

Tantôt sensibles, tantôt piquantes, mais toujours empreintes de désinvolture, les chansons de Tine Poppy sont cousues d’astuce et de poésie. Pour marquer la sortie de « Séguèss », son premier album, elle s’offre la mythique scène du téat plein air ce samedi soir, avant le Bisik le 19 mai prochain. Rencontre avec une artiste décomplexée au grand cœur (Photos d'illustration).  

Après un format cabaret pensé pour la scène et une collaboration symphonique avec l’Orchestre de La Région Réunion, Tine Poppy, dans nos vies depuis dix ans, revient à l’essentiel : la musique et les mots, dans un disque qui poursuit son excitante réinvention de l’esprit du séga et des musiques populaires de La Réunion. Décomplexée comme jamais, elle explore avec « Séguess » des formats pop lorgnant vers les sons urbains inspirés du dancehall qui dominent actuellement la youtubie 974. Tantôt sensibles, tantôt piquantes, toujours un brin désinvoltes, ses chansons glissent avec élégance sur ces rythmes ternaires électroniques réchauffés par des cuivres d’orchestre ou le grésillement d’un gramophone. Passé, présent, futur… Tine Poppy conjugue comme personne la nostalgie créole !
 
Peux-tu nous présenter ton spectacle ainsi que ton album ?

Ce spectacle en coproduction avec les Téats s'appelle « Séguèss », qui est également le nom de mon premier album physique qui sortira samedi en versions CD et vinyle et qui comporte une douzaine de titres. À l’image de l'album, mon spectacle, construit sous forme de chronologie inversée, débute par les titres plus récents pour aller vers les plus anciens mais ce ne sera pas pour autant, un copié-collé de l'album. C'est un peu paradoxal car souvent la sortie d’un album annonce une tournée alors que pour moi il vient boucler une page. Je souhaitais aussi faire cet album, parce que je n’avais jamais vraiment enregistré de physique, et qu’à mon sens, il résume parfaitement tout ce que j’ai fait ces 7 dernières années.
 
Pourquoi « Séguèss » ?

Tout simplement parce que j'aime bien remettre au goût du jour des choses ou des mots oubliés. « Séguèss » c'est de l'argot dans du créole ou du créole dans le créole. C’est un mot qui désigne une fille qui qui en impose toujours, un peu chipèk, difficile de caractère mais au grand cœur et surtout décomplexée. Et puis j’ai toujours été dans cette énergie de ne pas trop me fixer de limites, de ne pas m’enfermer dans des cases, d’être toujours sincère, un brin provocatrice en larguant un foutan mais toujours au second degré.
 
Sans trop en dévoiler, s’agira-t-il d’un concert ou d’un show ?

J'ai toujours défendu l'univers du spectacle vivant et j'ai toujours aimé faire du costume, de la scénographie, raconter une histoire. Je ne sais pas faire de live. Mais samedi je vais faire que je sais faire de mieux.
 
L’album et le spectacle viennent conclure un chapitre qui a duré 7 ans. Comment envisages-tu la suite ?

Je ne sais pas et je n'ai même pas envie d'y réfléchir et si j'étais Carpe Diem, ça serait merveilleux. Je suis une mère de famille, je suis anxieuse, j'ai peur de l'avenir. Mais avant tout, je m'offre l'opportunité dans ma carrière artistique de faire les choses comme je peux les faire. C'est aussi une question de moyens car je suis en auto-production et même si ce n’est pas facile, je me sens mieux sans plan de carrière.

Je vis les choses telles qu'elles m'arrivent tout simplement et si derrière, ça déclenche quelque chose, alléluia ! Dans le cas contraire, je ne serai pas déçue parce que dans tout ce que je fais, qu’il y ait quelque chose après ou pas, je donne tout de moi. Je n'attends pas les choses, je continue juste mon parcours. Pour l’instant, il n’y a que 2 dates, pour la suite, on verra bien. J'espère simplement que les gens viendront samedi et que certains auront envie de me programmer !
 
On dit de toi que tu réinventes le séga. Es-tu d'accord avec ça ?

En tant qu’artiste autodidacte, je fais les choses telles qu’elles me viennent sans être dans une quelconque posture. Et ce serait prétentieux de dire que je réinvente le séga. En réalité, je dirais en toute modestie que je réinvente l’esprit du séga en ce sens où j’aime parler de notre quotidien, de notre fond de cour et sur des choses rythmées. Ayant grandi au Port, je dis souvent que je fais de la sono portoise parce que quand j’tais gamine, il y avait toujours un voisin avec une sono dans l’auto. Tout ça m'a construit alors peut-être que mi creuse ma tête un peu différemment et que c'est de la réinvention, mi koné pa !
 
En tant qu’artiste féminine, quel regard portes-tu sur la l'évolution de la femme réunionnaise ?

Je pense que les femmes réunionnaises ont toujours été des combattantes, des militantes, des femmes fortes très dignes et elles sont toutes inspirantes. Moi j'aime les femmes politiques très fortes comme l’avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne Gisèle Halimi ou la philosophe Simone de Beauvoir. Et dans mon quotidien, les femmes réunionnaises sont très inspirantes, parce qu’elles tiennent et portent les familles, tout en restant toujours très dignes même si malheureusement, certaines ont un parcours plus douloureux. De manière générale, La Réunion est une terre de modernité et se serait bien qu'on en prenne davantage conscience.
 
Dans l'histoire que tu vas raconter samedi, tu évoques justement la femme réunionnaise, sa place dans la société…

Je milite forcément pour ma communauté et je me suis autoproclamée porte-parole « Séguèss ». Ce ne sera pas un meeting politique (rires) mais je vais à la fois combattre et me moquer. Et pour moi, la meilleure façon de combattre c'est d’avoir toujours un peu d'humour.
 
On imagine que pour ce show tu t’es entourée de toute une équipe…

En effet, le spectacle va durer 1h10. J’ai confectionné moi-même les costumes, la scénographie est signée My Naturel, les textes ont été retravaillés avec Sergio Grondin et le live est réalisé par Matteo Técher. Sans oublier mon équipe de supers musiciens. En gros, ce sera un spectacle sans prise de tête qui transpirera tout sauf l'humilité (rires) et il y aura même un titre en français qui s'appelle « Rendez-vous avec moi ». Et si à la fin, nous gagn’fé un ti kabar, sera enkor mieux !

- Bio express -

Tine Poppy, de son vrai nom Caroline Maillot, c’est plus qu’une artiste, c’est une signature. Originaire du Port, elle quitte La Réunion à 17 ans pour intégrer un sport-études à l’Institut National du Sport. Sa vie se partage alors entre entraînements, compétitions et cours à l’école de journalisme.

A la fin de sa carrière de haut niveau, toute occupée à poursuivre ses études en science politique, elle s’inscrit par hasard à un stage de chant et ce n’est que quelques années plus tard, quand elle pose à nouveau ses valises à La Réunion, qu’un ami lui conseille de persévérer et notamment d’apprendre la guitare. Ce conseil prend la forme de premières compositions, puis de maquettes. C’est en mariant Gala, la chanteuse dance mythique des années 90, à Danyel Waro, la figure emblématique du maloya, qu’elle s’est fait connaître sur une cover improbable de Free from desire.

En 2014, elle fait son tout premier concert. A peine deux mois plus tard, la chanteuse fait la première partie de l’artiste internationale Sandra Nkaké. Vocation tardive mais ascension fulgurante. Derrière une apparente légèreté et des mélodies ensoleillées, se dessinent des textes profonds et militants ciselés dans les plus belles sonorités de la langue créole.

Styliste dans la vie, elle a su créer à la scène un univers bien à elle qui mêle musique et stand’up, fédérer des musiciens qui comptent parmi les meilleurs de l’île et séduire très tôt un public à la recherche de nouvelles sonorités. Elle a remporté le prix des Voix de l’Océan Indien dans la catégorie meilleur artiste pop rock electro reggae. Elle fait salle comble dans les salles de l’île et a été choisie pour assurer les premières parties de Vanessa Paradis, lors d’une tournée réunionnaise en octobre 2019.

Tine Poppy, « Séguèss », samedi 29 avril au TPA, 20h et le 19 mai au Bisik, 20 h

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