Une exposition se tiendra en octobre

Un projet photographique pour raconter "la vie avec une maladie chronique"

  • Publié le 21 août 2022 à 13:00
  • Actualisé le 25 août 2022 à 12:13

L'association réunionnaise Asetis travaille depuis plusieurs mois avec l'artiste plasticienne Marie Manecy, sur le projet photographique "chronique en soi". Ce projet prend la forme d'un journal photographique en ligne sur le thème "vivre avec une maladie chronique", avec pour objectif de travailler l'impact de la maladie chronique chez les personnes concernées, et de lever le voile sur beaucoup d'incompréhensions de la part du grand public face à ce type de maladie (Photo : Chronique en soi)

- Un projet photographique artistique -

Asetis est une association réunionnaise basée à Saint-Pierre, qui accompagne au quotidien les personnes porteuses d'une maladie chronique (maladie de longue durée avec un retentissement sur la vie quotidienne) comme le cancer ou le Sida.

L'association a répondu à un appel à projet lancé conjointement par l'ARS (Agence régionale de santé) et la Dac (Direction des affaires culturelles), elle a ainsi créé le projet "chronique en soi". Ce projet "met en lien la pratique artistique photographique, avec une réflexivité autobiographique écrite ou orale", dans le cadre d’un atelier de co-création d'un journal en ligne sur le thème "vivre avec une maladie chronique".

Un groupe de cinq personnes porteuses d'une maladie chronique, que reçoit l'association, ainsi qu'une aidante, sont acteurs de ce projet. "Le projet vise à travailler l’impact de la maladie chronique chez les personnes, qui font état de beaucoup d’incompréhensions" explique Maryse Picard, directrice de l'association Asetis.

Chacune des six personnes qui participent au projet a pris, depuis le mois de février 2022, plusieurs photos d'un objet, d'un paysage, d'un proche ou encore d'elle-même. Chaque photo doit symboliser d'une manière ou d'une autre une facette de leur vie en tant que personne porteuse d'une maladie chronique. Après avoir collectivement sélectionné cent photos parmi toutes celles qu'ils ont prises, les différents participants ont accompagné chaque photo retenue d'une légende, afin de lui donner un sens et de "raconter une histoire" qui représente leur vécu. Depuis mi-juillet 2022, et ce, jusque fin octobre, chaque jour, une photo légendée de l'un des six participants est publiée sur les pages Facebook et Instagram "chronique en soi".

Selon Maryse Picard, ce projet a été déclencheur d'une libération pour les différents participants "au début, sur les premières photos, les personnes malades n'écrivaient qu'une ou deux lignes pour illustrer leurs photos, puis au fur et à mesure du temps, elles ont commencé à s'ouvrir et à se confier dans les textes explicatifs. On peut constater une réelle évolution, beaucoup de ces personnes que l'on reçoit depuis longtemps étaient très renfermées sur elles-mêmes, ce projet photographique leur a permis de mettre des mots sur leurs douleurs, leur quotidien et leurs espoirs. Ce projet marque un épanouissement personnel pour elles".

La directrice d'Asetis garde en mémoire plusieurs exemples marquants, comme celle d'un monsieur qui a pris une photo floue penchée sur le côté, qui reflète le jour où il a appris qu'il était porteur d'un cancer des intestins, alors qu'il venait de parvenir à mettre fin à 20 ans d'alcoolisme, pour symboliser "le jour où la terre se dérobe sous ses pieds".

Elle parle aussi de la photo de cette main, représentant l'importance du soutien de ses enfants pour une mère atteinte de la maladie.

- Un rôle d'éducation thérapeutique -

Pour mener à bien ce projet, l'association travaille conjointement avec Marie Mannecy, une artiste plasticienne, basée à la Réunion, qui travaille la thématique de l’identité et du mouvement en photographie. Parallèlement à sa création artistique propre, elle s’est formée à la photographie à visée thérapeutique et la pratique couramment, tant en individuel qu’en collectif, depuis plusieurs années, auprès d’un large public en milieu ordinaire, scolaire, en établissement pénitentiaire, en établissement de santé.

C'est elle qui a été chargée de mener un travail de réflexion avec les participants, quant aux photos qu'ils voulaient prendre et aux "récits" qu'ils avaient envie de raconter. C'est également elle qui leur a enseigné l'aspect technique de la photographie (utilisation du matériel). Selon elle, ce projet a permis de jouer un véritable rôle d'éducation thérapeutique auprès des participants, c'est-à-dire qu'il leur a permis de "devenir acteurs de leur santé et de se prendre en main".

"Le fait de se mettre à la photographie leur a permis de développer leur créativité, mais aussi de sortir, de rencontrer des gens, d'échanger, de marcher… une vraie alchimie de groupe s'est créée, et tous se sont pris d'une nouvelle passion pour la photographie. Ils se sont tous sentis très impliqués dans le projet, ils se sont mis en quête de récolter des dons pour le projet, ça les a forcés à aborder des gens, à leur parler de leur histoire. Tout cela leur a permis de se libérer et d'aller beaucoup mieux, certains d'entre eux ont repris le travail, pris un nouvel élan dans leur vie, mais surtout, ils ont pu rendre visible leur maladie" explique-t-elle

Elle aussi a pu observer l'évolution des participants au fur et à mesure du projet et la façon dont ils se sont libérés et ont pu s'ouvrir pour raconter les différentes étapes de leur histoire. Elle aussi a été particulièrement marquée par certains récits, en particulier celui d'un participant. Pour légender une photo d'un coucher de soleil en bord de mer, il a raconté une journée durant laquelle il a éprouvé une volonté de suicide, de laquelle il s'est rétracté au dernier moment :

"La zourné i fini, la nui i komans.
Band zoizeau i dor, silans la nui larivé.
Na d’moun i dor, na d’moun na doulèr I empès azot ferm lo zié
Mwin la passe 12 zour 12 nui san dormi
Lo voizin i entend a mwin kri ek doulèr
Mwin té telman mal ke mwin lavé anvi
Zet mon kor bor lamer."

L'artiste est satisfaite des résultats de ce projet, qui la conforte dans sa quête de "faciliter la diffusion de l'art et de la photographie auprès d'un public qui n'y a habituellement pas accès." Cette opération a pu se réaliser en partenariat avec le groupe Canon – CBL, qui a mis plusieurs appareils photo à disposition des participants. Marie Mannecy affirme que ces derniers ont désormais tellement pris l'habitude de les utiliser au quotidien qu'ils ne veulent plus les rendre.

Le 29 octobre 2022, une exposition se tiendra sur le front de mer de Saint-Pierre, en guise d'aboutissement du projet. Un "portrait identitaire" de chacun des six participants sera exposé en public, il aura vocation à représenter individuellement chacun d'entre eux, en symbolisant la manière dont il a vécu le projet et les bienfaits multifactoriels que celui-ci leur a apporté. Les six participants seront présents à l'occasion de cette journée pour parler du projet et de leurs histoires.

Vous pouvez suivre le "journal photographique en ligne" quotidiennement sur les pages Facebook et Instagram de "chronique en soi".

tr/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

 

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1 Commentaires
jc
jc
2 ans

Excellent ! Un texte qui invite à aller plus loin dans la connaissance et la compréhension de ces vies "empoisonnées". Et une très belle illustration des pouvoirs de l'Art .Bravo à tous les acteurs et merci,