Uruguay

Suarez, Cavani, les enfants de Salto et de l'"interior"

  • Publié le 4 juillet 2018 à 15:38
  • Actualisé le 4 juillet 2018 à 17:08

L'un jouera contre la France, l'autre peut-être pas, mais les deux sont, chacun dans leur style, des ambassadeurs de l'"interior" de l'Uruguay: Luis Suarez et Edinson Cavani font la fierté de la ville de 130.000 habitants qui les a vus naître, Salto, à la frontière argentine.

Combien de joueurs de foot parlent d'ornithologie dans une interview, revendiquent de faire des études d'agronomie, ou "likent" les publications du magazine National Geographic sur Instagram? Au mois un: Edinson Cavani. Dans le vestiaire cinq étoiles du PSG, l'Uruguayen détonne par son côté simple et proche de la nature.

Juste avant la préparation du Mondial, des photos le montrant affublé d'une veste camouflage, d'une casquette informe ou de pantoufles pelucheuses, assis sur une chaise en plastique après une partie de chasse sur ses terres uruguayennes, sont à des années lumières des clichés en mode "jet-set" de son coéquipier parisien Neymar. Et ont fait le bonheur des réseaux sociaux.

"Humilité, absence de starification"

Ainsi est "Edi", enfant de l'"interior", qui correspond peu ou prou à la "province" en France. "Quand tu viens de l'interior, tu as un rapport à la nature, à l'espace qui est complètement différent, et puis tu as aussi le goût de l'effort, selon Cavani", explique à l'AFP Romain Molina, auteur d'une biographie "Cavani, El Matador" (Hugo Sport éditions).

"Il a un rapport presque fusionnel avec la nature, il aime la pêche comme beaucoup en Amérique latine, et surtout dès qu'il a un moment il retourne chez lui, il a cet attachement complètement démesuré à Salto", poursuit-il. "Son côté interior, c'est cette humilité, cette absence de starification, cette façon de penser qu'il n'est rien sans les autres", complète Romain Grunstein.

Cet ancien intendant du PSG, converti au maté par Cavani au point d'avoir lancé une entreprise pour développer en France la consommation de la boisson préférée des Uruguayens, concède qu'"Edi" "connaît son talent, le niveau qu'il a, mais il sait qu'il doit rester humble, que ça fait partie de la culture de l'interior".

Suarez "aurait pu tourner gangster"

En revanche, difficile pour les aspirants footballeurs de trouver les opportunités de carrière ailleurs que dans la capitale uruguayenne. Pour espérer percer, il faut quitter Salto et la frontière de l'Argentine et rouler pendant six heures vers le sud-est. Ce fut le cas de Cavani, parti à 12 ans de sa ville natale pour grossir les rangs du Danubio, un des grands clubs de Montevideo. Il quittera ensuite l'Amérique du Sud pour Palerme et la Sicile en 2007, juste avant son 20e anniversaire.

C'est aussi le cas de Suarez, parti à Groningue, aux Pays-Bas, à 19 ans. Mais le parcours du "Pistolero" est différent: avec ses six frères et sa mère, il a quitté l'interior dès ses 7 ans, direction Montevideo où il "aurait pu tourner gangster", dixit Romain Molina. Lui "ne retourne pas vraiment à Salto, c'est à Montevideo qu'il a grandi". Cela n'empêche pas cette ville, célèbre pour ses fruits et ses eaux thermales, de revendiquer d'avoir donné naissance au "Pistolero": depuis juillet 2016, le Barcelonais né en janvier 1987, trois semaines avant "Edi", y a une statue à son effigie, tout sourire et ballon au pied, sur l'avenue principale.

"Merveille noire"

C'est que dans le coeur des fans de foot uruguayens, ses frasques ne valent pas grand chose par rapport à son dévouement pour le maillot de la Céleste, à sa réussite devant les buts et aussi à cette action restée célèbre, une main pour stopper un tir du Ghana qui a in fine permis à l'Uruguay de se qualifier pour les demi-finales du Mondial-2010.

Les deux hommes ne sont pas les seuls grands footballeurs à être nés à Salto: Jose Leandro Andrade, surnommé "la merveille noire" lors des Jeux olympiques de Paris en 1924 et à qui l'Uruguay doit trois des quatre étoiles qu'elle arbore sur son maillot (JO 1924 et 1928, Mondial-1930), y a aussi vu le jour en novembre 1901.
Et Romain Molina observe que "la plupart des internationaux viennent aussi de l'interior alors que tout le football professionnel est concentré à Montevideo". Mais à l'heure du football mondialisé, Salto peut se féliciter de compter parmi les stars du foot deux promoteurs aussi différents qu'efficaces de l'"interior", Cavani le dévoreur d'espaces et Suarez le redoutable "Pistolero".

- © 2018 AFP

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