Il va disputer un quart de finale de Coupe du monde contre l'Uruguay et pourtant, N'Golo Kanté est passé sous les radars de tous les clubs pro pendant son adolescence. C'est le modeste club de la JS Suresnes qui l'a formé, avant de l'ériger en emblème.
L'équipe première n'évolue qu'en Régional 4 (9e échelon), mais c'est pourtant là que celui qui est devenu l'un des meilleurs milieux de terrain au monde a tout appris.
Avec Adil Rami dont il est proche, Kanté est le seul parmi les 23 Bleus à ne pas être passé par le centre de formation d'un club professionnel. "N'Golo, il ne se montre pas, donc à une détection, il n'était pas visible", se rappelle Pierre Ville, dirigeant du club dans la banlieue ouest de Paris dont Kanté a porté les couleurs de 9 à 18 ans.
Dans le petit club-house en préfabriqué, il reçoit devant un maillot de l'équipe de France porté par Kanté contre la Suède et des coupures de presse à la gloire du milieu de terrain punaisées au mur.
Il se souvient des essais à Amiens, au Mans, à Rennes et à Sochaux, autant de clubs qui ne souhaitent pas lui donner sa chance. A chaque fois la même raison est invoquée: N'Golo et son 1,68 m est trop petit, quand son collègue du milieu de terrain Paul Pogba mesure par exemple 1,91 m. "Il n'avait rien de spectaculaire, reconnaît Pierre Ville, mais il dénotait car malgré sa petite taille il était sur tous les ballons".
Il faudra attendre sa majorité et un passage à Boulogne-sur-Mer, alors en National (3e division), pour que le monde professionnel s'intéresse à lui. Suivra un passage à Caen (2013-2015) avant l'envol vers l'Angleterre et la gloire à Leicester, où il décroche le titre en 2016, puis Chelsea.
- Modeste, voire effacé -
Baptiste Cousseau, responsable des équipes féminines du club, était capitaine de l'équipe première de Suresnes quand Kanté intégra l'effectif. "A 16 ans, pas beaucoup de monde n'aurait mis une pièce sur lui pour jouer un quart de finale de Coupe du monde avec la France", rigole-t-il, même s'il est à l'époque déjà très au-dessus de ses partenaires.
Toujours proche du joueur de Chelsea, Baptiste ne tarit pas d'éloges à son égard, surtout pour l'humilité qu'il affiche. "Il m'a invité avec un ami pour aller le voir jouer à Londres. A la fin du match, il a fait 1h15 de voiture pour nous conduire à l'aéroport. Ca, c'est N'Golo", raconte admiratif Baptiste.
Discret, modeste, voire effacé, Kanté détonne dans le football moderne. "C'est quelqu'un qui a un recul énorme vis-à-vis du star-système, insiste Pierre Ville, il reste comme il est alors qu'il est plongé dans un milieu assez excentrique".
Ses anciens partenaires en veulent pour preuve son choix de voiture, une petite citadine sobre, là où ses homologues en club ou en sélection préfèrent s'afficher avec des bolides tape-à-l'oeil.
- Fierté du club -
"Ce qui rend le club le plus fier, c'est vraiment sa personnalité qui n'a pas changé et c'est sur ça que moi, en tant qu'éducateur, j'insiste beaucoup auprès des jeunes", explique Mehdi Ariano, ancien coéquipier de Kanté et aujourd'hui éducateur à la JS Suresnes.
A l'instar de son enfant prodige et malgré sa nouvelle notoriété, le club n'entend pas changer de philosophie: "Nous sommes un club assez réservé, précise amusé Sylvain Porthault, le président. On reste à notre place". "On travaille avant tout pour que les enfants s'épanouissent dans leur sport", assure Baptiste Cousseau, qui comme ses collègues, ne fait pas de la formation de champion une priorité.
Cette soudaine exposition, outre d'importantes indemnités de formation perçues en 2015 lors du transfert de Kanté de Caen vers Leicester, a aussi ouvert des portes inattendues pour les jeunes du club. Neuf d'entre eux ont été invités à visionner le match contre l'Uruguay avec Emmanuel Macron vendredi à l'Elysée.
- © 2018 AFP