Tribune libre de Georges Donald Potola

Lettre à mon frère immigré

  • Publié le 23 décembre 2023 à 09:19
  • Actualisé le 23 décembre 2023 à 09:23
immigration

Mon frère, je t’écris de mon île, la Réunion. Je t’écris parce que nous sommes frère, enfant de Dieu le créateur. D’ailleurs, les scientifiques disent, que là où tu vis, se trouve le berceau de l’humanité.

Je t’écris pour te dire que la France, ma patrie, après t’avoir enchaîné et déporté pour te vendre aux enchères, t'a ensuite colonisé, des chapitres sombres de son histoire qui ont laissé des marques chez toi. Elle a tracé tes frontières sans considération pour toi et tes cousins, et ses exploitations économiques ont engendré des tensions intercommunautaires entre toi et tes frères.

Forcée de décoloniser, elle a mis en place un système nommé Françafrique. Par ce montage, son ombre a persisté, influençant les dynamiques politiques et économiques de ta région et maintenant un déséquilibre structurel.
Ta nation, aussitôt “indépendante”, a souvent été confrontée à des systèmes économiques fragiles et à des gouvernements instables, corrompus par les anciens maîtres blancs, entraînant des difficultés persistantes. Des accords favorisant les intérêts français au détriment du développement local ont contribué à l'aggravation des inégalités et à la fragilité économique, engendrant ainsi de la pauvreté partout chez toi.

Ces inégalités flagrantes entre les élites et toi ont alimenté ta frustration, et avec un taux de chômage élevé, l’environnement est devenu instable. De plus, la corruption au plus haut sommet de l’État a sapé tous les efforts de développement, détournant les ressources nécessaires pour améliorer les conditions de ta petite vie. Du coup, tu as perdu confiance envers les institutions gouvernementales.

Alors, mon frère, tu t’es révolté, et le pouvoir t’a réprimandé. Tes frères sont assassinés, les autres ont fait des coups d'État. Mais toi, n’aimant pas la violence, tu préfères partir, chercher une vie meilleure ailleurs. Te réfugier chez nous, je le comprends, est une quête légitime d'amélioration des conditions de vie, d'éducation et d'opportunités économiques pour toi et ta famille. Mais mon frère, mes compatriotes sont aujourd’hui majoritairement contre toi. Même dans mon ti peî, la Réunion, ils se sont laissé influencer par des expatriés, ils se sont reniés, et même perdu leur dignité. Ils ont oublié notre histoire, d’où nous venons.

Ton départ vers l'étranger sera très périlleux, beaucoup ont témoigné, des agressions, hommes, femmes et enfants sont enlevés, vendus comme esclaves, torturés, violés. Tu dois savoir sécher tes larmes et avancer. Quand tu arrives dans un port, il faut traverser l'océan sur un morceau de bois. Si jamais tes proches tombent à l’eau, ton cœur sera bien sûr déchiré, mais tu ne dois pas plonger, toujours avancer sans te retourner. Peut-être que le vent aura pitié de toi et te débarquera sur un quai, ce n’est pas terminé, car tu seras parqué comme des condamnés. Là, tu dois faire face aux Fronts Haineux qui ces dernières années se sont multipliés. Ils aiment généraliser, pour eux, tous les immigrés sont des pestiférés venus pour les voler.

La France, mon pays, n’a pas compris qu'elle doit adopter des politiques justes et inclusives. Qu’elle doit encourager la régularisation administrative. Qu’il est impératif de te donner l'accès aux droits fondamentaux tels que l'éducation, la santé, le logement, et les services sociaux afin de favoriser ton intégration. Car, certains de nos frères sont déjà là, sans papiers. Ils travaillent au noir, contribuent à divers secteurs, la restauration, la collecte des déchets, l'entretien des espaces verts, la garde des personnes âgées, dans le BTP, mal payés et exploités mais heureux.

Mon pays doit changer sa politique, ne plus se laisser influencer par le Front Haineux, par des racistes, des gens déconnectés de la réalité. D’ailleurs, en Italie, Giorgia Meloni, qui avait centré sa campagne sur l'immigration, n'a toujours pas trouvé de solutions.

Mon frère, je suis très inquiet, les humains se sont déshumanisés, trop matérialisés. Ils ne veulent rien partager. Ils préfèrent que tu finisses au fond des Océans plutôt que de te tendre la main.

Mais je sais que, courageux comme tu es, pour toi c’est partir pour réussir ou mourir.

Georges Donald Potola

 

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1 Commentaires
Dom
Dom
1 an

Vision idyllique..de l'Afrique
Et erronée de l'histoire.
L'esclavage n'est pas le fait exclusif de la France, le tracé des frontières non plus.
Des zones d'influence et de mise en esclavage non plus. C'est un phénomène propre à l'humain quelle que soit sa couleur de peau.
Plus récemment voyons les déchirements au Rwanda, Darfour, Libye, Érythrée... etc
Plus loin, l'asservissement des populations du sud.de l'Afrique, par les populations du Nord.du même continent, voire de la péninsule arabique