Tribune libre d'Evelyne Corbière

Conséquences de l’amendement Fouassin sur la filière rhum de La Réunion

  • Publié le 19 décembre 2025 à 05:43
  • Actualisé le 19 décembre 2025 à 05:50
Union des forces progressistes evelyne corbiere

Je tiens à vous interpeler sur les conséquences sociales et économiques de l’amendement du Sénateur Stéphane Fouassin, adopté lors des discussions sur le PLF 2026, sur la filière Rhums de La Réunion (Photo : sly/www.imazpress.com)

Cet amendement instaurerait une nouvelle taxation, au profit du Département, qui pourrait atteindre 1615,72 euros par hectolitre d’alcool pur, soit une hausse de 1 200% par rapport à la fiscalité actuellement appliqué. Cela représenterait une hausse de prix d’environ 8 euros par bouteille sur le marché local.

L’effet sanitaire supposément bénéfique de cet amendement est très loin d’être démontré, puisqu’il concerne la filière « rhums » locale, sans s’attaquer aux autres alcools importés (whisky, vin, bière), alors qu’ils sont les plus consommés par les réunionnais. Si cet amendement ne permettra pas de lutter sérieusement contre l’alcoolisme, il aura en revanche des conséquences dramatiques sur une filière déjà très fragilisée.

En effet, cet amendement intervient dans un contexte déjà tendu pour la filière. A La Réunion, les forts cyclones que nous nous avons connus ces deux dernières années (Belal en janvier 2024, Garance en février 2025) et les nombreux épisodes de sécheresse ont gravement impacté la filière canne-sucre-rhum. Ainsi, la filière canne a atteint l'année dernière son niveau de tonnage le plus faible de son histoire.

Par ailleurs, cet amendement plonge la filière Rhums de La Réunion, composée uniquement de TPE et PME locales, dans une lourde insécurité économique.

L'augmentation du prix du rhum entrainera des pertes de parts de marché au profit des alcools importés. Cette perte est estimée entre 10% et 20% des volumes actuellement écoulés.

En outre, cet amendement vient menacer un grand nombre d’emplois. À ce jour, la filière du rhum représente environ 1 200 emplois directs, indirects et induits, hors emplois en amont, notamment chez les planteurs et dans l’industrie sucrière. Si l’amendement est retenu, les prévisions d’embauches pour 2026 pourraient ne pas se concrétiser et des suppressions d’emplois sont à craindre à moyen terme. Cette taxe fait également peser une menace lourde sur la survie des nouvelles distilleries qui se sont créées sur le territoire.

Les acteurs de la filière l’ont rappelé : aucune entreprise, en particulier les petites distilleries et ateliers artisanaux, n’est en mesure d’absorber un tel choc fiscal sans mettre en péril ses outils de production, ses emplois et sa capacité d’investissement.

Il s’agit d’un amendement déloyal, qui n’a pas été travaillé avec la profession. Il est vu comme une trahison par les acteurs de la filière.

La filière du rhum réunionnais est pourtant reconnue non seulement comme un patrimoine culturel et gastronomique important à La Réunion, mais aussi comme un acteur porté à l’international grâce à son savoir-faire spécifique et à des démarches structurantes. En témoignent l’obtention d’une indication géographique IG Rhum de La Réunion, ses médailles internationales et ses exportations importantes vers l’Europe.

Cet amendement vient sanctionner spécifiquement La Réunion. Il s’agit d’une discrimination, et d’une rupture d’égalité contraire aux principes de notre Constitution. Alors que la taxation de la production réunionnaise est déjà supérieure à celle des Antilles, cet amendement vient aggraver le déséquilibre et nuire encore à la compétitivité de la production réunionnaise.

Ainsi, pour le respect du principe d’égalité républicaine, je vous alerte sur la nécessité de ne pas retenir cet amendement dans les dernières négociations budgétaires.

En comptant sur votre réactivité et votre engagement, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma haute considération.

Évelyne Corbière Naminzo
Sénatrice de La Réunion

guest
0 Commentaires