Jugées ce vendredi 19 décembre 2025 devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis, deux femmes de nationalité colombienne ont été condamnées à trois ans de prison ferme assortis d’une interdiction de territoire de cinq ans. L'une d'elles avait été interpellée début juillet 2024 à son arrivée sur l’île avec plus de cinq kilos de cocaïne dissimulés dans une valise à double fond. L'autre avait eu le temps de livrer la sienne. Une peine qui ouvre la voie à une libération conditionnelle assortie d’une expulsion rapide (Photos : sly/www.imazpress.com)
Milena R. et Claudia V., toutes deux âgées de 48 ans, comparaissaient à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Denis après avoir déjà passé 17 mois en détention provisoire. Les deux femmes, de nationalité colombienne mais installées depuis une vingtaine d’années en Espagne dont elles ont acquis la nationalité, expliquent qu’elles ignoraient jusqu’à l’existence même de La Réunion avant ce voyage.
Les faits remontent à début juillet 2024. En provenance d’Afrique du Sud, via un vol au départ du Cap, l'une des deux passagères est contrôlée à l’aéroport Roland-Garros. C’est le chien des douanes qui marque un arrêt sur le bagage de Milena R. Les agents procèdent alors à une fouille approfondie de la valise, jugée anormalement lourde, avant de la démonter. À l’intérieur, un double fond dissimule 5,16 kilos de cocaïne, répartis en plusieurs sachets.
La marchandise présente un taux de pureté supérieur à 80 %. Sa valeur est estimée entre 619.000 et 774.000 euros avant toute revente, pour un produit destiné à être coupé à de multiples reprises.
- Un scénario de transport classique -
À la barre, Milena R., vêtue d’un pantalon bleu marine et d’un chemisier blanc, demande d’emblée pardon. Elle affirme ne pas avoir su ce que contenait la valise qu’on lui avait confiée. "C’est une double condamnation : être trahie par ceux à qui j’ai fait confiance, puis être emprisonnée dans un pays dont je ne connais pas la langue", déclare-t-elle.
Claudia V., toute aussi brune que sa comparse, vêtue d’une combinaison noire serrée à la taille, tient un discours similaire. Elle indique s’être vu proposer 3.000 euros pour un simple transport, pensant convoyer de l’argent liquide. Toutes deux décrivent la dureté de la détention, loin de leurs proches et dans une langue étrangère.
Selon les éléments de l’enquête, les deux femmes sont parties d’Espagne pour se rendre au Cap, en Afrique du Sud. Elles voyagent séparément. C'est un homme surnommé "Guio" rencontré dans un contexte de prostitution qui organise leur déplacement. À La Réunion, elles devaient se rendre dans un hôtel à Saint-Pierre, où un autre individu devait récupérer la marchandise. Le retour vers l’Afrique du Sud était prévu dès le lendemain.
Pour Claudia V., le scénario diffère légèrement : arrivée avant Milena R. elle a pu, en pleine nuit, remettre la valise contenant les stupéfiants et en récupérer une autre, vide, afin d’y ranger ses effets personnels avant son vol retour.
- Une relation ancienne entre les deux prostituées -
Les deux femmes se connaissent depuis plus de vingt ans. C’est Claudia V. qui a proposé à son amie de participer à l’opération. "Je devais changer d’appartement, ça m’arrangeait, je ne pensais à rien de mal", affirme Milena R.
C’est d’ailleurs cette dernière qui, lors de son interpellation, indique spontanément aux policiers où se trouve son amie, conduisant à l’arrestation immédiate de Claudia V.
Au fil de l’audience, il apparaît que les deux femmes se sont connues dans un contexte de prostitution. Si Claudia V. exerce toujours cette activité, Milena R. indique l’avoir quittée et travailler désormais dans un hôtel. Interrogée par le président, elle précise que son amie aurait déjà effectué "deux fois ce genre de voyage" par le passé.
- Le parquet dénonce "un discours de façade" -
Le ministère public se montre particulièrement sévère à l’égard des explications fournies. Le parquet fustige "un discours convenu" et une évidente mauvaise foi. "Ce ne sont pas de jeunes filles, mais des femmes d’expérience", insiste le procureur, qui souligne l’élément intentionnel du transport et la cohérence du mode opératoire.
Le représentant du parquet propose une peine permettant une libération conditionnelle rapide assortie d’une expulsion. « L’idée est qu’elles ne reviennent pas dans le département », explique-t-il, rappelant que 17 mois ont déjà été purgés. Il requiert quatre ans de prison ferme pour chacune, avec maintien en détention, ainsi qu’une interdiction de paraître de cinq ans sur le territoire réunionnais.
Pour Claudia V., Me Margaux Laborde dresse le portrait d’une mère ayant élevé seule ses deux enfants, contrainte à la prostitution pour subvenir à leurs besoins. Elle insiste sur l’absence de certitude quant au contenu de la valise confiée à sa cliente et plaide la relaxe.
De son côté, Me Catherine Moissonnier, conseil de Milena R., conteste fermement l’élément intentionnel et soutient que sa cliente a été instrumentalisée.
- Trois ans de prison et une expulsion à venir -
Le tribunal n’a pas suivi la demande de relaxe. Les deux prévenues ont été condamnées à trois ans de prison chacune, assortis d’une interdiction de territoire de cinq ans. Une peine qui ouvre la voie à une libération conditionnelle en vue d’une expulsion rapide, conformément aux réquisitions du parquet.
L’information judiciaire n’a pas permis d’identifier les commanditaires ni de démanteler un réseau structuré de narcotrafic.
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