Tribune libre de Marie Claude Barbin

Féminicide : ce meurtre invisible

  • Publié le 10 avril 2018 à 08:25
Marche blanche

Tandis que l'on nomme aisément " infanticide " : le meurtre d'un enfant ; " parricide " : le meurtre d'un père ; on continue à ne pas vouloir nommer " féminicide " le meurtre d'une femme par son partenaire. Ce mot est entré dans Le Petit Robert depuis 2015, mais pas encore dans le code pénal français, malgré les efforts des associations féministes qui réclament depuis des années son inscription dans la loi.

À chaque fois qu’une femme est victime de violence létale de la part de son compagnon, on évoque le " crime passionnel ", comme si crime et passion allaient de pair, comme si la passion menait nécessairement au crime. Une manière romanesque de décrire une réalité tragique ; une manière de banaliser une violence supposée " normale ", de trouver des circonstances atténuantes à un acte meurtrier. Il l’aimait passionnément, il l’a tuée. C’est ainsi que l’on parle de " drame de la jalousie ", comme si tous les jaloux sont susceptibles de passer à l’acte. Il n’a pas supporté la rupture (dont il n’arrive pas à faire le deuil pour des raisons liées à son histoire personnelle).

La victime n’est en rien responsable du mal-être de son bourreau, pas plus qu’elle ne serait coupable d’avoir mis fin à une relation peut-être ressentie comme toxique, où l’amour n’était plus réciproque. 

La référence à la passion, à la jalousie (idéalisation de la relation violente), ne fait que masquer une dynamique sociale : la réalité d’une domination masculine basée sur l’appropriation du corps de la femme. La violence létale est précédée de violences psychologiques, de menaces : " Si tu me quittes, je te tue ! "

La victime qui n’a pu se libérer à temps de cette relation toxique, est souvent culpabilisée par son bourreau qui la maintient dans un enfermement par un mécanisme de contrôle qu’on appelle : emprise. Si elle a crié, demandé de l’aide, personne ne l’a entendue. L’analyse de témoignages révèle une sorte de cécité de l’entourage : " On n’a rien vu, rien entendu ; c’était un couple tranquille, sans histoire ! " Si ce n’est une certaine tolérance, une banalisation de la violence : " On entendait parfois des cris, des disputes... ", mais cela ne nous regarde pas. La violence est pourtant l’affaire de tous (citoyens lambda).

Marie Claude Barbin

 

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1 Commentaires
La Pie
La Pie
7 ans

Vous avez raison de remettre les choses à leur place, le sujet est grave. Néanmoins, beaucoup de femmes crient au loup et s'accrochent désespérément à leur partenaire maltraitant, bien qu'elles soient libres de partir et averties, ce qui fait que les gens finissent par devenir hermétiques à ces cris et à ne pas réagir (ou trop tard) le jour fatal.