Tribune libre du Comité Départemental de la Citoyenneté et de l'Autonomie

L'heure est à la préparation du déconfinement

  • Publié le 28 avril 2020 à 15:10
  • Actualisé le 28 avril 2020 à 15:11
coronavirus rue déserte

La FGR-FP (Fédération Générale des Retraité.e.s de la Fonction Publique) de l'Océan Indien, la SFR-FSU (Section Fédérale des Retraité.e.s de la Fédération Syndicale Unitaire), l'Union Confédérale des Retraité.e.s de la Confédération Générale du Travail Réunionnaise (UCR-CGTR), l'Union Confédérale des Retraité.e.s de la Confédération Force Ouvrière (UCR-FO) ont des élus au sein du CDCA (Comité Départemental de la Citoyenneté et de l'Autonomie) et de la CFPPA (Conférence des Financeurs de la Prévention de la Perte d'Autonomie des Personnes Agées).

Le CDCA est l’instance représentative et participative de la démocratie en santé et rassemble les représentants de tous les acteurs de santé: usagers, personnes en perte d’autonomie, en situation de handicap ou de précarité, professionnels publics ou privés, hospitaliers et ambulatoires, directeurs d’établissements et de services, collectivités territoriales, assurance maladie, syndicats, etc…

Face à l’urgence absolue résultant de la pandémie de covid-19, ces organisations syndicales ont décidé solidairement de s’auto-saisir de la question du déconfinement et de formuler un avis.

S’il est trop tôt pour faire le bilan de cette pandémie à La Réunion et à Mayotte, et compte tenu de l’annonce faite par le Président de la République d’un déconfinement et d’une rentrée scolaire à compter du 18 mai, il est nécessaire de tirer les enseignements de ces dernières semaines utiles pour la suite.

Trois constats positifs à La Réunion :

- la capacité du système de santé à s’adapter en accélérant la capacité en réanimation et en reconfigurant l’activité des établissements de santé mais aussi l’offre libérale en aménageant dans l’urgence de nouvelles pratiques (les téléconsultations, la mise en place de centres covid 19, …) qui limitent l’exposition au virus quand c’est possible. Il faut souligner qu’ici à La Réunion, cette dynamique a été possible grâce à l’implication quasi-exclusive du personnel médical et de leurs responsables syndicaux ou associatifs.

- la capacité à adopter des procédures, aujourd’hui dérogatoires, beaucoup plus simples et plus efficaces en termes d’organisation, y compris en matière de prise en charge par l’assurance maladie.

- l’engagement exceptionnel des soignants, des personnels accompagnants, notamment à domicile, en EHPAD, des bénévoles associatifs mais aussi de tous les personnels d’appui dans les filières agricoles, alimentaires, en milieu éducatif et dans l’accueil des enfants, dans les forces de sécurité, dans les services des collectes de déchets, la distribution du courrier et des colis de toute nature, etc…

Ces trois constats positifs co-existent malheureusement avec sept constats négatifs :

- la pénurie persistante de masques (ou moisis quand il y en a), de tests, de gel hydro-alcoolique et autres équipements, qui ont mis en danger les soignants mais aussi plus largement les personnes exposées par leur profession à des contacts répétés avec la population.

- la moindre attention portée au secteur médico-social par les pouvoirs publics, EHPAD en particulier, du fait de la polarisation sur les soins en réanimation et la difficulté à prendre en compte les besoins spécifiques des personnes vivant avec un handicap cognitif ou psychique.

- la grande difficulté, malgré les efforts, l’engagement et la bonne volonté de nombreux acteurs, de dépasser les segmentations administratives du système, par exemple selon les cas, entre les services de l’Etat (Préfecture-ARS) et les collectivités territoriales entre le secteur hospitalier public et le secteur privé, entre les administrations de l’Etat, de l’assurance maladie et les professionnels libéraux, etc…

- l’existence d’une communication nationale vis-à-vis de la population parfois à contre-temps avec des injonctions paradoxales (par exemple "rest zot’ kaz’" et aller voter), mais aussi discutables sur le port du masque par la population hormis les cas de soignants et des malades, avec des messages servant plus à " masquer " la pénurie que reposant sur une logique épidémiologique de contrôle de l’épidémie.

- les atermoiements des services de l’Etat (Préfecture-ARS) concernant la décision trop tardive d’un contrôle systématique des passagers en provenance de -

- l’extérieur de l’île à l’arrivée à l’aéroport de Roland Garros et du port de la Rivière-des-Galets et d’une mise en quatorzaine effective et contrôlée, soulignant les excès d’un centralisme jacobin ignorant les spécificités de La Réunion et la capacité à être autonome dans certaines circonstances. (commentaire : faut-il reconsidérer l’alinea 5 de l’article 73 de la Constitution dit "amendement Virapoullé" ?).

- le manque criant d’infrastructures médicales à Mayotte dans un département où l’habitat et les conditions sanitaires sont précaires pour une grande majorité de la population.

A ces constats positifs et négatifs s’ajoute une interrogation et même une inquiétude :

Elle concerne les patients atteints de maladies chroniques et plus généralement les patients souffrant d’autres affections que le covid-19. Si, à la demande des pouvoirs publics, les actes non urgents ont été déprogrammés, notamment pour permettre l’extension du nombre de lits de réanimation et la reconfiguration des établissements pour l’accueil des patients covid-19, il semble que de nombreux patients aient renoncé "d’eux-mêmes" à des soins. Certains ont pu avoir peur d’être contaminés en fréquentant les lieux de soins. D’autres ont pu penser, face aux messages des pouvoirs publics, que le système de soins était prioritairement réservé aux patients covid-19 ou saturé (centre 15).

Le succès du déconfinement ne reposera pas uniquement sur le respect d’une logique scientifique. Il reposera sur la compréhension de cette logique, sur son appropriation et sur sa mise en œuvre par tous les acteurs du système de soins et plus largement la population.

L’heure n’est absolument pas au déconfinement : l’heure est d’abord impérativement à la préparation du déconfinement. Cette préparation ne doit être en aucun cas escamotée ou réduite. Il faut lui donner le temps nécessaire. Elle doit faire l’objet d’une démarche explicite qui ne mobilise pas seulement les instances scientifiques et administratives nationales. Elle doit impliquer la population et les acteurs dans les régions et au plus près des territoires en s’appuyant sur les instances de démocratie en santé tel que le CDCA et le CTS (Conseil Territorial de Santé), pour que les mesures à prendre soient à la fois acceptables et faisables.

Nous ne devons plus subir mais reprendre collectivement le contrôle de la situation, la maîtrise de notre vie sociale et citoyenne et redonner tous ses moyens aux services publics de santé.

Le déconfinement est un enjeu démocratique et pas uniquement scientifique.

Avec ce premier avis sur la préparation au déconfinement, l’inter-syndicale et ses représentants au CDCA et à la Conférence des Financeurs espèrent apporter leur contribution au débat démocratique sur l’épidémie de covid-19 à La Réunion.

Max Banon (UCR-CGTR), Serge Thomas (OCR-FO), Michel Rouillot (FGR-FP)

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