Tribune libre d'Éric Ferrere

Octroi de mer : Rien ne sert de courir…

  • Publié le 8 mars 2024 à 11:50
  • Actualisé le 8 mars 2024 à 11:56
Eric Ferrère

Le dossier octroi de mer figure au nombre de ceux qui auront marqué et profondément structuré notre département depuis plus de deux siècles. A l’instar d’autres phénomènes mêmes naturels, deux siècles d’actions et de fonctionnement creusent des sillons, des remparts et laissent des empreintes aujourd’hui incontournables dans la société réunionnaise. (Photo photo RB imazpress)

Clé de financement des services publics, outil puissant de développement donc de choix des orientations économiques pour l’île, l’octroi de mer a influencé sans conteste nombre de grands projets de notre société et donc agi sur l’emploi et le social.

Au titre de maire, les choses ont été dites par ailleurs, il s’agit de considérer une recette au budget de ma commune et de toutes les communes sans laquelle maintenant l’action publique territoriale s’éteindrait dans des délais très courts. La logique d’un "plus d’autonomie" et d’une décentralisation augmentée doit être obligatoirement préservée et cultivée.

Au titre de citoyen éclairé, comme beaucoup d’autres, je dois entendre que ce sujet marque suffisamment notre société pour m’y intéresser et participer d’une façon ou d’une autre aux évolutions et transformations nécessaires de nos acquis et certitudes.

A ce jour pour La Réunion ce sont 560 Millions qui sont directement en jeu. Chaque euro de ces millions dispose d’un effet levier ou multiplicateur dans les projets financés. Chaque collectivité en bénéficiant place en face sa propre contribution. Les enjeux sont donc au double ou mieux sur la démarche globale des collectivités et donc dans la vie de notre département. C’est donc considérable.

Pour ces différentes raisons notamment, car il s’agit bien de redessiner notre cartographie publique et économique en particulier, je ne peux demeurer insensible et extérieur à la problématique et au virage que doit opérer notre île sur ce sujet. Il n’est pas nouveau, loin
de là et d’autres générations d’élus et de gouvernements ont eu à réfléchir et à se prononcer sur les précédents changements. A notre tour de nous y pencher.

Force est de reconnaitre que les réactions des acteurs publics ces derniers jours ne vont pas dans le sens d’une unité de vue sur notre avenir sur ce sujet, et n’affichent pas les conditions d’une réussite des travaux absolument nécessaires pour converger de manière apaisée.

Pour avoir fait de la démocratie participative, de la transparence et de la co-construction les lignes sous-jacentes de mon mandat et celui de mes collègues municipaux en particulier, ma position suivra en toute logique cette philosophie.

Nous ne sommes pas les premiers penseurs sur ce thème. Avec humilité, nous pouvons croire que nombre d’organisations aussi collectivement intelligente les unes que les autres ont largement entamé voire terminer une partie du travail de base sur les multiples facettes de ce sujet.

Gouvernements, Assemblée nationale, Sénat, Conseil Economique Social et Environnemental ont à leur niveau recueilli suffisamment de "savoir" pour détenir LEUR point de vue.

Sur notre territoire, Région, département, associations des maires de même disposent de leur base et de LEUR point de vue sur l’expérience de quelques centaines d’années et bien sûr sur les enjeux de demain.

Mais je ne n’oublie certainement pas – l’expérience des gilets jaunes doit nous guider en la matière- les organisations sur lesquelles nous devons prendre appui pour orienter les choix politiques. Le plus récent est l’Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus (OPMR) qui a d’ailleurs rendu un rapport justement sur cette question en septembre2023. Pourquoi aurai-ton créé ce type d’organisation si ce n’est pour prendre appui sur ses travaux ?

Plus globalement, bénéficiant d’une vision plus ancrée dans le « temps long », le CESER - Conseil Economique, Social et Environnemental de la Réunion me semble incontournable dans la situation actuelle pour être autour de la table des débats constructifs à venir. Entre autres parce qu’il représente la société civile organisée (monde économique, associatif), parce que leur champ de réflexion couvre la plupart des domaines liés à l’octroi de mer et au fonctionnement de notre démocratie, parce que la qualité de leurs travaux et de leur publication est une base incontournable à une avancée rapide des concertations à venir, le CESER devra éclairer nos choix.

Des questions centrales comme celle du pouvoir d’achat, de la cherté de la vie, de la pauvreté sont toutes liées peu ou prou à celle de l’orientation et de l’usage de l’octroi de mer. Des travaux existent déjà sur ces dossiers.

Je partage avec cette dernière assemblée, avec d’autres aussi heureusement, cette philosophie complexe de la co-construction. S’il est un moment où la démonstration de l’association l’ensemble des partis, d’une façon ou d’une autre du citoyen à nos débats doitse faire, c’est maintenant, sur ce dossier à portée régionale, nationale, européenne.

Prévoir de terminer des concertations, voire des co-constructions pour le prochain trimestre en envisageant une mise en œuvre dans la loi de finances 2025 me semble particulièrement difficile dans les conditions actuelles. Récolter les contributions existantes, en tirer les enseignements, établir les nouvelles voies d’un octroi de mer dans le projet réunionnais mérite plus de temps. Il faudra le prendre. En cela je rejoins tant dans ses 3 objectifs que dans la modalité finale la position du ministère de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée à la fin 2022 :

"Une refonte de l'octroi de mer doit être étudiée. Cette refonte ne peut pas constituer une fin en soi, mais plutôt un moyen pour dynamiser la concurrence, pour favoriser l'émergence de nouvelles activités et ainsi rendre l'économie ultra-marine créatrice de valeur. Cette refonte doit viser trois objectifs : conforter le financement des collectivités locales, dont l'octroi de mer constitue une ressource essentielle, soutenir la production locale, sans que celle-ci ne pèse sur le pouvoir d'achat des ultra-marins notamment les plus fragiles, et diminuer les prix grâce à une réduction de la fiscalité. Pour cela, les modalités pratiques de cette refonte feront l'objet d'une co-construction avec les collectivités locales et les entreprises."

La compétence première en matière d’octroi de Mer relevant de la Région sur le pan territorial, peut-on penser à l’impulsion d’une large concertation sur cette thématique par l’organisation d’une Conférence Territoriale de l’Action Publique (CTAP) laquelle réunit notamment Etat, Département, Présidents des EPCI, Présidents des Chambres Consulaires, des Présidents des Conseils consultatifs etc.

Des dynamiques nouvelles et positives pourraient s’y opérer pour réussir ensemble ce changement.

Eric Ferrere
Maire des Avirons

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1 Commentaires
La vérité si je mens !
La vérité si je mens !
1 an

Ce type a mis 18 ans pour être là où il est, se permet de jouer dans la cour des grands, sur l' Octroi de mer .

D'ici peu , on touche le fonds