Mon intervention portera surtout sur les articles 15 et 17 du projet de loi. Je veux souligner que la grande innovation se trouve dans la généralisation du droit à la différenciation à toutes les collectivités territoriales de la République qui disposeront désormais d'un pouvoir normatif dans les matières relevant de leurs compétences. Cette révision étend ainsi, pour partie, à l'article 72, la décentralisation normative imaginée en 2003 pour les collectivités d'Outre-mer visées à l'article 73. Lesquelles peuvent également fixer, pour leurs territoires, des règles normatives dans le domaine de la loi. A l'exception notable toutefois de La Réunion.
Comme le projet de loi maintient, pour l’instant, cette exception réunionnaise, il en résulte, qu’aux procédures d’habilitation près, le nouvel article 72 de la Constitution et l’actuel article " 73-Réunion " sont identiques. Ce sont des frères jumeaux. C’est pourquoi, lorsqu’à la suite du président de la Région Réunion, il se répète à l’envi que ce nouvel article 72 est bienvenu et suffisant
car il " offre de vraies marges de manœuvre " à la Réunion, il faut rappeler que celles-ci lui ont été offertes, il y a de cela 15 ans, lors de la révision de 2003.
Notre préoccupation est précisément de ne pas revivre le scénario de 2003, quand le débat a été tronqué et quand le dénouement est survenu en dehors du Parlement.
Cette stratégie " hors les murs " ne favorise pas le temps long que requiert toute révision constitutionnelle. Elle est aussi la source de bien des dérives. Il y a quelques jours, quatre députés réunionnais ont même été assimilés à … des putschistes. Notre forfait : avoir osé déposer un amendement à l’article 17.
L’expérience de ces quinze dernières années, les nouveaux enjeux du développement, le revirement de la doctrine européenne sans oublier le nouvel article 72 tout cela plaide, avec force et avec évidence, en faveur d’un amendement supprimant la disposition qui limite le champ d’action de la Réunion.
Pour passer à l’acte, le Gouvernement a posé une condition, à savoir qu’il existe un consensus parmi les parlementaires réunionnais.
Nous y avons travaillé. Et aujourd’hui cinq députés sur sept et deux sénateurs sur quatre sont favorables à la suppression. Mieux, quatre d’entre nous ont pris la précaution d’assortir cette suppression d’un dispositif garantissant le maintien de la Région et du Département en sorte de ne pas susciter un débat institutionnel sur l’assemblée unique. Notre proposition a d’ailleurs recueilli
l’adhésion unanime de la Délégation des Outre-mer de notre Assemblée.
Chers collègues, au moment où je vous parle, non seulement toutes les vieilles ficelles sont de retour, et quelquefois entre les mains de jeunes marionnettistes, mais la Constitution elle-même est mise à contribution, voire malmenée, pour que rien ne soit changé.
Je vous remercie donc de faire respecter, avec nous, le droit d’amendement des parlementaires. Tout comme je demande au Gouvernement de ne pas être complices de celles et ceux qui considèrent les Réunionnais et leurs élus comme des enfants qu’il faudrait protéger contre eux-mêmes.

En attendant toutes ces "manoeuvres" la dengue poursuit son oeuvre sur l'île des cochons. Les élus préférant discuter de sujets plus sympathiques et valorisant... Ça en devient pathétique