Ce samedi, Mme Naïma Moutchou Ministre des Outre-Mer aura le plaisir de visiter l'exposition "Les Engagés du sucre" au Musée de Stella Matutina. Moment fort de rencontres, de partage de mémoire et d'héritage pour sa première venue à l'ancienne usine sucrière de Stella commune de Saint-Leu, devenue Musée il y a 34 ans (Photo : sly/www.imazpress.com)
Une visite Ministérielle qui s'inscrit dans le cadre d'une exposition exceptionnelle, labellisée intérêt national et dans le cadre de la politique de démocratisation culturelle menée par le ministère de la culture. Cette exposition rappelle l'importance des engagé(e)s dans l'industrie sucrière et dans le champ de canne à La Réunion.
Époque où l'histoire sucrière de Stella et de La Réunion nous ramène toujours aux femmes et aux hommes venus des divers continents allant d'Afrique, d'Inde, de Madagascar, des Comores...etc. Véritable témoignage du temps, qui nous ramène à cette rétrospective inédite, riche et de qualité, et qui nous plonge au cœur "des engagés du sucre". Un travail remarquable et exceptionnel des auteurs et autrices, dont l'exposition explore la question de mémoire et le passage du temps. Malgré ce travail phénoménal qu'il faut saluer, à mon regret je trouve que les femmes et les enfants, restent cantonnés au second plan et à des rôles secondaires, et sont restés dans l'ombre.
Ces femmes étaient employées massivement dans les champs de canne, d'autres dans des emplois de domestiques à la maison de maître, pendant que certaines s'attelaient à coudre des sacs, trier les haricots, piler les pistaches pour extraire l'huile, employées aussi comme manœuvres maçon ou manœuvres dans l'usine, parfois dès l'enfance pour briser la misère. Pendant qu'une grande majorité se cantonnaient comme femmes aux foyers. Vous remarquerez d'après l'histoire, même les enfants n'étaient pas épargnés par les gros colons en recherche de main-d 'œuvres bon marché.
Cette manifestation sera aussi une belle occasion de mettre en lumière les rôles qu'ont joué les femmes et les enfants dans la vie de la sucrerie et des champs. Personnellement, je pense que les femmes et les enfants de l'époque qui ont construit aussi La Réunion d'aujourd'hui, n'ont pas eu leur place qu'ils méritent dans l'histoire sucrière de La Réunion et de Stella particulièrement.
"L'invisibilation" de ces femmes et de ces enfants dans cette histoire douloureuse me semble un manque.
D'autant plus que beaucoup de familles ouvrières se logeaient dans des cases appartenant à la sucrerie pour être à une disposition totale à l'industriel. Mais quand le mari décédait la femme perdait le droit à son habitation et jetée comme le pire des malpropres, sauf si le patron l'employait à diverses corvées.
Alors, non, les engagés n'ont pas vécu comme un long fleuve tranquille et aussi libre, il faut qu'on se le dise. Voilà pourquoi la visite de La Ministre sur ce site chargé d'histoire doit être une source de partage, de transmission et d'éclairage.
- Un lien fort entre l'usine sucrière et le temple Tabisman Stella -
Cependant en parlant des engagés dont les engagés indiens, comment ne pas faire lien au temple "tabisman Stella", dont l'année 1856 incrustée dans une plaque de chaux a été découverte. Cette empreinte gravée a été décelée par l'ancien président du temple Stella (source du livret du Musée de 2008) il y a déjà quelques décennies, aujourd'hui malheureusement, il est décédé en laissant cette "signature" historique au Musée. Inscription retrouvée au moment de la réhabilitation de ce temple Tabisman Stella.
Alors, comment ne pas signifier le rôle important des Tamouls pour la canne et le sucre au moment de l'épopée sucrière ? En même temps, à l'importance à rester fidèles aux valeurs et aux rites ancestraux, qui correspondaient à un besoin profond lors de leur exil ici à La Réunion.
Heureusement, que le propriétaire de l'usine de l'époque, lors de la signature de leurs contrats, avait octroyé aux Tamouls un petit lopin de terre à quelques dizaines de mètres de l'usine et le droit d'ériger une petite "sapèl" ainsi que 2 jours de congés (fin d'année) pour la pratique de leur culte... Cette tradition perdure jusqu'à aujourd'hui. Mais qui s'en souvienne encore de cette histoire ? Histoires entrecroisées à retrouver dans un livre à paraître prochainement.
En fait Mme la Ministre, j'aurai tant aimé partager avec vous mon ouvrage dont le titre résume l'histoire de plusieurs patrimoines " Léritaz Nout' Zansèt Stella".. Malheureusement, il ne paraîtra que dans quelques semaines. Bien sûr que l'écriture a été nourrie par des nombreux "zarboutans", ainsi que tous les sentiments que nous avions vécu à l'annonce fracassante et choquante de la fermeture de cette usine en 1978. A cet effet, le journal Le Quotidien avait immortalisé cet événement tragique par une unique photo et un article. Cette photo historique illustre la douleur et la grande colère de cette histoire.
En finalité l'étoile du matin Mme la Ministre, c'est un peu comme un temple disait un "zarboutan", collecte, conserve, transmet et éclaire. Dès-lors, que ce Musée continue plus que jamais de jouer ce rôle crucial dans la préservation de ces richesses de l'histoire de nos ancêtres et de la nôtre, et qu'il agit toujours comme le gardien de cette histoire et de ce mémoire pour mieux avancer.
Voilà pourquoi votre visite madame La Ministre au Musée de Stella revêt d'une valeur hautement symbolique pour les "travayers tabisman et bitasyons" (femmes et hommes). Alors bienvenue et bonne visite Mme La Ministre et que l'étoile du matin puisse vous éclairer sur l'histoire des "engagés du sucre" à La Réunion !
Jean-Claude Comorassamy
Descendant d'engagés indiens et ancien travailleur d'usine.

La Ministre a un lien avec la Réunion, famille nombreuses comme au Maroc, femme au foyer comme la Réunion de l'époque...En plongeant dans l'histoire sucrière elle découvrira le Maroc.
Je me rappelle toujours de ton article paru dans la presse d'époque. L'inauguration du musée en juillet 1991 sans les ouvriers, alors que rien des gros "zozos", ministres, secrétaires d'état, directeurs ici et là, président du conseil régional, départemental, maires....étaient présents. La parution de ton article, a fait que la semaine suivante une deuxième inauguration avait été organisée que pour les anciens travailleurs....Une carte électronique a été attribuée à titre gratuit peut-être en forme de réparation. Par la suite, avec le président Paul Vergès le livre "portré tabisman " nous a été offert, et depuis nous sommes devenus des oubliés. Merci Jean Claude pour tout ce que tu fais pour faire vivre cette histoire. Espérons que l'étoile du matin éclairera aussi Mme Bello ce samedi !
"Un lien fort entre l'usine sucrière et le temple Tabisman Stella ". Un lien brisé depuis qu'elle est devenue Musée. Les anciens n'ont aussi plus de place et ils se font de plus en plus rares...Espérons que leurs témoignages seront préservés aux archives du musée. J'ai hâte de voir la photo du Quotidien de 1978 citée dans cette excellente tribune.
Certains patrons cherchent encore à nous faire travailler comme le temps de la colonisation Les ouvrieres de l'usine et les femmes aux foyers sont des oubliées de l'histoire. Ton livre m'intéresse énormément monsieur. Est-ce qu'il est déjà en pré-vente ? Plein succès à ton écriture.