Après 25 ans d'absence sur l'île

Charlélie Couture à La Réunion pour une série de trois concerts

  • Publié le 21 avril 2023 à 02:57
  • Actualisé le 22 avril 2023 à 12:15
Charlélie Couture à La Réunion pour une série de trois concerts

Voilà 40 ans que Charlélie Couture promène un blues poétique et rempli d’humour à travers le monde. Mais voilà 25 ans, qu’il n’avait pas foulé le sol réunionnais. Le chanteur inclassable, mais aussi peintre et écrivain - multiste comme il se plaît à dire -, démarre ce vendredi soir une série de trois concerts… Rencontre avec une « icône » d’une certaine chanson-rock littéraire qui traverse les décennies avec l’élégance incontestable des grands hommes discrets. (Photos V.W)

25 ans que vous n’êtes pas revenu à La Réunion, autant dire un bail…

En effet et il me semble que l’un de mes premiers concerts a eu lieu dans les années 80 au stade de l'Est, à une époque où il n'y en avait pas beaucoup. Je me rappelle aussi de ceux du Tampon, de Saint-Gilles et de Champ Fleuri.

Des concerts toujours présents en moi, même si ça fait effectivement très longtemps que je ne suis pas revenu. D’ailleurs, je me souviens avoir écrit une chanson sur la plage de Boucan Canot et qui figure dans l’album 109, c'est dire le souvenir de ce que j'ai vécu ici !

Pour avoir fait peut-être près de 2000 concerts dans ma vie, ceux d’ici sont toujours très présents dans ma mémoire. Et puis de manière générale, j'aime beaucoup les îles, qu'elles soient grandes comme l'Australie, ou petites comme Saint-Martin, Saint-Barthélemy ou La Réunion. Car dans le schéma de construction de soi, habiter sur une île t’oblige à une gestion intérieure et te force à résoudre tes problèmes avec toi-même.
 
Vous qualifieriez-vous d’artiste populaire ?

Je ne suis pas un artiste populaire parce que je suis cash, ce qui ne plaît pas à tout le monde. J'exprime aussi des choses qui ne sont pas forcément objectives mais davantage subjectives qui prennent sens à partir du moment où je les mets en forme et sans rentrer dans une problématique divine et religieuse, je crois en l'idée que plus on descend à l'intérieur de soi, plus on retrouve les autres.

Par exemple, quand les gens entendent l'argument "Dieu s'est fait homme", selon moi, il s'est fait homme dans le sens large du terme, c’est-à-dire qu’il s'est fait les hommes, pas un homme ! Je dirais aussi que je suis un auteur humaniste parce que je ne fais pas ce métier pour gagner de l'argent. Certains ont pour finalité de devenir célèbres, d’autres de devenir riches ou avoir du pouvoir. Moi j'ai envie de partager la réalité de ce que je ressens même si ça m'a coûté la gloire. Si vous faites des choses avec l'idée de plaire absolument à tout le monde, et de répondre à une demande « de consommation »…

Ce n’est pas mon cas et ça fait donc de moi un artiste pas forcément populaire. Mais en même temps, c'est ce qui me permet d'exister encore aujourd'hui. D’ailleurs, quand on me demande à quoi ressemble Charlélie Couture, je réponds souvent que je ressemble à une bûche, ce qui veut dire que quand je m'enflamme, je fais du chaud.
 
Pourtant, vous jouissez d’une certaine notoriété et votre public vous est fidèle…

Les personnes qui trouvent de l'intérêt à ce que je fais savent que je ne réponds pas à des doctrines ou que je n'obéis pas aux desiderata du commerce et mes salles sont toujours pleines. Si tu fais du Coca, tu vas t'adresser à tous les gens, si tu fais des alcools plus rares, ça va déjà en concerner moins. Et puis, si au sein de ces alcools rares tu raffines de manière encore plus spécifique, tu n'auras plus que des connaisseurs.
 
À quoi doit-on s’attendre lors de ces trois concerts ?

Mes spectacles, quels qu’ils soient, sont composés d’environ 16 titres, dont la moitié est consacrée à des incontournables pour répondre aux attentes du public. Ça me laisse l’autre moitié pour lui faire d'autres propositions. En gros, le spectacle est construit à partir de chansons qui préexistaient sur mes 2 derniers disques, « Trésors cachés » et « Perle rare » et quelques essentiels.
 
Était-ce un choix de vous produire dans des lieux atypiques, tels le jardin d’Eden et le Madoi et qui plus est en duo avec Karim Attoumane, par ailleurs originaire de La Réunion ?

Le brillantissime Karim Attoumane qui m'accompagne est vraiment un génie, un virtuose et un mec absolument atypique ! Et vous ne pouvez pas imaginer mon excitation de partager ce spectacle à La Réunion, à ses côtes et pour lequel on pensait au départ n’en faire qu’une quarantaine. Ça fait 2 ans et demi qu'on tourne et le spectacle évolue sans cesse. S’agissant des scènes, l'idée était de se produire dans des lieux atypiques, dans trois jardins. On en fait deux, on pensait aussi au jardin de l'État, mais c'était trop compliqué et finalement, on se produira au Kabardock. Mais quel que soit l’endroit, je vous promets que j’y mets la même conviction. Partout c'est l'Olympia !
 
Chanteur, poète mais aussi peintre… D’ailleurs, vous n’êtes pas venu les mains vides puisque vous avez apporté des dessins qui seront exposés. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Mon père avait l’habitude de tout expliquer par des petits dessins, donc je me suis dit que le dessin est une manière de faire de la littérature. J’ai toujours été fasciné par les dessins d’Eisenstein, le cinéaste russe et par la suite, je suis entré aux Beaux-Arts. Alors oui, je suis chanteur, peintre et écrivain, je suis multiste comme disait Mario Salis, mais ça n'a altère pas pour autant ce que je fais dans un autre domaine.

Je suis à fond 100% chanteur quand je chante, je suis aussi 100% peintre quand je peins et 100% poète quand j'écris. 25 ans que je ne suis pas venu à La Réunion, le hasard fait que j’arrive avec 25 dessins que je présenterai ce samedi au Lux*. Ce n'est pas du grand art, mais ça permet de donner aux gens une idée de ce que je fais.

J'ai lu quelque part que Cocteau était une référence pour vous. Peintre, poète, écrivain, cinéaste de légende, un multiste comme vous dites justement…


Quelque part, Cocteau est pour moi le premier multiste. Ses films, notamment « Le Testament d'Orphée » ou « La belle et la bête » sont des sommets du cinéma de cette époque, et le fait d’être poète lui donnait une grande liberté d'interprétation. Comme le dessinateur, peintre, illustrateur, écrivain, et poète Roland Topor aussi. Je me situe dans cette lignée, et je pense que quand je ne serai plus là, les gens envisageront mon travail différemment.
 
Dans ce monde qui est actuellement le nôtre, quel sentiment vous anime ?

Ces derniers temps sont quand même assez marqués par une grande colère. Colère contre cette société qui veut vous encadrer. Colère contre un gouvernement qui veut vous enfermer. Parfois, c'est même plus que de la colère, c'est un désespoir, c'est-à-dire sans espoir et c’est un sentiment nouveau.

À mon niveau, j’ose exprimer mon ressenti et je ne crois pas être réactionnaire sous prétexte que certaines décisions me semblent contestables. Je fais partie d'une génération qui osait dénoncer les choses dans le secret espoir d’une lumière au bout du tunnel, sauf qu’aujourd'hui, tout est tellement bouché qu’il paraît presque candide d'avoir de l'espoir. Mais s'il y a bien une chose que je n'accepte pas c’est qu'on dise de moi que je suis envahi par l'amertume. Je n'en ai aucune bien au contraire !

Charlélie Couture ce vendredi soir à 20h au jardin d’Eden, samedi soir à 20h au Madoi et dimanche à 18h au Kabardock. En duo sur scène avec le Réunionnais Karim Attoumane.

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