Alors que le décret fixant les nouveaux tarifs d'achat de l'électricité issue du photovoltaïque a été publié au journal officiel, samedi 5 mars 2011, les professionnels réunionnais font grise mine. Certains parlent de " mort " du secteur, d'autres, de sérieux coup d'arrêt... Une chose est sûre : l'âge d'or du photovoltaïque est bel et bien révolu.
Le coup de froid annoncé serait-il un coup de grâce pour le secteur du photovoltaïque? Dans sa forme actuelle, certainement. Samedi 5 mars 2011, le gouvernement a publié au Journal Officiel deux arrêtés fixant un nouveau cadre réglementaire au secteur du photovoltaïque.Ainsi, à partir de jeudi 10 mars, les prix d'achat ont baissé d'environ 20% par rapport au tarif en vigueur au 1er septembre 2010. Désormais, le tarif d'achat est fixé à 12 centimes pour les installations de particuliers. Il s'établit à 46 centimes pour les particuliers dont l'installation est intégrée dans le toit.
Disposition spéciale DOM : EDF ne sera pas obligée de racheter l'électricité aux centrales qui produisent plus de 3 kilowatt. " Nous ne pourrons donc plus assurer le financement de ces centrales ", indique Patrice Gallois, directeur de Corex. La raison ? EDF craindrait une déstabilisation de son réseau électrique à cause de l'intermittence de l'énergie solaire.
La filière photovoltaïque à la Réunion représente 70 entreprises et près de 600 emplois crées pour un parc de 500 Megawatts, contre 81 en 2008. Elle produit 2% de l'énergie locale.
Mais suite à cette nouvelle réglementation, les professionnels verront leur marché largement diminuer : plus de grosses centrales et uniquement les particuliers qui peuvent financer des panneaux intégrés dans le toit pour bénéficier du tarif d'achat de 46 centimes.
Cette restriction correspond à un manque à gagner immédiat qui pourrait contraindre des entreprises à mettre la clef sous la porte. " C'est la mort du secteur ", estime Michel Dijoux, président du groupe Dijoux dont la filiale Corelec vend des panneaux photovoltaïques depuis 13 ans. " A 12 centimes, il n'y a plus de rentabilité du tout ici. Pour moi, on a oublié les DOM ", explique-t-il.
A la Réunion, les aléas climatiques empêchent d'envisager une intégration architecturale systématique des panneaux, indique encore le chef d'entreprise. " Au moindre cyclone, les panneaux, donc les toits, seraient arrachés. Ce n'est pas possible... ", déplore-t-il. Patrice Gallois tempère : " c'est possible mais à un coût d'environ 40% plus élevé ".
Là où une installation pouvait coûter 15 000 euros à un particulier, il faudra tabler sur 25 000 euros pour fixer correctement les panneaux et assurer la sécurité de l'habitation. Avant, il fallait déjà 8 à 10 ans pour un particulier avant de rentabiliser son installation. Maintenant...
Et l'annonce de ce nouveau tarif intervient à peine quelques mois après celle de la suppression de la défiscalisation pour les investissements réalisés dans le photovoltaïque. Le crédit d'impôt pour les particuliers avait, à la même période, été abaissé de 50% à 25%. Cette mesure devait permettre à l'Etat d'économiser 230 millions d'euros.
Mais pourquoi, après avoir tant incité les investissements dans le photovoltaïque, le gouvernement fait-il marche arrière de manière aussi soudaine? Paradoxalement, la raison pourrait se trouver dans l'excellente santé financière du secteur avant ces annonces. Un secteur si porteur qu'il aurait créer une bulle spéculative... Des tarifs attractifs et un engouement populaire ont permis au photovoltaïque d'enregistrer une très forte croissance ces dernières années, mais pas forcément en rapport avec la réalité économique.
" Nous n'avons pas été suffisamment réactifs. L'Etat non plus ", dit Patrice Galbois dans un mea culpa. "Mais il y a eu une surchauffe. Le secteur était devenu tellement attractif que ça ne pouvait être tenable. Nous, on aurait souhaité que les tarifs baissent plus en 2009. Maintenant, seules les entreprises qui pourront s'adapter survivront ", conclut-il. Corex, son entreprise s'est déjà lancée dans de nouveaux produits de stockage d'énergie pour diversifier son offre.
Marine Veith pour
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