Le Conseil constitutionnel a validé ce jeudi 7 octobre 2010, la loi prohibant le port du voile intégral (niqab) dans les lieux publics. La loi "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public", c'est son nom officiel, n'a donc pas été remise en cause par les Sages. À La Réunion, la communauté musulmane réserve un accueil en demi-teinte à ce texte législatif. La loi qui concernerait une centaine de femmes sur l'île selon le Conseil régional du culte musulman (CRCM). "Avec cette loi j'espère qu'on ne va pas revenir en arrière et que les femmes qui se voilaient intégralement ne vont pas refuser de sortir", confie Abdoullah Mollan, président du CRCM.
"Le port du niqab est relativement récent à La Réunion. Avant il y avait beaucoup de femmes qui ne sortaient pas, car elles ne voulaient pas que l'on voit leur visage" explique Abdoullah Mollan. Ne pas sortir pour échapper à la loi, Raïssa*, qui porte le niqab dans les rues de Saint-Denis, y pense. "On n'a pas le choix, on va être obligée d'appliquer la loi, mais je pense que je sortirai beaucoup moins", dit-elle."Pour la plupart d'entre nous, nous voulons porter ce voile. Cette loi va priver la femme de ses droits. C'est une atteinte à notre liberté", confie la jeune femme. Elle porte le niqab depuis l'âge de 16 ans. Aujourd'hui, cela fait 10 ans qu'elle n'est pas sortie découverte dans la rue. "Au début, ma famille et mes amies n'ont pas trop compris, mais ils ont fini par accepter. Chez moi, je suis la seule à porter le niqab", ajoute t-elle. Elle a pris cette décision par spiritualité et pour respecter les traditions religieuses mais elle reconnaît "que recouvrir le visage c'est optionnel, ce n'est pas écrit dans le Coran".
Alors pourquoi se cloitrer derrière ce masque noir ? "Le fait de porter le voile nous fait baisser le regard et celui des hommes aussi. C'est une question de pudeur", assure Raïssa. "Pour moi, cette loi va être une vrai contrainte", lance-t-elle. "Depuis qu'on parle de cette loi, les gens nous regardent, alors que nous souhaitons le contraire. Des fois, nous avons des remarques, mais nous faisons avec", ajoute-t-elle.
Un peu plus loin dans la rue, une autre jeune fille, Salima*, 19 ans à peine. Elle est voilée mais pas intégralement. "J'avais l'intention de porter le niquab, mais avec la nouvelle loi je ne sais pas", indique-t-elle. Dans sa famille, elle est la seule à se voiler. "Il y a des femmes qui m'ont expliquée pourquoi elles portaient le niqab, et j'ai trouvé que c'était une bonne idée", souligne Salima. "Le voile c'est notre pudeur, la beauté d'une femme doit être réservée à son mari", ajoute la jeune fille.
"Ça m'étonnerait que la loi soit appliquée ici, j'y crois moyennement", commente Salima. Et elle n'est pas la seule à le croire. Fatima* le pense également. "Ça m'étonnerait que la police arrête les femmes pour ça", lâche la jeune femme. Et d'affirmer : "de toute façon, les plus téméraires sortirons quand même avec le niqab".
Les sanctions prévues par la nouvelle loi n'entreront en vigueur que six mois après la promulgation du texte. Les peines devraient donc s'appliquer vers la mi-2011. Pour rappel une amende de 150 euros est prévue en cas d'infraction. Et un stage de citoyenneté peut être substitué ou prescrit en complément à la peine d'amende.
Julie Fioretti pour
*Prénoms d'emprunt