Le président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi ne viendra pas à La Réunion. Son voyage officiel a été annulé ce mercredi matin 16 mars 2011. La préfecture qui "freinait des quatre fers contre cette visite", selon l'expression d'une source proche des services préfectoraux, a donc finalement obtenu gain de cause. Officiellement parce que le séjour aurait coïncidé avec le premier tour des cantonales ce dimanche 20 ans, officieusement parce qu'une partie de la diaspora comorienne présente à La Réunion aurait mal perçu cette visite. "Les risques de débordements n'étaient pas à exclure" indique la même source. Ainsi que l'avait indique Imaz Press Réunion ce mardi, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi aurait dû séjourner à La Réunion du vendredi 18 au mardi 22 mars 2011.
"Sa venue à La Réunion a été négociée directement entre l'État comorien et le Quay d'Orsay (siège du ministère français des Affaires étrangères). La préfecture à La Réunion n'a été avertie que ce lundi. Elle a tout de suite freiné des quatre fers" indique-t-on de même source. On souligne également que l'ambassade de France à Moroni avait la même réticence. "Compte tenu de la période (allusion au premier tour des cantonales ce dimanche 20 mars - ndlr), il conviendrait de reporter cette visite" soulignent en substance, les services de l'ambassade dans une note écrite.Officiellement c'est donc pour cause de scrutin des cantonales que la visite est annulée. Officieusement, la raison est tout autre. "Même si la plupart des associations comoriennes se réjouissaient de cette visite, on ne pouvait pas exclure les risques de débordements" estime-t-on, sous couvert d'anonymat, du côté de la préfecture. L'allusion vise les opposants au régime d'Ahmed Sambi. Notamment Saïd Larifou chef de file du Ridja, l'un des principaux partis d'opposition à Ahmed Sambi.
Retenu au tribunal de Saint-Pierre où il assure la défense de l'un des prévenus dans le procès des marchés truqués de la CIVIS (communauté de communes du Sud), l'avocat franco-comorien ne s'est pas encore exprimé sur le sujet. Mais il n'a jamais fait mystère de son opposition virulente à l'actuel président comorien. En juin 2010 cela lui avait valu des démêlés avec les autorités comoriennes. Saïd Larifou s'était rendu en Grande Comore dans le cadre de la campagne électorale pour la présidentielle. Le 6 juin alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour Mohéli (l'une des trois îles qui avec la Grande Comore et Anjouan composent l'union des Comores), l'avocat dit avoir été agressé par des policiers. Une interdiction de quitter le territoire de la Grande Comore lui avait alors été signifiée. Elle n'a été levée qu'à la mi-août. Saïd Larifou avait regagné La Réunion le 19 août.
À l'issue du second tour de scrutin de la présidentielle, le 26 décembre 2010, Saïd Larifou avait dénoncé "une fraude massive" en faveur du vice-président Ikililou Dhoinine dont la candidature était soutenue par Ahmed Sambi. C'est ce candidat qui avait finalement remporté l'élection.
Avec un tel contentieux Saïd Larifou et ses partisans habitants à La Réunion n'auraient du donc que très modérément apprécier la visite d'Ahmed Sambi, président en exercice jusqu'au 26 mai prochain date à laquelle Ikililou Dhoinine sera investi à la présidence.
À cet état de fait s'ajoute la récente décision de l'État comorien d'exiger que pour être admise sur le territoire d'Anjouan toute personne expulsée de Mayotte pour séjour irrégulier sur le sol français soit munie d'un passeport comorien. Si cette décision était appliquée à la lettre cela contraindrait l'État français à établir avec certitude la nationalité des personnes sans papiers avant de les renvoyer vers les Comores. Une procédure quasi impossible à respecter. Ce qui, de fait, obligerait la France à garder ces personnes sur son territoire tant que leur nationalité n'est pas déterminée. Une difficulté de taille au moment où Mayotte - dont le quart de population serait "sans papiers" -, s'apprête à devenir le 100ème département français
"Le problème maintenant va être de faire admettre aux associations comoriennes l'annulation du séjour, ce qui signifie de fait que le président n'est le bienvenu à La Réunion" note un proche de la préfecture. Cela d'autant plus problématique que tous les préparatifs pour la réception officielle du président comorien étaient quasiment terminés. Son programme était désormais établi dans le détail. Ahmed Sambi devait arriver vendredi après-midi. Le jour même il devait visiter le petit marché de Saint-Denis et ensuite les mosquées des Lataniers (Saint-Denis) et de Sainte-Clotilde.
Samedi, le président comorien devait se rendre à la mosquée du Port avant de rencontrer la diaspora comorienne à Saint-Denis. Dimanche, au centre Ismaël Aboudou à Saint-Denis où il devait il participer aux cérémonies religieuses du mwalid, célébrant la naissance du prophète Mohamed.
Les deux derniers jours de sa visite, lundi et mardi, devaient être un séjour privé.
Mahdia Benhamla pour