Les vendeurs de tisanes traditionnelles sont en danger. En effet, une directive europĂ©enne intitulĂ©e Traditional herbal medicinal products directive (THMPD traduire), visant Ă rĂ©glementer les phytothĂ©rapies traditionnelles, sera appliquĂ©e dĂšs le 1er avril 2011. Les mĂ©dicaments traditionnels Ă base de plantes devront faire l'objet de tests pharmacologiques et toxicologiques. Il s'agira de dĂ©montrer leur qualitĂ©, leur sĂ©curitĂ©, ainsi que leur efficacitĂ©. Ceux qui seront proposĂ©s Ă la vente devront ĂȘtre accompagnĂ©s d'une fiche contenant des renseignements relatifs aux rĂ©sultats des tests. Si les vendeurs de tisanes craignent cette directive, cette loi est en revanche bien accueillie chez les pharmaciens. Les mĂ©decins sont plus divisĂ©s sur l'application de cette directive.
DĂšs son entrĂ©e en vigueur dĂ©but avril 2011, la directive THMPD n'autorisera que trois catĂ©gories de produits Ă base d'herbes mĂ©dicinales sur le marchĂ© de l'Union europĂ©enne. La premiĂšre catĂ©gorie comprendra les produits ayant obtenu une licence aprĂšs avoir Ă©tĂ© testĂ©s cliniquement.La seconde catĂ©gorie regroupera les produits qualifiĂ©s de"traditionnels" par la THMPD. La directive prĂ©cise que ces prĂ©parations devront dĂ©montrer "au moyen d'une bibliographie scientifique dĂ©taillĂ©e, que le ou les composants (du) mĂ©dicament sont d'un usage mĂ©dical bien Ă©tabli et prĂ©sentent une efficacitĂ© reconnue ainsi qu'un niveau acceptable de sĂ©curitĂ©". Les produits rĂ©pondant Ă ces caractĂ©ristiques pourront bĂ©nĂ©ficier, "compte tenu de leur anciennetĂ©" souligne la THMPD, d'"une procĂ©dure d'enregistrement simplifiĂ©e". Cependant, insiste la directive, "aucune dĂ©rogation ne devrait ĂȘtre prĂ©vue en ce qui concerne les essais physicochimiques, biologiques et microbiologiques".
La troisiÚme et derniÚre catégorie acceptera les produits ne revendiquant aucune vertu thérapeutique et n'étant pas utilisés à des fins médicales. Ce qui est le cas de toutes les herbes aromatiques.
La THMPD ne s'appliquera pas aux médicaments homéopathiques soumis à une autorisation de mise sur le marché.
Cette directive est bien accueillie par les pharmaciens. "Un dosage de tisane donné par un non-initié est dangereux. Cela a des effets irréversibles sur certains organes comme le foie, l'estomac et surtout sur les reins", déplore Claude Cheung-Lung, pharmacien spécialiste de plantes médicinales. "Les tisaneurs ne sont pas des professionnels de santé", lance-t-il.
Un abus de tisanes peut ĂȘtre "mortel" souligne le pharmacien. "Dans le nord de la France et en Belgique, une cinquantaine de personnes sont mortes Ă cause d'abus de ces plantes mĂ©dicinales venant de Chine. Les personnes qui ont concoctĂ© les prĂ©parations se sont trompĂ©es de plantes. Le rĂ©sultat a Ă©tĂ© catastrophique", dĂ©plore le professionnel de santĂ©. Il rappelle qu'il est interdit de vendre en pharmacie des plantes non reconnues par la pharmacopĂ©e europĂ©enne. D'oĂč sa sĂ©rĂ©nitĂ© face Ă l'entrĂ©e en vigueur de la THMPD. "Je prĂ©pare aussi des tisanes. Elles sont contrĂŽlĂ©es et prĂ©parĂ©es par un professionnel de santĂ©, moi en l'occurrence", ajoute-t-il.
Ă la question de savoir si cette directive est une action des lobbys pharmaceutiques pour Ă©radiquer toute concurrence, la rĂ©ponse de Claude Cheung-Lung est claire. "Je ne pense pas que les laboratoires soient derriĂšre la THMPD. Ils ne craignent pas la petite concurrence des tisanes". Pour lui, la raison d'ĂȘtre de cette loi est ailleurs. "Avec toutes les plaintes mettant en cause l'efficacitĂ© de certains produits dits miracles Ă base de plantes, l'Union europĂ©enne se devait d'agir. C'est pour protĂ©ger les gens de ces arnaques que cette directive a Ă©tĂ© créée", affirme-t-il.
Un avis que ne partage pas AgnÚs, vendeuse de tisanes au Petit Marché de Saint-Denis. "Les industries pharmaceutiques veulent notre mort", lance-t-elle. "On nous cherche toujours des ennuis. Jusqu'à preuve du contraire, les médicaments sont faits à partir de plantes non ?", remarque-t-elle. "Les autorités remettent en cause l'efficacité des tisanes, alors qu'on les utilisent depuis des millénaires. Cette directive est scandaleuse. Pourquoi ne fait-on pas le procÚs de ces médicaments dangereux sur la santé des gens ?", ajoute-elle en faisant référence au Médiator.
AgnÚs avoue qu'elle ne sait pas encore ce qu'elle compte faire aprÚs l'application de la THMPD. "L'avenir de notre métier est menacé c'est sûr. On verra bien ce qui nous attendra, mais de mon cÎté je ne me fais pas de soucis. Mes tisanes sont préparés par un tisaneur reconnu dans la profession. Il fait souvent des émissions de télé d'ailleurs", dit-elle.
Pour Olivier Vangrevelynghe, mĂ©decin Ă Saint-Denis, cette loi est "absurde". "On veut restreindre le commerce des plantes mĂ©dicinales, alors que la sĂ©curitĂ© des mĂ©dicaments n'est mĂȘme plus garantie. Il devrait y avoir le mĂȘme type de contrĂŽle", dit-il.
Le docteur Shashi Bachun Ă un avis plus mitigĂ©. "Je ne suis pas contre les tisanes, mais utilisĂ© Ă tout va, elles deviennent dangereuses", dĂ©clare le prĂ©sident de la Csmf Jeunes mĂ©decins (confĂ©dĂ©ration syndicale des mĂ©decins de France). "Je suis pour une prescription aprĂšs avis mĂ©dical", ajoute-t-il. Il dĂ©plore que des patients arrĂȘtent leurs traitements mĂ©dicamenteux pour ne prendre que des tisanes. "Il faut que les gens prennent conscience de ce risque. On retrouve souvent des malades dans des cabinets qui ont eu des complications Ă cause d'une trop forte consommation de tisanes, en particulier au niveau des reins et de la vessie", constate le mĂ©decin.
Samuel Irlepenne pour





