Madagascar - Haute cour constitutionnelle

Requête en destitution contre Ravalomanana

  • Publié le 2 février 2009 à 00:00

Ainsi qu'il l'avait annoncé dans le discours prononcé lundi matin 2 février 2009 sur la place du 13 mai, Andry Rajoelina, maire d'Antananarivo, a fait déposer dans l'après-midi une requête en destitution contre le président en exercice Marc Ravalomanana. La démarche a été effectuée devant la haute cour constitutionnelle. C'est le principal collaborateur, Nyhasaina Andriamanjato, ex-ministre des Télécommunications de l'ancien président Didier Ratisiraka - battu en 2002 par Marc Ravalomanana -, qui a été chargé de déposer le document officiel. "C'est la première étape du processus de destitution" a commenté Nyhasaina Andriamanjato. Il a annoncé que la même requête serait déposée ce mardi sur le bureau de l'Assemblée nationale malgache. Le maire tananarivien a demandé à la population de se réunir sur la place du 13 mai tous les jours jusqu'au départ de Marc Ravalomanana.

"Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que le processus aille à son terme. C'est la première dans l'Histoire de Madagascar que l'on dépose un recours en destitution contre un président de la République" a indiqué Nyhasaina Andriamanjato. Composée de députés et de personnalités de la société civile, étroitement surveillée par une dizaine de gardes du corps, la délégation du maire tananarivien est arrivée à la haute cour constitutionnelle après 17 heures alors que les bureaux avaient déjà fermé leurs portes. Seuls restaient présents les militaires chargés de la protection des lieux. C'est donc sur le bureau du chef du service de sécurité que la requête en destitution a été déposée. "Je la transmettrai à qui de droit, je ne peux rien dire d'autre" a noté le chef de la sécurité. La délégation a quitté la haute cour constitutionnelle peu de temps après.

La requête sera déposée mardi à l'Assemblée nationale. Les députés étant actuellement en vacances parlementaires, le document ne sera pas examiné avant plusieurs jours. A priori, la démarche semble avoir peu de chances d'aboutir. Selon la constitution malgache, avant de pouvoir être étudié par la haute cour constitutionnelle, la requête doit d'abord avoir été acceptée par les députés et les sénateurs. Or, le parti du président Marc Ravalomanana est largement majoritaire dans ces deux assemblées. Il paraît donc peu probable que députés et sénateurs pourraient donner suite à la procédure de destitution.

Dès lors se pose la question de savoir comment Andry Rajoelina envisage de concrétiser sa "prise" du pouvoir. Ce lundi devant près de 10 000 personnes encore une fois rassemblée sur la place du 13 mai - haut lieu de la contestation à Madagascar -, le maire d'Antananarivo, a donc annoncé le dépôt de la requête en destitution du président Marc Ravalomanana. "Lui il a trahi le pays, nous, nous allons respecter la légalité constitutionnelle" a-t-il commenté. Interrogé à la fin de son meeting par la presse, il a affirmé "je vais prendre le pouvoir incessamment". Il a demandé à ses partisans de se réunir tous les jours sur la place du 13 mai jusqu'au départ de Marc Ravalomanana. Par ailleurs, l'appel à la grève dans la fonction publique, lancé par le maire tananarivien, a été peu suivi.

"Ravalomanana, il faut que tu partes" a régulièrement scandé la foule pendant le meeting. Mais si la détermination ne semble pas avoir faibli depuis le début du mouvement, la réunion de ce lundi a rassemblé un public bien nombreux que celui de samedi. "Les gens, notamment les fonctionnaires, n'ont pas pu venir. Ils ont peur de perdre leur travail. Le président a mis des gendarmes et des policiers dans tous les ministères. Les agents qui sont absents risquent d'avoir des ennuis" explique Jean Lahinniriko, ancien président de l'Assemblée nationale et ancien proche du président en place. Dans une courte déclaration faite samedi à la présidence, Marc Ravalomanana avait demandé aux Malgaches de se rendre normalement sur leurs lieux de travail. Dimanche le général Pily, commandant la gendarmerie de Madagascar, avait indiqué qu'il ferait assurer la protection de tous les bâtiments de la fonction publique.

De fait, si certains ministères sont restés fermés au public, celui des finances par exemple, d'autres ont fonctionné normalement. "Mais cela ne veut pas dire grand chose, le moment venu, les gens vont sortir" affirme un partisan du maire. Un moment plus tard, avec les milliers de personnes présentes au meeting, il scandait : "Iavoloha, Iavoloha", nom du siège de la présidence. Les partisans Andry Rajoelina disaient ainsi leur intention d'installer leur leader au pouvoir.

"Nous sommes forcés d'aller jusqu'au bout, nous ne pouvons plus reculer" commente Michelle Ratsivalaka, adjointe au maire tananarivien. "Le président Marc Ravalomanana est coupable de plusieurs atteintes à la Constitution. Le peuple en assez de lui, le peuple s'appauvrit, il ne mange plus trois fois par jour, alors que le président ne cesse de s'enrichir. Cela ne peut plus durer" disait pour sa part Andry Rajoelina. Il fait ainsi allusion au récent achat par le président en place d'un avion privé d'un montant de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Reste maintenant à savoir comment la population va réagir face à l'installation de la crise. Lorsque l'on interroge les Tananariviens dans la rue, les avis divergent sur la légitimité de "TGV" ou de Marc Ravalomanana, sur la nécessité de mettre en place un gouvernement de transition ou de laisser le président en place finir son mandat. Ils sont par contre unanimes à dire que la situation actuelle ne pourra pas durer.

"Depuis le début des événements il y a une semaine, les prix se sont envolés. Avant litre d'huile coûtait 4 300 ariary (environ 2, 10 euros) et le kilos de riz 1 300 (environ 60 centimes), maintenant l'huile coûte 10 000 ariary (5 euros) et le riz 2 000 ariary (1 euro)" note Hery. Serveur dans un restaurant, il perçoit un salaire de 100 000 ariary (environ 50 euros). "Les Malgaches ne pourront pas supporter indéfiniment cette crise. Déjà avant on avait du mal à joindre les deux bouts, mais maintenant, c'est pire. C'est pour cela qu'il y a de moins en moins de monde aux réunions de TGV (le surnom d'Andry Rajoelina - ndlr)" ajoute-t-il.

À noter que le ministère français des Affaires étrangères a officiellement demandé lundi après-midi "le respect de l'ordre constitutionnel à Madagascar". À l'instar du reste de la communauté internationale et notamment de l'Union africaine, Paris signifie ainsi son soutien à Marc Ravalomanana, élu démocratiquement en décembre 2006. Dans son discours lundi matin, Andry Rajoelina avait lancé "il faut que la communauté internationale comprenne que l'on ne peut pas continuer de la sorte à Madagascar".
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