"La campagne sucrière 2010 est une bonne campagne", estime Philippe Labro, président du directoire de la société Tereos, propriétaire des usines de Bois-Rouge et du Gol. Avec 1 877 197 tonnes de canne réceptionnées sur l'île, cette campagne est "en légère baisse" par rapport à 2009 (-1,5%) mais enregistre un volume supérieur à la moyenne des 10 dernières années. Désormais, Tereos souhaite "consolider" ce chiffre (environ 1,9 million de tonnes) avant de viser les 2 millions de tonnes. Tereos compte sur la modernisation des équipements, la nouvelle variété de canne (RC 585) et l'accompagnement des planteurs pour "améliorer ce rendement". Le principal obstacle au développement de la filière canne restant "le foncier".
La Réunion a produit 1 877 197 tonnes de canne en 2010. 949 813 tonnes ont été réceptionnées dans le Nord et l'Est de l'île (contre 953 351 tonnes en 2009) tandis que 927 384 tonnes ont été réceptionnées dans le Sud et l'Ouest de l'île (contre 953 113 tonnes en 2009). "C'est une légère baisse par rapport à l'année dernière mais 2010 reste globalement une bonne année", insiste Philippe Labro qui rappelle que "la moyenne des 10 dernières années est d'1 825 110 tonnes de canne".Parallèlement, la richesse moyenne enregistrée en 2010 est de 13,59%, largement inférieur à celle de 2009 (13,89%) et de la moyenne décennale (13,95%). Dans les détails, la richesse moyenne a été de 13,99% au Gol et de 13,19% à Bois-Rouge. "Ce sont les richesses les plus basses de ces 10 dernières années. Seule la plateforme des Tamarins augmente de 0,30 points par rapport à 2009", constate Alain Detappe, directeur agricole à Tereos.
"Ces résultats sont fortement liés aux mauvaises conditions climatiques cette saison", précise le responsable agricole. Autre raison susceptible d'expliquer cette richesse inférieure, "suite à la panne d'un mois à Bois-Rouge en 2009, la coupe de la canne a pris un mois de retard. D'où une saison sur 13 mois contre 11 mois cette année", explique Philippe Labro. Malgré tout, la production de sucre devrait atteindre cette année 205 000 tonnes, soit un chiffre conforme aux moyennes décennales et légèrement inférieur à celui de 2009 (207 000 tonnes de sucre).
Pour Jean-Claude Pony, directeur industriel à Tereos, ces "bons chiffres" sont notamment à mettre sur le compte du "bon fonctionnement des usines de Bois-Rouge et du Gol". "Le taux de panne enregistré à la sucrerie de Bois-Rouge est d'1,57%. C'est un des meilleurs taux enregistré depuis 2001", se réjouit-il. Au Gol, ce taux s'élève à 3,4% malgré un incident sur un tuyau de vide en début de campagne. "C'est un record", signale Jean-Claude Copy.
Les deux usines ont également bénéficié d'un investissement de 6 millions d'euros. Un investissement qui a permis, pour Bois-Rouge, d'améliorer sa productivité et la maîtrise de l'impact de l'activité sur l'environnement. Au Gol, cette somme a permis de fiabiliser le réseau de vide, d'améliorer les conditions de travail et d'augmenter la puissance d'une des tables de réception. "Les investissements vont se poursuivre en 2011 avec près de 11 millions d'euros pour augmenter la fiabilité des outils", annonce Philippe Labro.
Objectif pour Tereos, consolider le tonnage des deux dernières campagnes (environ 1,9 million de tonnes) pour ensuite atteindre le cap des 2 millions de tonnes. "Nous n'aurons pas de problème pour trouver des clients. La difficulté réside dans l'augmentation du volume produit", affirme Philippe Labro.
Cette difficulté se traduit notamment par le manque de foncier sur l'île. Actuellement, 24 500 hectares sont dédiés à la culture de la canne (contre 35 000 hectares en 1985). Le nouveau Schéma d'aménagement régional qui devrait entrer en vigueur durant le 1er semestre 2011 prévoit d'augmenter cette superficie de 5 hectares. "C'est une bonne chose. Reste à voir si ce cadre administratif sera intégré dans les documents d'urbanisation des collectivités", note le président du directoire qui rappelle que "chaque année, 400 hectares de terre agricole sont perdus à cause de l'urbanisation".
Il compte néanmoins sur une ordonnance de la loi de modernisation de l'agriculture pour "réguler l'extension des zones urbaines". Cette ordonnance qui "entrera bientôt en vigueur" prévoit la création d'une commission départementale sur le suivi de la consommation des terres agricoles. Cette commission aura un "rôle décisionnaire" sur l'utilisation du foncier et le déclassement des terrains. "Il faut qu'il y ait une prise de conscience en faveur d'un urbanisme raisonné", martèle Philippe Labro. Tereos espère également "reconquérir" des terres en friche pour "augmenter la surface cultivable".
Faute de foncier, la société spécialisée dans l'industrie sucrière mise sur l'amélioration du rendement. "En 40 ans, la productivité et le rendement de la canne ont été multipliés par 2", signale Philippe Labro. Tereos mise d'abord la fin du chantier du basculement des eaux pour améliorer le rendement des terres située dans l'ouest de l'île. "Sur un terrain bien irrigué, on peut récolter jusqu'à 90 tonnes de canne par hectare contre 20 tonnes actuellement", précise Alain Detappe.
L'entreprise compte aussi sur le développement d'une nouvelle variété de canne, la RC 585. "Elle peut apporter 30 à 40% de rendement supplémentaire, ce qui est énorme", se réjouit le directeur agricole. Un problème subsiste, le taux de replantation de la canne reste faible (8% environ), ce qui ne "permet pas d'augmenter significativement le rendement". "Nous devons inciter les agriculteurs à replanter davantage. Des techniciens agricoles supplémentaires seront installés dans les 6 pôles canne de l'île pour transmettre ce message aux planteurs", affirme Alain Detappe.
Enfin, Tereos compte sur la mécanisation de la coupe pour accroître ce rendement. En 2010, 23 machines "coupe tronçonnée" et 53 coupeuses péi ont été utilisées dans les champs de l'île. Ce qui représente 500 000 tonnes de canne coupées, soit 25% du total. "L'objectif est de parvenir à 80% de la canne coupée mécaniquement dans les 10 prochaines années", annonce Alain Detappe. Là encore, des innovations devraient se faire, notamment pour réduire le volume de paille livrée avec la canne dans les sucreries.
Mounice Najafaly pour
