AprĂšs huit mois de pourparlers

Accord post-Brexit : Londres et Bruxelles Ă  l'heure du sprint final

  • PubliĂ© le 15 novembre 2020 Ă  11:52
  • ActualisĂ© le 15 novembre 2020 Ă  12:28
Le négociateur européen Michel Barnier à Londres le 13 novembre 2020

AprÚs huit mois de pourparlers laborieux en pleine pandémie, l'Union européenne et le Royaume-Uni entament la semaine prochaine la derniÚre ligne droite de leur négociation post-Brexit. Au bout du tunnel: un accord commercial inédit ou un échec politique cuisant.

Le Royaume-Uni a officiellement quitté l'UE le 31 janvier dernier, mais l'effet du divorce ne se fera pleinement sentir que le 1er janvier 2021, à l'issue de la période de transition pendant laquelle il continue d'appliquer les normes européennes. D'ici là, Londres et Bruxelles s'étaient promis de conclure un traité commercial "zéro tarif, zéro quota" pour limiter autant que possible les conséquences négatives (et inévitables) du Brexit. Or, à moins de cinquante jours de la fin de l'année, les discussions, pourtant intensives, patinent.

"La logique et la raison devraient permettre de parvenir Ă  un accord", estime un diplomate europĂ©en. "Mais si une chose est apparue clairement au cours des derniĂšres annĂ©es, c'est que la logique Ă©conomique et le pur bon sens ne suffisent pas pour expliquer ce qui se passe avec le Brexit", confie-t-il. Du rĂ©fĂ©rendum sur le Brexit en juin 2016, Ă  la conclusion fin 2019 --Ă  la derniĂšre minute-- de l'accord scellant le dĂ©part du Royaume-Uni, en passant par la loi britannique remettant en cause ce mĂȘme traitĂ©, le feuilleton du divorce a Ă©tĂ© riche en coups de théùtre.

- Biden "moins amical" -

Dernier rebondissement: Dominic Cummings, conseiller trĂšs influent du Premier ministre Boris Johnson et architecte controversĂ© de la campagne pour le Brexit, a pris la porte du 10 Downing Street vendredi soir. Une sortie qui a suivi celle de son alliĂ© du camp "Leave", Lee Cain. Ces dĂ©parts "laissent penser que (Boris Johnson) est prĂȘt Ă  faire les concessions nĂ©cessaires pour aboutir Ă  un accord a minima", estime l'eurodĂ©putĂ© Ă©cologiste Philippe Lamberts.

Pour lui, M. Johnson "a fait le calcul" qu'entre l'élection de Joe Biden, "un président américain moins amical que par le passé, et une situation économique dramatique, il ne peut se payer en plus un Brexit sans accord". L'hypothÚse d'une modération de la ligne britannique a cependant été fermement rejetée par Downing Street.

Au moment oĂč les pourparlers s'apprĂȘtent Ă  reprendre Ă  Bruxelles, menĂ©s par Michel Barnier cĂŽtĂ© europĂ©en et par David Frost cĂŽtĂ© britannique, impossible de prĂ©sager de leur issue. Seule certitude: un accord devra ĂȘtre conclu dans les prochains jours, pour pouvoir ĂȘtre ratifiĂ© Ă  temps par les Parlements britannique et europĂ©en. Une visioconfĂ©rence jeudi entre chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE --pour l'instant consacrĂ©e au seul Covid-19-- pourrait constituer une Ă©chĂ©ance.

Mais une nouvelle prolongation des discussions ne peut ĂȘtre exclue. Faute d'accord, les Ă©changes seraient rĂ©gis par les seules rĂšgles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), avec le retour de droits de douanes ponctuellement trĂšs importants, mais aussi d'obstacles non-tarifaires (quotas, normes techniques ou sanitaires...).

- File de camions -

Un "no deal" enfoncerait un peu plus des économies déjà affectées par le coronavirus, mais plutÎt cÎté britannique: le Royaume-Uni exporte 47% de ses produits vers le continent, quand l'UE n'écoule que 8% de ses marchandises outre-Manche.

En cas de "no deal", Londres estime que jusqu'à 7.000 camions pourraient se retrouver bloqués dans le Kent (sud-est) avec jusqu'à deux jours d'attente pour traverser le Channel. "Si nous ne parvenons pas à conclure un accord, cela représentera un échec énorme de la politique et de la diplomatie", a récemment souligné le ministre irlandais des Affaires étrangÚres, Simon Coveney.

Les pourparlers butent sur trois sujets: les garanties réclamées à Londres en matiÚre de concurrence, l'accÚs des Européens aux poissonneuses eaux britanniques, et la maniÚre de régler les différends dans le futur accord.

Sur la concurrence, l'UE veut s'assurer que le Royaume-Uni ne dĂ©viera pas des normes environnementales ou sociales en vigueur, mais aussi qu'il ne subventionnera pas ses entreprises Ă  tout-va, alors qu'elle est prĂȘte Ă  lui ouvrir son marchĂ© de 450 millions de consommateurs.

En cas de non-respect, elle souhaite pouvoir prendre des sanctions immĂ©diates pour protĂ©ger ses entreprises, ce que Londres refuse. "Soit les Britanniques acceptent et on passe Ă  une nĂ©gociation difficile sur la pĂȘche", un sujet de premiĂšre importance pour quelques pays dont la France, explique un diplomate europĂ©en. "Soit ils refusent et on sera hors dĂ©lai: la nĂ©gociation ne pourra pas aboutir."

AFP

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