Coronavirus

Au nom du pĂšre, un Chinois demande des comptes

  • PubliĂ© le 2 avril 2020 Ă  16:49
  • ActualisĂ© le 2 avril 2020 Ă  16:54
Un homme identifié comme Zhang, qui a perdu son pÚre du nouveau coronavirus, lors d'un entretien avec l'AFP à Wuhan le 1er avril 2020

"Je n'ai plus peur".

Pour avoir perdu son pĂšre au tout dĂ©but de l'Ă©pidĂ©mie, un habitant de Wuhan accuse les autoritĂ©s chinoises d'avoir minimisĂ© la maladie et tardĂ© Ă  rĂ©agir, au prix de nombreuses vies. La mĂ©tropole de 11 millions d'habitants, oĂč le nouveau coronavirus a fait son apparition Ă  la fin de l'an dernier, sort petit Ă  petit de son confinement, qui doit ĂȘtre entiĂšrement levĂ© mercredi.

Cherchant Ă  faire oublier les dĂ©buts chaotiques de l'Ă©pidĂ©mie, PĂ©kin se vante d'ĂȘtre parvenu Ă  enrayer la contagion, qui s'est rĂ©pandue dans le monde entier comme une traĂźnĂ©e de poudre. Mais pour Monsieur Zhang, la victoire en vue a un goĂ»t amer.

Le quinquagénaire raconte à l'AFP qu'il a accompagné son pÚre à l'hÎpital en janvier dernier, pour une opération légÚre, juste avant que Wuhan soit mise en quarantaine. Quelques jours plus tard, le patient décédait du Covid-19. Accusant les autorités de mensonge et d'incompétence dans la gestion du virus, il attend des explications.

"Je n'ai plus peur", dit l'homme, qui assure avoir contacté en vain la mairie de Wuhan. "Je veux connaßtre la vérité". M. Zhang ne donnera pas son nom complet en raison des conséquences à attendre pour ceux qui parlent à la presse étrangÚre.

- "Combien de familles dévastées?" -

Comme lui, des proches de victimes dĂ©versent leur colĂšre sur les rĂ©seaux sociaux, accusant le rĂ©gime du prĂ©sident Xi Jinping de sous-estimer le bilan de l'Ă©pidĂ©mie. "Combien de familles ont Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©es par un flĂ©au qui aurait pu ĂȘtre arrĂȘtĂ©?" s'interroge une veuve wuhanaise, qui traite le pouvoir de "criminel" sur le rĂ©seau social Weibo.

Si l'apparition d'un nouveau virus a Ă©tĂ© constatĂ©e dĂ©but dĂ©cembre, des mĂ©decins de Wuhan ont Ă©tĂ© rĂ©primandĂ©s Ă  la fin de ce mĂȘme mois pour avoir donnĂ© l'alerte sur sa dangerositĂ©. Il a fallu attendre le 20 janvier pour que les autoritĂ©s sanitaires annoncent sa capacitĂ© de transmission interhumaine, juste avant la mise en quarantaine de la ville.

Entretemps, des millions de personnes avaient quitté la ville, propageant la maladie dans le reste du pays et du monde. Le pÚre de Monsieur Zhang, lui, est tombé malade peu aprÚs son opération. Il devait décéder peu aprÚs son admission dans un service pour patients en quarantaine. "Je suis hanté par les remords. L'emmener ici, c'était le mener à la mort", raconte le fils, convaincu que son pÚre a contracté la maladie lors de son hospitalisation.

- Bilan contesté -

En dehors de la Chine, Pékin fait face à des doutes croissants sur le nombre exact de victimes, y compris de la part du président américain Donald Trump.
Selon les derniers chiffres officiels, la maladie a contaminé prÚs de 82.000 personnes en Chine, dont plus de 3.300 mortellement, un bilan désormais trÚs inférieur à celui de pays comme l'Italie, l'Espagne et les Etats-Unis.

PĂ©kin laisse entendre que son systĂšme politique autoritaire a permis de juguler rapidement l'Ă©pidĂ©mie. Mais le mĂ©contentement populaire a aussi fait son apparition Ă  Wuhan dĂ©but mars, lorsque la visite d'une responsable du rĂ©gime communiste a Ă©tĂ© troublĂ©e par des quolibets d'habitants confinĂ©s. Aucune enquĂȘte officielle n'a Ă©tĂ© annoncĂ©e concernant les responsabilitĂ©s dans le dĂ©clenchement de la pandĂ©mie et le pouvoir s'est contentĂ© jusqu'Ă  prĂ©sent de limoger des responsables locaux.

Pas suffisant pour M. Zhang, qui a trouvé du réconfort en ligne auprÚs d'autres proches de victimes. "Certaines familles ont perdu trois personnes", témoigne-t-il. Mais internet n'est pas sans risque en Chine et le groupe auquel il participait a été infiltré par la police qui a convoqué le principal animateur cette semaine, raconte-t-il.

- ObsĂšques sous surveillance -

Peu aprĂšs son dĂ©cĂšs, son pĂšre Ă©tait incinĂ©rĂ© en l'absence de la famille, confinĂ©e comme le reste de la ville. Maigre, tendu et le visage couvert d'un masque pendant son entretien avec l'AFP, M. Zhang rĂ©siste Ă  prĂ©sent Ă  la pression des autoritĂ©s qui lui demandent de venir rĂ©cupĂ©rer les cendres afin de les enterrer. L'homme ne veut pas se plier aux nouvelles rĂšgles qui imposent Ă  la famille de faire une demande officielle d'accĂšs au cimetiĂšre et d'y ĂȘtre accompagnĂ©e par des fonctionnaires. "C'est de la surveillance", dit-il.

Les autoritĂ©s justifient ces mesures par la nĂ©cessitĂ© d'Ă©viter les rassemblements et tout risque de contagion. Des proches de victimes exigent une enquĂȘte officielle et des sanctions pour les coupables, rĂ©sume M. Zhang. "Le comportement des dirigeants de Wuhan a provoquĂ© cette catastrophe, cette catastrophe d'origine humaine", dit-il, avant d'Ă©numĂ©rer: "les cadres ont cachĂ© la vĂ©ritĂ© et les experts ont menti, ce qui a tuĂ© beaucoup de monde, y compris mon pĂšre".
"Il est mort mais je suis toujours en vie. Il me faut une explication".

AFP

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1 Commentaires
sissi974
sissi974
5 ans

Tout à fait en accord avec le droit humain, la vérité, elle ne sera sÃ"rement pas facile à entendre, mais c'est un devoir pour les autorités, face au reste du monde et aussi nécessaire pour l'avenir de l'humanité !