Tensions

Aux Canaries, les migrants mal vus par un secteur touristique en plein marasme

  • PubliĂ© le 25 novembre 2020 Ă  23:37
  • ActualisĂ© le 26 novembre 2020 Ă  09:59
Des migrants maliens se baladent à Gran Canaria, le 23 novembre 2020, aprÚs avoir été secourus par des garde-cÎtes espagnols

"Cela donne une mauvaise image", accuse Miguel Gonzalez, propriĂ©taire d'un bar. Alors que les Canaries tentent de sauver ce qui peut l'ĂȘtre de leur saison touristique, l'arrivĂ©e de milliers de migrants, logĂ©s pour certains dans des hĂŽtels, crĂ©e des tensions

"Un de mes clients va porter plainte contre son agence de voyages. Ils ne lui avaient pas dit que Puerto Rico (station balnéaire sur l'ßle de Grande Canarie) était pleine de migrants. Il a été une fois à la plage et il y avait des groupes de 15-20 (migrants) sans masques. Il n'est pas ressorti (de son hÎtel) et a décidé de partir", affirme-t-il. A cette période de l'année, haute saison touristique aux Canaries, Puerto Rico accueille normalement jusqu'à 25.000 vacanciers, en particulier scandinaves. Mais actuellement, la station balnéaire est vide de touristes. A leur place dans les hÎtels, 1.500 migrants.

Depuis le début de l'année, plus de 18.000 migrants ont fait la traversée depuis les cÎtes nord-ouest de l'Afrique situées en face des Canaries. Une situation qui rappelle 2006 quand 30.000 migrants avaient débarqué aux Canaries. Débordées par cet afflux, les autorités ont aménagé des camps temporaires et relogent des migrants dans des hÎtels.

Pour les professionnels du tourisme, pilier de l'économie de l'archipel, cette nouvelle crise migratoire tombe trÚs mal alors que le secteur a été dévasté par la pandémie et comptait beaucoup sur un rebond cet automne. Selon des chiffres officiels, le nombre de nuitées dans l'archipel a chuté de 86,7% en octobre sur un an, à 1,1 million.

- Ambiance "tendue" -

"Cela fait de la peine, il y a 40 personnes (sur la plage) alors que d'habitude Ă  la mĂȘme pĂ©riode, on ne voit mĂȘme pas le sable", se lamente Carmelo SuĂĄrez, loueur de voitures et porte-parole d'une plate-forme de dĂ©fense du tourisme qui organise une manifestation vendredi. "Nous ne sommes pas contre l'immigration mais il faut des sites spĂ©cifiques. Si une personne dĂ©pense ses Ă©conomies pour venir, elle ne veut pas partager son hĂŽtel avec un migrant", dĂ©nonce-t-il.

A Puerto Rico, oĂč les commerces ouverts sont rares, des centaines de jeunes migrants tuent le temps sur la plage ou dans des parcs. D'autres attendent autour d'une agence Western Union.
Eliazar Hernåndez, serveur au restaurant Balcon Canario, affirme que l'ambiance "est trÚs tendue" et qu'un de ses clients allemands lui a dit "retourner en Allemagne" au bout de quatre jours en raison de la présence de migrants.

Ces derniĂšres semaines, plusieurs manifestations ont eu lieu dans l'archipel contre les migrants mais aussi en dĂ©fense de leurs droits. Sur le front de mer, oĂč le thermomĂštre affiche 25 degrĂ©s, trois retraitĂ©s scandinaves, torses nus, passent Ă  cĂŽtĂ© d'un groupe de jeunes migrants sĂ©nĂ©galais, vĂȘtus de sweats Ă  capuches et racontant leur dangereuse traversĂ©e Ă  des journalistes.

"Cela ne me plaßt pas, nous sommes sur une petite ßle", dit en passant devant eux une touriste britannique qui refuse de donner son nom. Rencontré dans une autre partie de la station balnéaire, le Suédois David Gustaffson ne trouve lui rien à redire. "Je suis venu passer une semaine, ma famille me pose des questions sur les réfugiés, ils ont vu cela à la télévision" mais "je n'en ai pas vu ici", dit-il, en buvant une biÚre.

- "Je veux rester ici" -

PrÚs du groupe de jeunes Sénégalais, l'énorme restaurant Terraza Gran Canaria, qui emploie habituellement 60 personnes, est fermé. Trois de ses salariés affichent des pancartes sur la devanture. Sur l'une d'elles, est dessinée une tombe avec les mots "RIP restauration". "Les touristes annulent leurs vacances, ils ont peur et ne viennent pas", regrette l'un d'entre eux, Benaisa Mohamed, de l'enclave espagnole de Melilla située dans le nord du Maroc. L'un de ses collÚgues, Jimmy Camara, est de Sierra Leone. "Nous sommes tous des immigrés mais les laisser comme cela, libres, dans la rue....", ajoute-t-il.

Sur la plage, Aliou Gueye, Sénégalais de 17 ans, joue au football avec d'autres jeunes. "Je veux rester ici, j'aime bien et j'apprends l'espagnol", lance-t-il.

AFP

guest
0 Commentaires